La société suisse de logiciels, qui propose le service de messagerie Threema, s'en prend à l'une des entreprises les plus riches du monde: Apple. Dans un article de blog publié la semaine passée, les créateurs de l'application expliquent ce qui ne va pas chez le géant de la tech américain. Et nous pouvons déjà le dire: ce post impitoyable pourrait ouvrir les yeux des fans les plus férus d'Apple.
Le contexte est le «Digital Markets Act» (DMA), avec lequel l'Union européenne veut limiter le pouvoir des grands groupes et encourager la concurrence. Depuis le 7 mars 2024, Apple, Alphabet, Amazon, ByteDance (TikTok), Meta et Microsoft doivent se conformer à des règles plus strictes, sous peine de se voir infliger de lourdes amendes se chiffrant en milliards.
Dans le cas d'Apple, la Commission européenne souhaite assouplir la position de monopole de l'App Store et permettre l'installation d'applications provenant de sources tierces. Mais les petits malins du siège de l'entreprise à Cupertino, en Californie, ont contrecarré ce projet. L'entreprise américaine ne permet toujours pas, même en Europe, que les apps puissent être achetées directement à la source (c'est-à-dire auprès des développeurs), comme le dénonce Threema.
Le monopole de l'App Store serait maintenu de facto et l'entreprise américaine pourrait continuer à encaisser des milliards en tant qu'intermédiaire «grâce à des frais faramineux lors de la vente d'applications tierces».
Threema avance plusieurs arguments pour expliquer pourquoi l'App Store n'offre pas plus de sécurité et est même mauvais du point de vue de la protection des données. Premièrement, Threema affirme que, en tant qu'entreprise technologique, Apple devrait garantir la sécurité par des moyens technologiques, «et non par des restrictions radicales». L'entreprise suisse souligne que cela fonctionne avec le système d'exploitation des ordinateurs de bureau d'Apple (macOS). Depuis toujours, il est possible de télécharger des applications directement auprès des développeurs, et les problèmes de sécurité sont minimes.
Pour garantir la sécurité lors du téléchargement direct d'applications, un «système de notarisation» est utilisé depuis longtemps sous macOS, explique Threema. Ce qui permet de s'assurer que les applications téléchargées directement chez les développeurs ont été testées par Apple et n'ont pas été manipulées par des tiers.
Ainsi, si une application s'avère malveillante par la suite, Apple peut révoquer le certificat du développeur correspondant à tout moment, ce qui rend l'application en question impossible à ouvrir ou à installer.
Le monopole de l'App Store d'Apple est également contraire à la protection des données, soutiennent les développeurs d'applications suisses. Ceux qui téléchargent Threema pour Android depuis la boutique Threema n'ont besoin de faire confiance qu'à Threema elle-même, et non à un tiers. L'application téléchargée est signée par Threema, ce qui permet de vérifier sans équivoque qu'elle n'a pas été manipulée par qui que ce soit et qu'elle fonctionne comme prévu. En revanche, ceux qui téléchargent une application iOS depuis l'App Store reçoivent un fichier signé par Apple. Les développeurs iOS n'ont pas la possibilité de signer leurs propres applications.
Par conséquent, il n'est pas exclu qu'Apple modifie ou apporte des ajustements à certaines applications sur ordre d'un gouvernement, par exemple.
L'achat direct d'apps auprès des développeurs présente également des avantages en termes de méthodes de paiement. Ainsi, il est possible d'acheter une application en espèces, sans que des données ne soient générées auprès d'une institution financière. De plus, il n'est pas possible de savoir qui achète combien de licences.
Ceux qui achètent Threema sur iOS le font via Apple et l'entreprise prend une commission à hauteur de 30%. Comme l'App Store ne propose pas de méthodes de paiement anonymes, non seulement Apple sait qui achète quelle application et quand, mais les institutions financières impliquées ont également un aperçu des habitudes d'achat des utilisateurs d'iOS. Les restrictions d'Apple empêchent également les utilisateurs de Threema de passer à un autre système d'exploitation (d'Android à iOS ou vice versa) sans devoir racheter l'application.
Selon Threema, le problème sous-jacent réside dans le fait qu'Apple crée des conditions-cadres qui favorisent la surveillance.
Par exemple, Meta pourrait publier WhatsApp sur l'App Store «sans débourser un centime», tandis que les services basés sur un modèle économique respectueux de la vie privée sont lourdement taxés.
Il y a 40 ans, lors du Super Bowl 1984, Apple a diffusé une publicité qui est entrée dans l'histoire. Dans ce clip d'une minute, une héroïne intrépide libère la société du totalitarisme technologique, comme le rappellent les créateurs de Threema.
Threema critique vivement le modèle «bizarre» que le géant américain a introduit dans son App Store. Selon l'entreprise suisse, ce modèle entraîne des frais «inventés de toutes pièces» et est conçu de manière à être le moins attrayant possible tant pour les développeurs d'applications que pour les utilisateurs d'iOS et les éventuels fournisseurs de places de marché alternatives. Il est grand temps, affirme Threema, qu'Apple se rappelle de ses idéaux originels, cesse d'infantiliser ses utilisateurs et permette enfin aux développeurs de distribuer leurs propres applications comme ils le jugent approprié.