Le scandale des signatures continue d'agiter la politique suisse. Début septembre, les journaux de Tamedia révélaient que des entreprises privées auraient falsifié des milliers de paraphes destinés à une dizaine d'initiatives populaires. La découverte avait eu l'effet d'une bombe et remis en cause le fonctionnement de l'un des piliers de la démocratie directe helvétique.
Près de trois semaines plus tard, la polémique ne désenfle pas. Ce mercredi, des parlementaires de six partis ont demandé que les signatures soient désormais récoltées de manière électronique. Il s'agit d'une méthode plus sûre et respectueuse de la vie privée, assurent-ils.
Au-delà des considérations techniques, la proposition soulève une autre question: cette méthode ne risque-t-elle pas de trop faciliter la collecte de signatures? Si réunir les 100 000 paraphes nécessaires devient plus aisé, cela pourrait provoquer des embouteillages. Allons-nous devoir voter sur des dizaines d'objets en même temps?
Une question encore plus pressante si l'on considère que, depuis que le nombre de signatures exigées a été porté à 100 000, il y a près de 50 ans, le nombre d'habitants a énormément augmenté. Pas plus tard que ce jeudi, l'Office fédéral de la statistique annonçait que la population permanente a franchi le seuil des neuf millions d'habitants pour la première fois.
Ne faudrait-il pas, dès lors, augmenter le nombre de paraphes nécessaires à faire aboutir une initiative? Une comparaison chiffrée s'impose.
En 1891, quand le mécanisme de l'initiative populaire est introduit dans la Constitution, il fallait réunir 50 000 signatures, ce qui correspondait à 7,6% du corps électoral, indique le Dictionnaire historique de la Suisse. A l'époque, le pays comptait tout juste trois millions d'habitants.
Un peu moins d'un siècle plus tard, la population a doublé et les femmes obtiennent le droit de vote, ce qui fait grandir soudainement le corps électoral. En 1976, les 50 000 signatures requises ne correspondent plus qu'à 1,3% des personnes ayant le droit de vote. L'année suivante, le nombre de paraphes est donc porté à 100 000, soit 2,6% de l'électorat.
La règle n'a plus été touchée, mais la population a continué d'augmenter depuis. Par conséquent, le taux d'électeurs nécessaires pour faire aboutir une initiative ne cesse de baisser. En 2000, il se monte à 2,1% et, en 2011, il passe sous le seuil des 2%. A la fin de l'année dernière, les 100 000 signatures exigées ne correspondent plus qu'à 1,86% des électeurs.
Sans atteindre encore le niveau de 1976, il est incontestable que les signatures demandées représentent une partie de plus en plus petite de la population ayant le droit de vote.
Si l'on applique aujourd'hui le taux d'électeurs nécessaires de 1891, soit 7,6%, il faudrait récolter plus de 408 000 signatures pour qu'une initiative aboutisse. Avec le taux de 1977, 2,6%, le nombre de paraphes devrait être porté à environ 139 000.