On s’en était aperçu lors des occupations d’universités au printemps: la Suisse alémanique ne tolère pas l’activisme anti-israélien, dès lors qu’il suppose la disparition de l’Etat hébreu, la «terre du refuge» pour les juifs. Outre-Sarine, la police était rapidement intervenue pour évacuer les campus investis par des soutiens de la cause palestinienne révoltés par la situation dramatique à Gaza. Cette fois-ci, c’est la Jeunesse socialiste suisse, la Juso, qui est visée par des accusations plus ou moins feutrées de compromission avec l'antisémitisme, toujours en relation avec Israël.
Vendredi dernier, la Neue Zürcher Zeitung rapportait que la Juso avait voté, fin septembre, une résolution dans laquelle elle dit soutenir le mouvement BDS (Boycott, désinvestissement et sanctions). Fondé en 2005, BDS, qui se veut le calque de la lutte anti-apartheid autrefois menée en Afrique du Sud, est un mouvement international visant à isoler l'Etat d'Israël. «L'objectif, comme le rappelle la radio-télévision alémanique sur son site, est de déstabiliser le pays sur les plans économique, politique et culturel.»
Pour les partisans d’Israël, BDS évoque moins la lutte contre l’apartheid sud-africain que le boycott des commerces juifs sous l’Allemagne nazie. Selon la Fédération suisse des communautés israélites, les méthodes mises en œuvre par BDS ont une «connotation clairement antisémite». Sans l’avoir interdit sur leur territoire, l’Allemagne et l’Autriche classent BDS comme un mouvement antisémite.
De son côté, la Juso, connue pour ses positions tirant vers l'extrême gauche, assume son soutien, comme ci-après dans une publication Instagram rendant compte de sa résolution du 28 septembre favorable à BDS:
Cette posture ne fait pas l’unanimité au sein du Parti socialiste. Le conseiller aux Etats socialiste zurichois Daniel Jositsch, de confession juive, a vivement réagi à l’annonce du soutien de la Juso à BDS.
La conseillère nationale socialiste argovienne Gabriela Suter a écrit sur son compte X: «On peut se porter garant de la population civile palestinienne sans faire cause commune avec un mouvement fanatiquement anti-israélien.» Elle attend «une ligne claire contre l'antisémitisme et un minimum de conscience historique», rapporte également le TagesAnzeiger.
Proche de Daniel Jositsch, Simon Jacob, tout jeune président de la section socialiste de Zumikon, dans le canton de Zurich, mène bataille sur les réseaux sociaux contre cette partie de la gauche qu’il accuse de «se compromettre avec l’antisémitisme depuis le 7 octobre», indique-t-il à watson.
Le 17 octobre sur son compte X, l’étudiant en droit lâchait avec la fougue de ses 20 ans:
Dass die JUSO die antisemitischen BDS-Bewegung unterstützt, ist inakzeptabel.
— Simon Jacob🌹 (@Simon_Jacob1) October 17, 2024
Da die JUSO teil des Präsidiums der SP-Schweiz sind, muss sich die SP deutlich davon distanzieren.
Sonst könnte die Position der JUSO auch als Position der SP angesehen werden, das wäre fatal. pic.twitter.com/9MMSgV55nK
Sommée de se prononcer, la direction du Parti socialiste suisse a répondu comme à chaque fois que la Jeunesse socialiste la met dans l’embarras: le PS n’a pas autorité sur la Juso, autonome par ses statuts.
Simon Jacob ne croit pas à ce «eux c’est eux, nous c’est nous». «Le coprésident du PS, Cédric Wermuth, est un ancien président de la Juso. La coprésidente du PS Mattea Meyer en a été la vice-présidente. Il y a une continuité entre la Juso et la direction nationale du parti», souligne le jeune homme.
Pour Simon Jacob, qui n’est pas juif, mais issu d’une famille chrétienne, lui-même se disant «agnostique»:
Le jeune homme ajoute: «Israël est vu comme le riche dominant, qui ne peut pas être victime de racisme, alors que l’antisémitisme est clairement un racisme dirigé contre un peuple. La négation d’Israël, l’hostilité à cet Etat, apparue jusque dans les rangs socialistes, dès le 8 octobre, parfois même le 7, jour du massacre, n’est pas tolérable.»
Avec Daniel Jositsch, Simon Jacob appartient à la «Plateforme réformiste», un courant social-libéral peu connu du PS suisse, du moins en Suisse romande. Sur la sécurité, l’armée et l’économie, les sociaux libéraux du PS, qui seraient «quelques centaines» de membres, se distancient des orientations marquées à gauche de la direction socialiste. A compter du 1ᵉʳ novembre, Daniel Jositsch et Simon Jacob, annonce ce dernier, occuperont respectivement la présidence et la vice-présidence de Plateforme réformiste. Une fronde dans les rangs du PS?