Nous sommes en février 2012. Les auteurs des «Guignols de l'info» diffusent un sketch sur Canal+ mettant en scène Rafael Nadal. Le joueur est présenté en train de faire le plein de son 4x4 en urinant dans le réservoir. Le message suivant accompagne la scène: «Les sportifs espagnols, ils ne gagnent pas par hasard».
Rebelote un autre soir. La marionnette de Nadal, aux biceps saillants, signe à l'aide d'une seringue géante une pétition en soutien au cycliste espagnol Alberto Contador, cité dans l'affaire Puerto et récemment sanctionné suite à un contrôle positif au clenbutérol. Le tennisman chante: «J'ai 15 litres de sang dans le frigo, et viva Espana», en compagnie d'autres sportifs espagnols, notamment Pau Gasol. Si en France, les vidéos font sourire, elles provoquent un tollé de l'autre côté des Pyrénées. La presse espagnole se montre critique et virulente.
La Fédération espagnole de tennis (RFET) dénonce des «insinuations inacceptables et dommageables» et décide de porter plainte contre Canal+. L'Etat espagnol s'en mêle. «J'ai parlé avec notre ambassadeur à Paris hier soir et encore ce matin. Il a instruction d'envoyer un communiqué à tous les médias français et une lettre spécialement au directeur de Canal+ France pour lui signifier notre mécontentement dans cette affaire», déclare le ministre espagnol des Affaires étrangères, Jose Manuel Garcia-Margallo.
Le ministère annonce également qu'une lettre va être envoyée à la France dans le but d'évoquer les relations sportives entre les deux nations. Dans celle-ci, Jose Manuel Garcia-Margallo regrette «des commentaires insinuant que le dopage est une pratique généralisée dans le sport professionnel ibérique».
L'Espagne estime que la France jalouse les résultats de ses sportifs. Rafael Nadal est alors le maître de Roland-Garros. Pereiro, Contador et Sastre viennent de remporter le Tour de France. Deux événements organisés dans l'Hexagone, que les Français ne parviennent plus à gagner depuis des années. C'est encore vrai aujourd'hui! Pire, la Roja est injouable en football et les Bleus sont en crise, moins de deux ans après l'épisode de Knysna.
Yves Le Rolland, producteur des «Guignols», se défend dans Télé2Semaines et alimente par la même occasion la polémique. «C'est vraiment loin d'être la première fois que l'on attaque le milieu sportif, mais je dois avouer qu'en France, on a des sportifs qui ont le sens de l'humour. Et même sur le dopage. A l'époque, on a tapé sur Richard Virenque de façon assez violente. On ne s'est jamais fâchés avec lui. Avec Nadal, on a dû sûrement toucher à une vache sacrée. Mais ça ne me concerne pas que ça les énerve, les Espagnols», explique-t-il, en affirmant que ses voisins n'ont aucun sens de l'humour.
Rafael Nadal s'exprimera lui aussi sur cette affaire. Il dénoncera «une campagne contre l'Espagne en général et contre le sport espagnol». Il ajoutera: «Je ne pense pas que ce soit la question d'un seul média. C'est une campagne plus globale depuis un pays voisin». Quelques mois auparavant, Yannick Noah avait utilisé le terme «potion magique» pour expliquer les résultats des sportifs espagnols.
L'affaire sera heureusement rapidement enterrée et Nadal, parfois clivant à ses débuts, gagnera en popularité édition après édition à Roland-Garros, au point de se mettre tout le public parisien dans sa poche. Tout le monde porte d'Auteuil regrette son départ à la retraite.
(roc)