Suisse
Analyse

Berne trouve une voie pour exporter des armes, pas en Ukraine

Zelensky n'aura pas d'armes issues de la Suisse.
Pour l'heure, Zelensky n'aura pas d'armes suisses.Image: keystone/watson
Analyse

Berne trouve une voie pour exporter des armes, mais pas pour l'Ukraine

Il y a deux ans, le Parlement a durci les critères d'exportation d'armes. Mais aujourd'hui, les politiciens de droite opèrent un virage délicat en matière de sécurité. Et c'est la guerre en Ukraine qui sert de prétexte.
08.11.2023, 12:0008.11.2023, 18:19
Reto Wattenhofer / ch media
Plus de «Suisse»

Daniel Jositsch siège au Parlement depuis 16 ans et pourtant, il n'avait encore jamais vécu un événement comme celui de la dernière session d'automne. «Je pense que si vous voulez conserver une quelconque fiabilité politique, vous devez vraiment être prudent maintenant et renoncer à un tel changement», a déclaré ce jour-là le conseiller aux Etats zurichois du PS, visiblement consterné.

Son appel a été vain. Le Conseil des Etats a fait quelque chose pour lequel il critique généralement le Conseil national: il a agi de manière inconstante et ce revirement a été spectaculaire. Le Conseil fédéral doit pouvoir autoriser des exportations d'armes même si les critères ne sont pas remplis — à condition qu'il y ait des «circonstances extraordinaires» et que cela serve à «préserver les intérêts de la politique extérieure ou de sécurité du pays». Des politiciens bourgeois du Conseil national souhaitent aller dans le même sens.

👉 Suivez en direct la guerre contre l'Ukraine 👈

Un vrai retour en arrière lorsque l'on sait qu'il y a deux ans, le Parlement s'était également penché sur les critères d'autorisation pour les exportations d'armes. A l'époque, il avait supprimé de la loi une règle d'exception formulée de manière similaire. L'unanimité régnait jusqu'au centre de l'échiquier politique: il ne devait pas y avoir d'exceptions lorsqu'il s'agissait d'exporter du matériel de guerre.

Les promesses des politiques ne tiennent pas longtemps

La décision a également été interprétée comme un vote de défiance à l'égard du Conseil fédéral. Le gouvernement du pays a annoncé en 2018 un assouplissement pour les exportations d'armes. Il voulait également autoriser l'exportation vers des pays en guerre civile, à condition que le matériel de guerre ne soit pas utilisé dans le conflit interne. Suite à la pression publique, le gouvernement a finalement fait marche arrière. Mais le mal était fait.

En réaction, une large alliance a lancé «l'initiative de correction». Avec cette dernière, elle demandait des règles plus strictes pour les exportations d'armes. Le Conseil fédéral et le Parlement ont certes rejeté l'initiative. Pour couper l'herbe sous le pied de l'initiative, le Conseil national et le Conseil des États se sont mis d'accord en 2021 sur un contre-projet indirect. Les initiateurs ont alors retiré leur initiative.

Mais la promesse des politiques n'a pas duré longtemps. C'est le Conseil des Etats qui a ouvert la voie en approuvant en septembre la motion de sa Commission de la politique de sécurité. Mardi, la commission sœur du Conseil national a également donné son feu vert. Il y a de bonnes chances pour que la Chambre haute suive cette recommandation lors de la session d'hiver. Les auteurs de l'initiative de correction ont poussé un grand cri. Il est «antidémocratique» de revenir sur «l'acquis central» de l'initiative populaire par le biais d'une motion, a critiqué la conseillère nationale zurichoise Priska Seiler Graf (PS).

Le Conseil fédéral doit retrouver une plus grande marge de manœuvre en matière d'exportations d'armes.
Le Conseil fédéral doit retrouver une plus grande marge de manœuvre en matière d'exportations d'armes.Image: keystone

«Le monde n'est plus le même»

Pourquoi le vent a-t-il tourné en politique? «Le monde n'est plus le même aujourd'hui qu'il y a deux ans», déclare la conseillère aux Etats Andrea Gmür-Schönenberger, du centre de Lucerne, en faisant allusion à la guerre d'invasion russe contre l'Ukraine. La conseillère aux Etats lucernoise de centre-droit est l'une des députées qui, il y a deux ans, étaient encore favorables à des critères plus stricts pour les exportations d'armes. Ceux-ci ont empêché le Conseil fédéral «de faire preuve d'une certaine flexibilité dans un passé récent», assure Alex Kuprecht, conseiller aux Etats UDC sortant du canton de Schwyz.

Pour la gauche politique, l'Ukraine n'est qu'un prétexte à l'assouplissement. Le droit international continuerait d'interdire à la Suisse de livrer directement du matériel de guerre à ce pays ravagé par la guerre. Pour Jositsch, la motion a plutôt à voir avec le fait que certains cercles souhaitent à nouveau renforcer l'industrie de l'armement. Les partisans ne le nient d'ailleurs pas. La guerre en Ukraine a un impact direct sur l'industrie de l'armement, et celle-ci est une composante importante de l'armée de milice. Le Parlement trouve ainsi pour l'instant une voie pour les exportations d'armes, mais pas pour l'Ukraine.

Traduit et adapté par Noëline Flippe

L'Ukraine a développé une «cape d'invisibilité» pour ses soldats
Video: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
2 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
2
«Ma femme et moi pensions qu'il s'agissait d'un gros chat»
Un castor se promène sur un passage piéton dans un village argovien. La vidéo a fait le buzz. Le responsable cantonal en charge de la question nous parle de la présence de ces gros rongeurs dans les zones urbaines.

En Argovie, comme ailleurs en Suisse, la population de castors ne cesse de croître. On retrouve leurs traces le long des rivières et des ruisseaux. Et de temps à autre, ils partent même en excursion dans les zones urbaines. C'est ce qui s'est passé il y a quelques jours à Möhlin, en Argovie. La vidéo d'un castor qui se balade dans la rue a fait le buzz sur les réseaux sociaux. On y voit l'animal qui se dandine tranquillement sur un passage piétons. Comme s'il savait à quoi servent les marquages jaunes.

L’article