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Pourquoi la livraison d'armes suisses en Ukraine sème le chaos

Pourquoi la livraison d'armes suisses à Kiev sème le chaos au Parlement

Le Parlement discutera, ces lundi et mercredi, des réexportations d'armes suisses vers l'Ukraine. Une question sensible qui touche à la notion de neutralité. Au total, quatre options sont sur la table. On tente de détricoter tout ça.
06.03.2023, 11:5806.03.2023, 19:28
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Les parlementaires suisses se penchent (enfin) sur le dossier brûlant de l'exportation de matériel de guerre d'origine suisse vers l'Ukraine, cette semaine. Les opposants au projet crient à la mort de la neutralité helvétique. Les autres estiment qu'il s'agit d'une simple adaptation de cette dernière à la réalité du monde.

D'abord, un rappel de la situation

Depuis le déclenchement des hostilités en Ukraine, et on parle ici du conflit de 2014 avec la Russie dans le Donbass, la Suisse a interdit la réexportation d'armes de pays tiers vers l'Ukraine. Autrement dit, si l'Allemagne a des munitions de fabrication suisse, elle ne peut les revendre ni à la Russie, ni à l'Ukraine.

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Mais avec l'invasion russe de l'Ukraine, déclenchée il y a plus d'un an, cette interdiction a été remise en question par une partie des élus suisses. Et à l'international, la Confédération subit également des pressions en ce sens. Malgré cela, le Conseil fédéral, prônant une neutralité stricte et s'abritant derrière la loi, est resté droit dans ses bottes: pas de réexportations.

Le débat suscite des inquiétudes quant à la destination finale de ces armes. Selon les experts, il est difficile de garantir qu'elles ne seront pas utilisées contre des civils ou ne violeront pas des droits humains. D'autres ont souligné l'hypocrisie de la Suisse dans cette affaire. Après tout, elle exporte déjà des armes vers des pays en conflit, tels que l'Arabie saoudite prise dans la guerre civile au Yémen.

Plusieurs propositions sont dans les tuyaux politiques. Les camps en présence sont relativement identifiés entre la coalition en faveur d’un assouplissement: Centre, PLR, Vert’libéraux et socialistes. Ils font face à l'alliance dite «contre nature» des Verts et de l’UDC. Mais dans chaque camp, les voix sont discordantes, comme entre les deux chambres parlementaires qui ont réussi à accoucher d'au moins quatre propositions.

La motion Burkart

Ce lundi, le Conseil des Etats se penche sur la motion déposée par Thierry Burkart en juin dernier. Rejetée par le Conseil fédéral comme par la Commission de Sécurité des Etats, elle n'a que très très peu de chance d'aller plus loin. Mais quelque part, c'est elle qui a lancé un pavé dans la mare et poussé les Commissions de gestion à élaborer de nouvelles propositions.

En gros, la motion souhaite autoriser les pays qui partageant les valeurs démocratiques de la Suisse à pouvoir réexporter, dans un délai de cinq ans après son acquisition, du matériel de guerre suisse, soit: l'Allemagne, l'Argentine, l'Australie, l'Autriche, la Belgique, le Canada, le Danemark, l'Espagne, les Etats-Unis, la Finlande, la France, le Royaume-Uni, la Grèce, la Hongrie, l'Irlande, l'Italie, le Japon, le Luxembourg, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République tchèque et la Suède.

La crainte des opposants et du Conseil fédéral notamment, est que la suppression totale de la déclaration de non-réexportation pour les pays mentionnés puisse entraîner l'exportation de matériel de guerre suisse vers des Etats ne remplissant pas les critères d'autorisation suisses. De plus, les déclarations de non-réexportation déjà signées resteraient valables, et la modification ne pourrait s'appliquer qu'aux futurs achats. Donc, une telle décision n'aurait que peu d'impact pour les réexportations vers l'Ukraine.

Que pensez-vous de la motion Burkart?

La modification de la loi sur le matériel de guerre du Conseil des Etats

Cette proposition émane de la Commission de politique de sécurité du conseil des Etats. Et elle a déjà été rejetée par son homologue du National. Elle sera débattue au sein de la Chambre basse ce mercredi 8 mars 2023. Que veut cette proposition? Que la déclaration de non-réexportation soit limitée à cinq ans, si le pays de destination s'engage, dans la déclaration de non-réexportation, à ne transférer le matériel de guerre qu'à de strictes conditions, les voici:

  • Le pays de destination n'est pas impliqué dans un conflit armé interne ou international. Cette restriction ne s'applique pas si le pays de destination fait usage de son droit d'autodéfense en vertu du droit international public (comme l'Ukraine, donc).
  • Le pays de destination ne viole pas gravement les droits humains.
  • Il n'y a pas de risque que le matériel de guerre soit utilisé contre la population civile.

Toutefois, les membres de la Commission de sécurité du National ont estimé que cette proposition était délicate à mettre en place et insuffisante pour résoudre le problème de la réexportation de matériel de guerre. Ils n'en veulent pas.

Que pensez-vous de la proposition du Conseil des Etats?

La fameuse «Lex Ukraine»

La «Lex Ukraine» est une initiative parlementaire issue du National qui vise à rendre caduques les déclarations de non-réexportation dans un seul cas: lorsque le matériel militaire suisse réexporté est destiné à l'Ukraine dans le cadre de la guerre russo-ukrainienne. Et à cet effet, le constat de la commission est clair:

«L'Ukraine a été attaquée par la Russie en violation du droit international. Elle défend aujourd'hui les mêmes valeurs que celles qui animent la Suisse et qui sont encore et toujours revendiquées sur la scène internationale.»

La solution prônée par la «Lex Ukraine» est celle d'une exception ponctuelle et pragmatique: «il s'agit uniquement de procéder à une modification des règles de réexportation clairement limitée dans le temps afin de soutenir l'Ukraine dans sa guerre contre l'invasion russe». Elle ne s'appliquerait, si acceptée, que jusqu'au 31 décembre 2025 (et pourrait être prolongée de deux ans par les Chambres fédérales).

L'argumentaire précise que la Suisse ne livre, de fait, pas directement d'armes à l'Ukraine, «elle ne viole donc pas le droit de la neutralité». L’initiative doit maintenant être débattue au Conseil national (à la session spéciale de mai ou à la session ordinaire d’été 2023).

Que pensez-vous de la «Lex Ukraine»?

L'assouplissement dit «light»

Vous ne serez pas dépaysé. Ce texte, le dernier en date, initié par la Commission de sécurité du National, reprend l’essentiel de la proposition du Conseil des Etats en la retouchant un brin.

Chars, canons ou munitions suisses doivent pouvoir être réexportés sous de très strictes conditions. Actuellement, les pays acheteurs doivent signer une déclaration de non-réexportation. Ils le devront toujours à l'avenir. Mais le Conseil fédéral pourrait décider de la limiter exceptionnellement à cinq ans et sous conditions. Pas question de réexporter des armes vers:

  • Un pays violant les droits humains.
  • Pouvant utiliser celles-ci contre des civils.
  • Etant impliqué dans un conflit armé.

Une exception est toutefois prévue: la réexportation serait autorisée vers un pays en guerre, si ce dernier fait usage de son droit d'autodéfense. Dans le cas de l'Ukraine, cette condition serait remplie.

Quels seraient les critères? Le Conseil de sécurité de l'ONU doit avoir sanctionné la violation du droit international. Une réexportation serait aussi possible si le Conseil de sécurité décidait de recourir à la force pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité. Problème majeur: la Russie fait partie, comme son alliée la Chine, du conseil de sécurité...

L'assouplissement «light» vous en avez envie?

Quelle est la meilleure des solutions?

Laquelle des 4 options serait la plus appropriée selon vous?

Que se passerait-il si un des textes était adopté?

En cas d'acceptation, une révision de la loi devrait être élaborée et adoptée par le Parlement. Et ce n'est que la première étape. En effet, les adversaires au projet de loi auraient 100 jours pour récolter des signatures afin de le contrer. Compte tenu de la forte opposition à tout changement de statut, un référendum est plus que probable, ce qui conduirait, finalement, à un vote populaire. La réexportation d'armes helvétiques en Ukraine serait donc impossible avant l'an prochain. Et ça, c'est dans le plus optimiste des scénarios.

Il existe une autre option, plus rapide. Cette dernière a été employée pendant le Covid. Notons que le Parlement a traité de manière urgente et élaboré des lois qui sont rentrées en force immédiatement. Ce pourrait être le cas avec la «Lex Ukraine». Concrètement, la modification de loi entre en vigueur de manière urgente et limitée dans le temps, sans attendre le délai référendaire. Dans ce cas-là, les armes destinées à l'Ukraine pourraient être livrées dès l'été. Notons que le référendum est possible, mais qu'il est sans effet suspensif (on se rappelle des votations des référendums sur les lois Covid, d'ailleurs tous rejetés).

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