C'était une intervention en son propre nom au Bürgenstock: Alain Berset (52 ans) a assisté à la conférence sur l'Ukraine et aurait serré la main de 50 chefs d'Etat. Objectif: faire campagne pour sa candidature au poste de Secrétaire Général du Conseil de l'Europe.
Ce dernier a été fondé en 1946 et est indépendant de l'UE. Il compte 46 Etats membres. Ses objectifs sont la protection des droits de l'homme, de la démocratie pluraliste et de l'État de droit.
Didier Reynders (65 ans), commissaire européen à la Justice, était également au Bürgenstock. L'UE a publié une photo de lui en compagnie de Roberta Metsola, présidente du Parlement européen. Il souhaite également devenir Secrétaire Général.
Indrek Saar (51 ans) était en revanche absent. L'ancien ministre de la Culture de l'Estonie est également candidat au poste.
La campagne électorale entre dans sa phase décisive à partir de dimanche. L'élection aura lieu mardi: le premier tour (à la majorité absolue) se tiendra de 10 heures à midi; un éventuel second tour (à la majorité relative) de 14 heures à 16 heures.
Les spectateurs s'attendent à un duel entre le socialiste Alain Berset et le libéral Reynders. Alain Berset affirme avoir visité 26 pays et parlé avec plus de 600 membres du Parlement. Dimanche, Claude Wild, représentant permanent de la Suisse auprès du Conseil de l'Europe à Strasbourg, lancera le sprint final à partir de 18 heures. Les 612 membres du Parlement sont invités à un événement avec Alain Berset.
Les chances d’Alain Berset d'être élu ont fortement augmenté depuis lundi. Cela est lié à une annonce qui, à première vue, n'a rien à voir avec le Conseil de l'Europe: la première ministre estonienne, Kaja Kallas, devrait devenir la nouvelle haute représentante de l'Union européenne (UE) pour les Affaires étrangères. Les médias internationaux la qualifient de «figure de proue» parce qu'elle tient tête à Poutine.
Cependant, avec la candidature d'Indrek Saar pour le poste de Secrétaire Général, un autre Estonien est également en lice. Ses chances ont rapidement diminué depuis lundi. Bien que l'Europe souhaite confier plus de responsabilités à l'Estonie pour des raisons géopolitiques, il est peu probable, selon le conseiller national socialiste Pierre-Alain Fridez, que l'Europe attribue deux postes de haut niveau à un petit pays comme l'Estonie, qui ne compte que 1,3 million d'habitants.
La grande question est de savoir ce qu'il adviendra de la candidature de Saar. Frank Schwabe, président du groupe parlementaire des socialistes, démocrates et verts (SOC) a fait de Saar le candidat officiel du plus grand groupe parlementaire. Selon des initiés, la candidature d’Alain Berset serait une épine dans son pied. Après un vote consultatif au sein du SOC en avril, que l'ancien ministre de la Culture de l'Estonie a remporté avec deux tiers des voix, Schwabe aurait demandé à Berset de retirer sa candidature — en vain.
Est-ce que le SOC va maintenant retirer la candidature de Saar afin d'augmenter les chances de succès du socialiste Alain Berset contre le libéral Didier Reynders? Schwabe ne dévoile pas ses intentions.
Les délégués suisses au Parlement du Conseil de l'Europe estiment que seulement 230 à 240 membres, sur un total de 306 votants, participeront au scrutin. La décision du président français Emmanuel Macron de tenir des élections anticipées pourrait coûter à la Suisse huit voix; les députés français, à l'exception des sénateurs, n'ayant pas le droit de vote au Parlement du Conseil de l'Europe. Le Royaume-Uni a aussi programmé des élections anticipées — ce qui pourrait également se traduire par une perte de voix.
La course s'annonce serrée. C'est pourquoi les délégués suisses ont créé un groupe Whatsapp avec Alain Berset. «Chaque voix est vraiment décisive», explique le conseiller national UDC Roland Büchel. «Elle compte en fait doublement: si Alain Berset n'obtient pas une voix, elle ira à un autre candidat».
Le nombre de voix qu'il obtiendra du deuxième plus grand groupe parlementaire, le Parti populaire européen (PPE), devrait être décisif pour Alain Berset. Le conseiller national du PPE Nik Gugger y fait de la publicité pour Berset — et l'ancien conseiller aux Etats Filippo Lombardi (Centre/TI) serait également actif en coulisses. Quant au SOC, les socialistes, ils comptent parmi leurs membres, outre Pierre-Alain Fridez, la verte Sibel Arslan — et Liliane Maury-Pasquier, ancienne déléguée et ancienne présidente du Parlement au Conseil de l'Europe.
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Son rival le plus redoutable est Didier Reynders. Pour sa campagne électorale, le Belge prend un congé sans solde du 15 avril jusqu'au jour des élections le 25 juin — en tant que commissaire européen à la Justice. Didier Reynders a décidé de confier son portefeuille à la vice-présidente Vera Jourova pour toute la durée de son retrait temporaire, explique une porte-parole de la Commission européenne.
Si un conseiller fédéral en exercice prenait neuf semaines de congé non rémunéré pour mener campagne pour un nouveau poste, cela ferait les gros titres en Suisse. Roland Büchel, conseiller national, commente: «Je suis étonné que cela ne provoque pas de remous dans l’UE».
A titre de comparaison, le Département des affaires étrangères (DFAE) a jusqu'à présent pris en charge des dépenses à hauteur de 20 000 francs pour la campagne électorale d’Alain Berset.
Traduit et adapté par Noëline Flippe