CEO ad interim, Christian Poerschke, a le sourire et montre qu'il ne se contente pas d'expliquer les chiffres. «Raiffeisen a réalisé un très bon résultat en 2024». Jeudi, lors de la conférence de presse annonçant les résultats de la banque, celui qui gère les finances de l'entreprise depuis de nombreuses années a aussi tenu à montrer ses qualités de communicant.
En décembre dernier, Heinz Huber avait quitté son poste de directeur général de manière totalement inattendue, pour occuper dès juillet la présidence de la Banque cantonale des Grisons. Alors jeudi, avec la réserve qui s'impose, Christian Poerschke a fait savoir que la fonction laissée vacante lui plairait bien.
Christian Poerschke travaille depuis vingt ans chez Raiffeisen, dont trois ans comme adjoint de Heinz Huber. On peut dire qu'il aime sa banque. Reste à voir si le conseil d'administration se laissera convaincre par cette lettre de motivation implicite.
La coopérative, avec ses 218 banques juridiquement indépendantes, s'est à nouveau fortement démocratisée, depuis l'époque où Pierin Vincenz, tout-puissant, dirigeait la centrale de Saint-Gall. Les candidats au poste de CEO dont on parle en coulisses sont tous des dirigeants locaux.
Vu de l'extérieur, le profil type d'un CEO du groupe Raiffeisen n'est pas vraiment défini. Pierin Vincenz était charismatique, Heinz Huber, un homme plutôt discret. Et la banque semble s'épanouir avec ces deux types de profils.
Certes, le groupe, qui emploie 12 678 personnes, a réalisé l'an dernier un bénéfice de 1,2 milliard de francs, soit 13% de moins que le résultat record de l'année précédente. Mais ce recul n'est pas surprenant, dans le contexte du changement de cap des taux d'intérêt amorcé par la Banque nationale au printemps 2024. La BNS a abaissé le taux directeur de 1,75 à 0,5% actuellement, provoquant ainsi un recul du produit des intérêts pour toutes les banques de crédit classiques.
Raiffeisen accumule les performances, et a partiellement compensé ce recul par une augmentation du volume des prêts de près de 4,7% à 233 milliards de francs. Environ 95% de ce montant sont des créances couvertes par des hypothèques. Selon les données de la banque, la part de marché de Raiffeisen dans les affaires hypothécaires suisses est passée de 17,8 à 18,1% au cours de l'année écoulée.
L'entreprise confirme que la disparition de Credit Suisse lui a également apporté de nombreux nouveaux clients, et une croissance supplémentaire, ce qui ressort effectivement des chiffres publiés. La banque décompte près de 2,1 millions de sociétaires, soit 1,8% de plus que l'année précédente, et une part de marché en hausse (+15,1%), y compris pour les dépôts de clients, et de 5 000 nouveaux clients commerciaux. Et la tendance devrait se poursuivre encore un certain temps.
En Suisse, la base de clients de Credit Suisse n'a pas encore été intégrée à l'UBS. Parmi les plus de 300 000 clients de CS qui avaient profité fin 2022 de l'offre gratuite CSX, adaptée à des besoins simples, beaucoup pourraient encore chercher à se dégoter une autre banque cette année et l'année prochaine, pour autant que celle-ci puisse proposer une offre équivalente ou même meilleure.
Apparemment, Raiffeisen avait aussi ce public cible en tête lorsqu'elle s'est fixé comme objectif de développer une «super-appli». Mais le rêve d'une banque Raiffeisen simple, rapide et bon marché sur le téléphone portable est pour l'instant tombé à l'eau. Lors de la conférence de presse, Christian Poerschke n'a pas voulu dire combien la banque avait consacré à cette application, sur un total d'environ 500 millions de francs d'investissements stratégiques en informatique. Mais il a tout de même indiqué qu'il s'agissait d'un montant important.
Raiffeisen a quand même du succès. La question est de savoir quelle part de ce succès revient à ses compétences, et quelle part est liée aux évolutions favorables, économiques et démographiques. Il ne fait aucun doute que la forte immigration qui persiste est un puissant moteur pour les opérations hypothécaires, tout comme le faible niveau des taux d'intérêt.
Pour l'instant, tout semble indiquer que Raiffeisen peut avancer en toute sécurité, même sans chauffeur. Mais les véritables possibilités de cette conduite autonome ne pourront être évaluées que lorsque le trafic se fera plus dense. La situation politique et économique mondiale incertaine rend une telle situation plus probable que par le passé.
Traduit de l'allemand par Joel Espi