Les membres helvétiques du mouvement de désobéissance civile Extinction Rebellion (XR), qui redoublent d'occasions de dézinguer le système, pratiquent l'art du recours juridique... systématique. «Vous avez tort sauf quand j'ai raison.»
Dernier exemple en date, Antoine Thalmann, co-fondateur de la section lausannoise d'XR, a été condamné le 28 septembre pour plusieurs blocages de routes dans la capitale vaudoise. Ecopant d'une peine de 70 jours-amende à 20 francs avec trois ans de sursis, auxquels s'ajoutent 1000 francs d’amende et 700 francs de frais de justice (une peine moins lourde que prévue), il a décidé de faire recours. Pourtant, il déclarait le 16 septembre au sujet du procès à venir – et de tous les autres du même type:
Dire quelque chose comme «La justice fera son travail» reviendrait sans doute, pour les activistes d'XR, à utiliser des éléments de langage, ce qui leur paraîtrait insupportable. Pourtant, ce verbiage, il est vrai un brin lu et relu, a le mérite de refléter un certain attachement à l'Etat de droit. Or, selon Antoine Thalmann, les militants ont prévu de faire «systématiquement» appel lors des 200 procès qui les attendent en Suisse, quand ils tourneront en leur défaveur.
Faire recours auprès de la justice, justice qu'on conchie par ailleurs: voilà l'attitude caractéristique d'un anti-système inconséquent.
Que les choses soient claires. Perso, je n'ai rien contre le sang libertaire et l'humeur provocatrice. Simplement, la posture paradoxale des membres d'Extinction Rebellion m'empêche d'avoir un début de sympathie pour leur démarche. L'anarchiste de droite qui ne comprend pas que routes et écoles soient étatisées, mais qui paie ses impôts, car son point de vue est minoritaire, ou l'ermite qui ne vote pas, mais ne se plaint pas des résultats, sont, eux, des anticonformistes cohérents. J'avoue même ressentir parfois de la fascination pour leur refus opiniâtre d'épouser l'extrême centre.
Anticonformistes, les désobéissants civils d'XR ne le sont pas. Leur objectif – lutter pour la sauvegarde du climat – a le vent en poupe chez les élites comme dans la population, la plupart des médias leur ouvrent leurs pages sans retenue, les artistes s’entendent avec eux comme larrons en foire.
Etre punk aujourd'hui, contrairement à ce que ces militants pensent ou prétendent penser, c'est garder une distance critique à l'égard des modes intellectuelles et politiques, dont la leur. Une attitude qui, naguère, était normale et qui, maintenant, est devenue originale.
Rejeter en bloc le cadre de la société dans laquelle on vit, ses lois, les personnes qui les préparent, les gens qui les font appliquer, cela équivaut à se tirer une balle dans le pied. En jouant au Uno, personne n'aurait idée de négocier une règle alternative tout en annonçant qu'il ne respectera pas les autres règles du jeu, ou certaines d'entre elles, durant la partie. Ce serait de la triche.