Dans une course comme le Vendée Globe, le tour du monde à la voile sans escale et sans assistance, les marins nouent une relation très particulière avec leur embarcation. «Je connais mon bateau par cœur: chaque bruit, chaque sensation. Je ne fais vraiment qu’un avec lui», expliquait Alan Roura mi-décembre, dans un article du Temps qui avait pour titre «Vendée Globe: une symbiose entre marins et machines».
«Parfois, il me fatigue car il fait beaucoup de bruit, il est inconfortable, poursuivait le skipper genevois. C’est un peu comme un lien d’amour et de haine. Je l’utilise comme un outil de travail. Je ne crains pas de casser des choses, je tire dedans, mais c’est clair qu’on est liés. On se complète, on a besoin l’un de l’autre, on forme un binôme. Il a parfois ses humeurs, j’ai les miennes, mais on bosse bien ensemble!»
Ce couple entre l'homme et la machine dure souvent de nombreuses années, le temps que le premier apprivoise la seconde, mais il arrive aussi que leurs chemins se séparent, et que le bateau le vive très mal. C'est ce qui est arrivé à l'Imoca d'abord nommé «PRB», puis «Roxy», et enfin «Fruit». Or ce n'est pas n'importe quelle embarcation:
L’Imoca de 60 pieds (18 m) est tellement célèbre qu'une page Wikipedia lui est consacrée. Or malgré sa notoriété, il traverse une période difficile: il a été abandonné par ses propriétaires (une entreprise de maraîchage polonaise) en 2010 car jugé non conforme pour participer à la Barcelona race, puis il a croupi dans une marina à Brest, jusqu'à se trouver réduit à l'état d'épave.
«Mais ce n'est pas la fin de ses aventures», veut croire Kieran Le Borgne. Avec un groupe de passionnés, le skipper breton se bat depuis l'été dernier pour redonner vie à ce qu'il décrit comme un bateau légendaire, désormais renommé «Aïto». Pour remettre l'embarcation à flot, ces amoureux du mythe ont besoin d'argent (250'000 euros); et pour en trouver, ils ont ouvert une cagnotte participative sur Internet.
Dans le message qui décrit le projet, Kieran Le Borgne (nous) interroge: «Laisser mourir des héros ne revient-t-il pas à laisser tomber de vieux rêves?». Il explique ensuite que la restauration de l'Imoca débutera avec la création d’un chantier participatif dans lequel des bénévoles pourront venir aider à rénover l'embarcation tout en apprenant un savoir-faire technique.
Si le budget et les bénévoles sont au rendez-vous, le célèbre Imoca pourrait renouer avec la compétition dans deux ans, lors de la Route du Rhum 2026, et revivre une aventure passionnelle avec son nouveau skipper.