Lors des élections d'il y a un an, l'UDC était le grand gagnant. Il a profité des turbulences géopolitiques et de ses «thèmes récurrents» que sont l'immigration et la politique d'asile. Mais depuis, le parti populiste habitué au succès a du mal à s'imposer. Les quatre dates de votation de cette année ont été et sont toujours accompagnées de divergences et de querelles internes.
Un conflit se dessine entre le libéralisme économique de Christoph Blocher, avec lequel l'UDC se distinguait des autres populistes de droite, et les exigences d'un parti «plus social». L'UDC ne doit pas «oublier les couches de revenus les plus basses», a par exemple averti le conseiller national valaisan Jean-Luc Addor dans la NZZ.
La tendance néolibérale est aujourd'hui représentée par le chef de groupe Thomas Aeschi, originaire de Zoug, le banquier zurichois Thomas Matter, ainsi que Magdalena Martullo-Blocher. Cependant, ils ne possèdent pas le charisme «paysan» de Christoph Blocher, qui avait réussi à se positionner comme «l'avocat des petites gens», un talent que sa fille Magdalena n'a pas su égaler.
Il leur est donc difficile de maintenir l'UDC «aligné» dans l'après-Blocher. Des «dissidents» comme Addor, qui est en réalité un homme de la droite dure, ou le conseiller national argovien Benjamin Giezendanner sortent donc de l'ombre. Ce dernier a exprimé dans le Sonntagszeitung son soutien à une augmentation du nombre de crèches en milieu rural et à la mobilité électrique pour tous.
La réaction de Christoph Blocher a été un non abrupt, ce qui n'est pas étonnant. A son apogée, la garde d'enfants en dehors du cercle familial était considérée comme une sorte de «porte vers l'enfer». A l'époque, l'UDC idéalisait le modèle familial traditionnel. Aujourd'hui, des représentants plus jeunes, comme la conseillère nationale argovienne Martina Bircher, inscrivent tout naturellement leurs enfants dans une crèche.
Ils ne sont pas des «déviants de gauche», mais s'alignent sur les besoins de la société actuelle, avec laquelle Blocher, qui a fêté ses 84 ans vendredi, a du mal à s'entendre. A l'époque où il était chef de facto, l'UDC avait accordé une grande importance à son unité et à sa ligne politique claire. Aujourd'hui, elle se montre de plus en plus souvent divisée, parfois même désunie.
Au Parlement, l'UDC avait rejeté presque en bloc l'initiative populaire de l'Union syndicale (Jean-Luc Addor s'était abstenu) et l'assemblée des délégués avait dit non à la quasi-unanimité. Mais les partisans de l'UDC ont presque soutenu ce renforcement de l'AVS. Selon l'analyse Vox de l'institut GFS Berne, 47% ont accepté l'initiative.
Le parti avait majoritairement approuvé la loi fédérale sur l'approvisionnement en électricité à partir d'énergies renouvelables au Parlement. Mais ensuite, l'aile néolibérale a commencé à s'opposer à ce projet «étatiste». L'assemblée des délégués a décidé de voter non, désavouant ainsi son propre conseiller fédéral Albert Rösti.
Celui-ci a fait bonne figure, mais des politiciens de renom dans le domaine de l'énergie, comme le conseiller national soleurois Christian Imark et le conseiller aux Etats thurgovien Jakob Stark, ont fait fi du mot d'ordre et se sont engagés en faveur de son adoption. Lors de la votation du 9 juin, les «dissidents» n'avaient certes pas la base de l'UDC derrière eux, mais ils avaient le soutien des électeurs.
Lors de la réforme de la prévoyance professionnelle (LPP), le groupe parlementaire et les délégués avaient initialement voté en faveur du projet. Cependant, les partisans ont écouté les syndicats et ont finalement rejeté le projet le 22 septembre, avec 70% de voix contre 30%, selon un sondage de suivi de Tamedia. Ce rejet a été encore plus prononcé que celui du corps électoral dans son ensemble. C'est la première fois que l'UDC fait face à un conflit aussi manifeste entre son élite et sa base.
Mais l'UDC est vraiment sur la mauvaise pente en ce qui concerne la réforme de la santé EFAS, qui sera soumise au vote le 24 novembre. Une fois de plus, elle a voté majoritairement en faveur du oui au Parlement et les néolibéraux ont à nouveau tenté de faire basculer le vote. Mais contrairement à la loi sur l'énergie, ils ont échoué lamentablement, car des personnalités de renom se sont opposées à ce projet.
Le conseiller aux Etats schaffhousois Hannes Germann en fait partie. Il n'était pas seulement présent à la conférence de presse du comité du oui de la semaine dernière, mais a également joué le rôle de «Tätschmeister» (maître de cérémonie). Six directeurs cantonaux de la santé, dont Natalie Rickli (Zurich), s'engagent en faveur de l'EFAS, et même Christoph Blocher s'est déclaré en faveur de l'EFAS.
Plusieurs sections de grands cantons avaient décidé de voter oui, dont l'UDC zurichoise, considérée comme le taulier du parti national. Sa direction a révoqué sa recommandation de voter non et s'est prononcée pour la liberté de vote. Mais lors de leur assemblée de samedi à Aarau, les délégués ont clairement voté pour le oui par 248 voix contre 90.
Le président du parti Marcel Dettling a dû reconnaître que l'on était «fortement divisé en interne». Une telle constatation aurait été impensable du temps de Christoph Blocher. Sans lui, l'UDC semble devenir de plus en plus un «vulgaire parti populiste européen de droite», comme l'a ironisé le président du PLR Thierry Burkart dans une interview accordée à CH-Media, éditeur de watson.
Sa constatation selon laquelle l'UDC «bascule de plus en plus dans le camp de la gauche sur de nombreuses questions» ne résiste pas à un examen approfondi. Le projet de réforme de la santé EFAS, par exemple, est contesté par le PS et les syndicats. La remarque de Burkart est motivée par des raisons stratégiques. Sous sa direction, le PLR connaît un virage à droite, par exemple sur la question de l'asile, c'est pour cette raison qu'il doit se démarquer de l'UDC.
L'Union démocratique du centre n'a pas besoin de se faire beaucoup de soucis. Il est élu pour sa politique en matière d'étrangers, d'asile et de neutralité. Mais sans la «main forte» de Christoph Blocher, l'UDC se transforme en un parti tout à fait normal, avec des querelles internes et des luttes d'orientation. Bref, ce qu'elle n'a jamais voulu être.
Traduit et adapté par Noëline Flippe