Si vous aimez les dinosaures et vous disposez d'un demi-million de francs, c'est une occasion à ne pas louper. Ce lundi 17 juin, un squelette complet sera vendu aux enchères à Zurich par la maison de vente Koller. Le spécimen, appelé Artémis, est un dryosaurus altus, un herbivore ayant vécu au Jurassique supérieur, il y a 150 millions d'années.
Le squelette fait 2,6 mètres de long et a pu être reconstitué avec «une extrême précision», indique Koller. Il est complet à 70% et son prix estimé oscille entre 380 000 et 600 000 francs. Ce n'est pas la première fois qu'un dinosaure est mis aux enchères en Suisse. L'année passée, un T-Rex avait été vendu 4,8 millions de francs, toujours par Koller.
Si ces opérations attirent toujours l'attention, c'est surtout à cause du profil de certains acheteurs. Posséder des squelettes de dinosaure serait, depuis quelques années, la nouvelle lubie des ultra-riches. Au même titre que les yachts et les Rolex, ironise le Business Insider.
Le phénomène a sans doute été popularisé par l'intérêt que certaines stars hollywoodiennes portent à ces fossiles. Leonardo DiCaprio, Russell Crowe ou encore Nicolas Cage possèdent ou ont possédé d'importantes collections. Au point où le magazine The Cut se demandait pourquoi les acteurs étaient autant obsédés par les squelettes de dinosaure. En 2019, le W Magazine qualifiait ces objets de «tendance la plus en vogue sur le marché de l'art».
En vérité, cet engouement est plus ancien, estime Christian Link, responsable du département «Out of This World» chez Koller. Selon lui, l'intérêt pour les squelettes de dinosaure a commencé à se développer à partir du début du millénaire, notamment après la vente aux enchères de Sue, un T-Rex adjugé à 8,4 millions de dollars en 1997.
Et, contrairement à ce que l'on peut imaginer, il ne s'agit pas d'une tendance réservée uniquement aux riches, assure-t-il.
«Il y en a vraiment pour tout le monde», insiste Christian Link. «En plus des squelettes complets, il y a également des ammonites, de petits fossiles, des feuilles», liste-t-il. Les montants, qui oscillent entre «quelques centaines de francs et plusieurs millions», sont très variés. A l'image des acheteurs.
Au-delà du profil, on pourrait se demander si ces fossiles ne devraient pas plutôt appartenir à des musées. D'autant plus que les acheteurs les plus fortunés sont accusés d'avoir fait grimper les prix, au détriment des institutions scientifiques.
«Les dinosaures deviennent un objet de luxe accessible uniquement aux plus riches», déplorait un paléontologue interviewé par El Pais. Le Business Insider évoque une «tendance très inquiétante», qui voit des acheteurs privés s'accaparer de précieux fossiles à des «prix exorbitants», «excluant ainsi du marché les chercheurs et les musées».
Des interrogations fermement balayées par Christian Link: «Pour être honnête, l'image du millionnaire cupide qui vit dans son bunker et veut tout garder pour lui est un cliché», déclare-t-il.
Pour mieux expliquer son point de vue, Christian Link cite le docteur Dennis Hansen, du département d'histoire naturelle de l'université de Zurich: «Tous ces morceaux sont restés dans le sol pendant soixante, soixante-dix, cent millions d'années. Quand on les sort de la terre, ils peuvent parfois être achetés par un collectionneur privé, mais en général, ses descendants ne s'intéressent plus aux dinosaures et les donnent à un musée», indique-t-il. Et d'ajouter:
«Il y a encore beaucoup de fossiles enfouis dans le sol», poursuit-il. «Si personne ne les ramasse ou ne les prépare, une fois qu'ils remontent à la surface, ils se corrodent et vont disparaître de toute façon.»
Christian Link reconnaît tout de même que «les prix ont beaucoup augmenté». «Auparavant», illustre-t-il, «les particuliers n'avaient pratiquement aucun intérêt à posséder des dinosaures».
Pourtant, à ses yeux, ces objets ne sont pas si chers que ça: «Préparer un squelette d'un gros dinosaure peut prendre jusqu'à dix ans de travail. Si l'on considère les milliers d'heures de travail que cela représente, je pense que ce prix est justifié», conclut-il.