L'armée suisse est dans l'impasse. D'ici 2027, il lui manquera 1,4 milliard de francs pour honorer ses crédits d'engagement. Son chef, Thomas Süssli, est donc sous pression. Il doit s'expliquer devant les commissions parlementaires.
Une partie du problème vient d'un décalage du calendrier: les moyens de l'armée devaient d'abord être portés à 1% du produit intérieur brut suisse d'ici 2030. Mais le Conseil fédéral a finalement repoussé cette hausse jusqu'en 2035 – et le Parlement s'est rallié, de justesse, à cette décision.
L'UDC ne veut pas en rester là. Lors des débats sur le budget en décembre prochain, le parti souhaite revenir à la stratégie initiale, ce qui, selon lui, ne poserait pas de problème pour le frein à l'endettement.
Le premier parti de Suisse va donc présenter des propositions d'économies. Il veut s'attaquer au domaine de l'asile et à l'administration fédérale, dans lesquels il estime possible de réaliser des coupes de plusieurs centaines de millions. L'objectif est que l'armée dispose d'environ 9 milliards dès 2030. Reste maintenant à savoir qui soutient l'UDC dans ce dossier.
Le PLR envoie des signaux positifs, comme l'a déclaré son président Thierry Burkart (AG):
Il n'y a pas que le frein à l'endettement qui est inscrit dans la Constitution, mais aussi la mission de défense nationale. Il faut donc tenir compte de ces deux aspects, selon le politicien. Les libéraux-radicaux veulent éviter que la Suisse ne retrouve sa capacité de défense qu'après 2040. L'UDC et le PLR n'ont, toutefois, pas la majorité au Parlement fédéral. Il faudra encore convaincre le Centre pour une montée en puissance plus rapide de l'armée. Sa sénatrice Marianne Binder (AG) plaide pour un report jusqu'en 2035.
Le président du parti Gerhard Pfister, lui, ne veut pas se prononcer avant de disposer de davantage d'éléments concrets. Pfister demande à l'UDC de détailler où elle souhaite faire des économies «conformes au frein à l'endettement» – mais qui permette à la fois d'augmenter les ressources militaires.
Le Centre avait d'abord soutenu une croissance rapide de la taille de l'armée, mais s'est ensuite aligné sur la ligne du Conseil fédéral fin 2023. Le parti revient-il en arrière aujourd'hui? La question fera débat en interne jusqu'en décembre.
Au sein du PLR également, la position sur le budget de la défense 2025 donne encore lieu à des discussions. La ministre des Finances Karin Keller-Sutter pointe du doigt les trous dans le budget fédéral. Elle est favorable à un développement plus lent de l'armée – contrairement à son président de parti, Thierry Burkart.
Le chef de l'armée Thomas Süssli reçoit en parallèle le soutien de différentes sociétés d'officiers. Le major Thomas Albert préside celle de Zurich. Il confirme «apprécier le travail du chef de l'armée».
Quant au Parti socialiste, il a affiché un soutien inattendu au militaire. Certains de ses représentants avaient parlé de «débâcle» et de «politique d'information désastreuse» à propos du gouffre financier et avaient appelé à une «clarification sans faille».
Le conseiller aux Etats socialiste et lieutenant-colonel Daniel Jositsch (ZH) estime, en revanche, que les explications du chef de l'armée concernant le goulet d'étranglement financier sont «concluantes». Aux yeux du socialiste, Thomas Süssli fait d'ailleurs «un excellent travail».
(Traduit de l'allemand par Valentine Zenker)