L'information a été révélée ce lundi par les journaux de Tamedia: le Ministère public de la Confédération enquête sur des soupçons de fraude massive. Une association lausannoise, Incop, aurait en effet falsifié des milliers de signatures récoltées pour une dizaine d'initiatives populaires. «Nous aurions voté sur des objets qui n'ont pas abouti légalement», écrit 24 heures.
Comment peut-on tricher? Et qui s'assure que le processus soit respecté jusqu'au bout?
Commençons par le commencement. En Suisse, les citoyens peuvent demander une révision totale ou partielle de la Constitution en déposant une initiative populaire. Pour ce faire, 100 000 signatures valables doivent être récoltées en 18 mois. Le comité à l'origine de l'initiative a dès lors deux options pour atteindre cet objectif:
Dans l'affaire de fraude révélée en début de semaine par les journaux de Tamedia, Incop avait proposé 10 000 signatures «avec validation» en un peu plus d'un mois à 4,50 francs la pièce. L'offre a été faite à Noémie Roten, coprésidente d’Initiative Service Citoyen. Avec son comité, elle souhaitait remplacer le service militaire obligatoire pour les hommes par un service communautaire pour tous.
Un autre acteur est présent sur le marché romand: Vox Communication. Selon des chiffres fournis en 2022 par la RTS, un récolteur serait payé entre 1,50 et 3 francs la signature. Contactée par watson, l'entreprise n'a cependant pas souhaité communiquer les tarifs facturés aux clients pour cause de confidentialité.
Les problèmes dans le processus de récolte de signatures rémunérées ont réellement commencé en 2019, rappelle 24 heures. «Avant la pandémie, il n'y avait que peu de récolteurs rémunérés, les prix étaient bas, entre 1,50 et 2,50 francs par signature. Aujourd'hui, cela peut aller jusqu'à 7,50 francs», explique Marc Wilmes, dont la petite entreprise aide à contrôler les signatures.
Mais comment s'organisent les fraudes? Plusieurs techniques sont utilisées. A Genève, par exemple, près de 2000 signatures avaient été déposées: les noms et les adresses étaient corrects, mais les dates de naissance avaient été falsifiées. Selon les méthodes employées, il est en effet possible de remarquer la triche:
Il reste cependant difficile pour les communes de détecter les cas de fraude lorsque les coordonnées sont correctes, car les signatures des électeurs ne sont pas déposées dans les registres communaux.
Une fois les signatures récoltées, les communes procèdent à la vérification. Les listes sont ensuite déposées à la Chancellerie fédérale – qui accompagne le comité d'initiative dès le début du processus. Le décompte final est effectué et, si les signatures sont valables, l'aboutissement de l'initiative est prononcé.
En temps normal, le taux d'invalidation se situe entre 8% et 12%. Dans le cadre de l'initiative populaire «Service citoyen» lancée par Noémie Roten, nous sommes entre 35% et 90%. Beaucoup de signatures récoltées n'étaient pas valides: 423 signatures sur 1159 en ville de Lausanne, par exemple. L'initiative a tout de même abouti fin 2023 avec 108 000 paraphes valables.
La Chancellerie fédérale – qui avait déjà porté plainte, en 2022, pour soupçons de fraude électorale – réfute le fait que des référendums ou initiatives populaires «auraient été soumis au vote avec moins de signatures valables que celles exigées par la loi». D'autres voix s'élèvent pour contredire ces propos, comme celle de Marc Wilmes, qui estime «que nous devons partir du principe que nous avons voté ces dernières années sur un certain nombre d’objets qui n'auraient jamais dû voir le jour».