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Les pilotes de Swiss s'inquiètent d'une nouvelle règle

«C'est comme voler sans pilote»: une nouvelle règle inquiète l'aviation

Les pilotes européens veulent attirer l'attention sur une évolution de la branche qu'ils jugent dangereuse.
05.08.2024, 05:50
Benjamin Weinmann / ch media
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Même l'équipage du cockpit doit faire des pauses parfois. Ce n'est pas un problème aujourd'hui, car les pilotes ne sont jamais seuls. Il y a toujours un collègue assis à côté. Mais ça pourrait changer.

En effet, les constructeurs d'avions et plusieurs compagnies aériennes font pression pour une introduction rapide des «Reduced Crew Operations». L'objectif est simple: deux pilotes ne seraient réellement nécessaires dans le cockpit que pendant les décollages et les atterrissages, et un seul durant le vol - grâce à la technologie moderne.

Mais que se passe-t-il si le seul pilote doit soudainement aller aux toilettes, et dans le pire des cas, même pendant une urgence? C'est sur ce danger que l'Association européenne des pilotes de ligne (ECA) souhaite attirer l'attention avec une nouvelle campagne accrocheuse. Une affiche montre une cuvette de toilettes au milieu du cockpit. On peut y lire la question:

«Pouvez-vous gérer deux urgences en même temps?»

L'affiche doit être placardée dans les aéroports et sensibiliser le public à cette question.

Voici la nouvelle campagne de l'European Cockpit Association.
Voici la nouvelle campagne de l'European Cockpit Association.

«Chaque seconde est décisive»

Aeropers, l'association des pilotes de Swiss, est membre de l'ECA et soutient la campagne. «Nous allons la diffuser sur tous nos canaux», confie le porte-parole d'Aeropers Roman Boller, qui pilote lui-même des Boeing 777 long-courriers pour Swiss. L'image sera visible dans le magazine interne de l'association et sur les réseaux sociaux. Une action d'affichage physique n'est toutefois pas prévue pour l'instant, précise Boller.

«En tant que pilotes d'avions de ligne commerciaux, notre objectif premier est toujours de transporter nos passagers en toute sécurité»
Roman Boller
Roman Boller
Roman Boller, porte-parole d'Aeropers et pilote pour Swiss.

Selon lui, les efforts déployés par l'industrie pour les opérations en équipage réduit représentent un risque considérable pour cette sécurité:

«De nombreuses questions ne sont pas encore résolues»

Les avions se seraient imposés au cours des dernières décennies comme le moyen de transport le plus sûr. Cette sécurité ne doit pas être mise en péril par la quête de profit des constructeurs d'avions et des compagnies aériennes, affirme Boller.

Mais le deuxième pilote, qui prendrait place à l'arrière de l'avion après le décollage et avant l'atterrissage, ne pourrait-il pas intervenir en cas d'urgence? «C'est possible», répond Boller. Mais le risque reste grand:

«Dans les situations d'urgence, chaque seconde est souvent décisive, et dans le pire des cas, il peut être trop tard pour que le ou la collègue se trouve à l'avant du cockpit.»
Roman Boller

Airbus met les gaz

La conscience de la situation météorolgique, de l'état technique ainsi que de la position de l'avion nécessite une analyse approfondie:

«Si l'on se trouve dans le cockpit, on est conscient de cette situation à tout moment en tant que pilote. Mais si l'on passe du sommeil à l'urgence dans le cockpit, il faut du temps pour effectuer une telle analyse et prendre conscience de la situation actuelle.»

Les constructeurs d'avions Airbus et Dassault sont les premiers à faire pression pour accélérer le développement. Ainsi, le dernier avion de la famille Airbus, l'A350, est déjà largement conçu pour fonctionner avec un seul membre d'équipage pendant le vol. Selon Boller, les entreprises reçoivent justement le soutien de l'EASA, l'autorité de sécurité aérienne de l'Union européenne.

Celle-ci avait initialement présenté un calendrier serré. A l'origine, les vols avec parfois un seul pilote dans le cockpit étaient prévus dès l'année prochaine. Mais dernièrement, l'horizon temporel a été repoussé:

«Pour l'instant, il ne faut pas s'attendre à des vols avec un seul membre d'équipage dans le cockpit avant 2028»
Roman Boller

Vulnérabilité de l'informatique

Le pilote souligne que la sécurité aérienne repose sur une équipe dans le cockpit:

«Outre le pilotage de l'avion, leurs tâches comprennent la surveillance du vol, la gestion des systèmes automatiques, l'évaluation et la gestion des risques dans un environnement complexe et changeant.»

Si un pilote est incapable d'agir, l'autre membre de l'équipage doit toujours être prêt à reprendre rapidement les commandes:

«L'exploitation avec un seul membre d'équipage équivaut à un vol sans pilote et représente un risque considérable pour la sécurité des passagers et de la population au sol.»

Il est curieux de constater que la fédération européenne des pilotes a lancé cette campagne jeudi dernier, juste un jour avant la panne informatique mondiale de Crowdstrike, qui a entraîné de nombreuses annulations de vols et une situation chaotique dans les aéroports, mettant en évidence la vulnérabilité des systèmes informatiques et ses conséquences.

«Remplacer les pilotes par l'automatisation peut éventuellement augmenter les profits, mais cela ne rendra pas les vols moins chers ni plus sûrs pour les passagers»,
La fédération européenne des pilotes dans un communiqué

Et le porte-parole d'Aeropers, Roman Boller, fait référence à un incident survenu à bord d'un vol Edelweiss dimanche dernier: lors du vol de retour de Tampa vers Zurich, l'un des trois pilotes a eu un problème médical 90 minutes avant l'atterrissage. Par la suite, une situation d'urgence a été déclarée. L'atterrissage à Zurich a été effectué par les deux autres pilotes. Selon la compagnie aérienne sœur de Swiss, la sécurité des vols a été garantie à tout moment.

Il manquera bientôt 80 000 pilotes?

Toutefois, ce n'est pas seulement le profit qui motive l'industrie. En effet, le secteur est confronté à une pénurie de personnel. Selon une nouvelle étude du cabinet de conseil américain Kearney, il manque beaucoup de pilotes, notamment parce que nombre d'entre eux ont quitté ce secteur pendant la pandémie.

Selon les estimations de Kearney, il pourrait manquer près de 80 000 pilotes dans l'aviation mondiale en 2032. Le problème du point de vue des compagnies aériennes: la formation de nouveaux personnels de vol prend du temps et la disponibilité des pilotes formateurs ainsi que la capacité opérationnelle sont limitées. Cela a également pour conséquence que l'on se dispute les pilotes disponibles, parfois avec des salaires plus élevés, ce qui pèse sur le bilan.

(Traduit et adapté par Chiara Lecca)

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