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La France gifle la Suisse avec la ligne CFF Bienne - Belfort

Inauguration de la liaison ferroviaire franco-suisse Delle-Belfort en gare de Delle ce jeudi 6 decembre 2018. La reouverture de la liaison ferroviaire franco-suisse Delle-Belfort offrira un nouvel acc ...
Gare de Delle, jour de l'inauguration du tronçon Delle-Belfort. 6 décembre 2018.Image: KEYSTONE/BIST

La France gifle les CFF, l'histoire d'une ligne maudite

La France à décidé, seule de son côté, d'arrêter à la frontière la liaison ferroviaire reliant Bienne à la gare TGV de Belfort, créant la stupéfaction en Suisse, spécialement dans le canton du Jura. watson a joint les protagonistes de ce qui ressemble beaucoup à une partie de poker.
15.08.2023, 07:1718.08.2023, 07:23
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On peut parler de malédiction. En décembre 2025, les passagers du train qui incarne aujourd’hui la continuité ferroviaire entre Bienne et Belfort devront descendre avant destination, à Delle, à la frontière franco-suisse. Auront-ils alors une correspondance pour atteindre leur but? Mystère.

Le présent trajet direct a son importance: il permet aux Biennois comme aux Jurassiens désireux de se rendre à Paris, ou dans le sud de la France, de gagner la gare TGV de Belfort-Montbéliard. Sauf que la Région Bourgogne-Franche-Comté a décidé de couper la liaison à Delle, côté français, comme on l’apprenait début août. Qu'est-ce qui se cache derrière cette bien étrange décision?

Une vieille histoire

Fermée en 1992, la réouverture de la ligne Delle-Belfort avait été inaugurée le 6 décembre 2018, après 26 ans de patiente attente. Les trains en provenance de Suisse pouvaient ainsi poursuivre leur route vers la gare TGV de Belfort. L’antique ligne Paris-Berne reprenait, en quelque sorte, du service. La Confédération et le canton du Jura avaient mis respectivement 24 millions et 3,2 millions d’euros de leur poche dans les travaux de réhabilitation de la ligne Delle-Belfort, intégralement située en territoire français. L’investissement global s’élevait à 110 millions d’euros. Dix liaisons allers-retours entre Bienne et Belfort-TGV voyaient le jour. Le canton du Jura était aux anges: en temps de trajet, Paris était aussi proche de Delémont que de Genève ou Lausanne.

Le parcours de la ligne Bienne-Belfort

Image
source: république et canton du Jura

Mais voilà qu’il faudra changer à Delle à partir de décembre 2025. Un coup de canif dans le contrat de confiance? Pas si vite, rétorque Michel Neugnot, premier vice-président de la Région Bourgogne-Franche-Comté, chargé des mobilités. Joint par watson, celui-ci fait valoir avec diplomatie une première entorse au contrat. A l’entendre, c’est la Suisse qui a commencé à détricoter l'ouvrage:

«A partir de la fin 2025, en raison de l’introduction de l’horaire cadencé à la demi-heure entre Bienne et Bâle, les trains en provenance de Bienne qui prennent actuellement la direction de Belfort, prendront celle de la cité rhénane. Cela veut dire que les Biennois souhaitant gagner la gare TGV de Belfort devront changer à Delémont. En termes techniques, cela s'appelle une rupture de charge.»
Michel Neugnot

Faux direct, vrai tortillard

Résultat des courses: le trajet Bienne-Belfort TGV comprendra deux changements dans le meilleur des cas. Pas génial, en termes d’attractivité. Justement, parlons-en. Aujourd'hui, la «navette» Bienne-Belfort TGV n’est directe qu’entre le chef-lieu seelandais et Delémont, avec étapes à Granges et Moutier. Ensuite, elle musarde entre le chef-lieu jurassien et la gare belfortaine. Delémont-Belfort TGV, c’est 1h05 de temps de trajet pour un peu plus de cinquante de kilomètres. La raison: une quinzaine d’arrêts, comme autant de villages, Porrentruy non inclus.

Ces multiples haltes, la plupart côté suisse, agacent le partenaire français. A quoi bon avoir créé un direct entre Bienne et Belfort TGV si c’est pour qu'il se transforme en tortillard à partir de Delémont? A titre de comparaison, la navette qui relie Neuchâtel à Frasne, en France, pour y prendre le TGV Lausanne-Paris, est un véritable direct.

David Asséo, le délégué aux Transports du canton du Jura, rappelle la donne:

«Nous avons, dans le canton du Jura et sur la ligne menant à la frontière française, l’horaire cadencé à la demi-heure, avec desserte de toutes les gares et une conséquence heureuse à cela: le transfert de la route au rail et une très grande attractivité auprès de la clientèle.»
David Asséo

Introduire des directs dignes de ce nom entre Delémont et la frontière française demanderait des investissements pouvant se chiffrer en millions de francs. Les coûts d'exploitation de l'actuelle ligne Bienne-Delle, soit la partie suisse du trajet vers Belfort, se montent à 19 millions de francs, avec un rendement appréciable de 56%, supérieur à la moyenne suisse, le tout assorti d'une subvention de 8 millions de francs, indique David Asséo. Les chiffres côté français ne sont pas connus, mais l'on sait que le trafic ferroviaire régional en France est subventionné à 75%, sinon plus, par l'impôt.

Déception

Il n'en reste pas moins que le bilan international de la liaison Bienne-Belfort TGV, qui se prolonge jusqu’à Belfort-Ville moyennant un changement, n’est pas brillant. Les deux parties, la suisse et la française, en conviennent. Selon Michel Neugnot, le chargé des mobilités à la Région Bourgogne-Franche-Comté, seuls 170 Suisses montent chaque jour dans le TGV à Belfort. Mais beaucoup d’entre eux se rendraient à la gare en voiture et peu avec le train en provenance de Suisse.

La fréquentation quotidienne sur la partie française de cette liaison franco-suisse serait très basse, environ 400 passagers, contre 7000 par jour entre Delémont et Porrentruy, la ville d'Ajoie située sur la ligne qui nous intéresse. Il faut dire que le nombre de trains en circulation côté français entre Delle et Belfort est bien inférieur à la quantité de liaisons proposées côté suisse. L’offre française se cale sur les heures de pointe des travailleurs, matin et soir, mais des travailleurs œuvrant en France même. Dès la frontière suisse, le Belfort-Bienne n'est pas particulièrement rempli de frontaliers français, la voiture reste privilégiée. Tant pis pour l'environnement.

Ça aurait pu marcher...

Le partenaire suisse proposait, dans un plan nommé «Convergence 2026», d’assurer avec son matériel roulant l’ensemble des liaisons Belfort-Delle-Delémont, dès Belfort ville, où le potentiel de clientèle transfrontalière est le plus élevé. Et d’introduire l’horaire cadencé à la demi-heure. Sans doute y avait-il là aussi un souci d’efficacité. Sous-entendu: les choses fonctionnent mieux à la manière suisse, et puis, si l’on peut ainsi contourner les grèves…

Piqués? Vexés? Les Français ont dit «non». La Région Bourgogne-Franche-Comté a proposé, du moins pour la forme, qu’il y ait un appel d’offre ouvert à la France pour l’exploitation de la ligne Bienne-Belfort (ou du prochain Delémont-Belfort quand les passagers en provenance de Bienne devront changer de train en gare delémontaine). Mais la chose est impossible en l’état en raison de la concession dont bénéficient les CFF jusqu’en 2030 pour cette ligne. De toute façon, réplique-t-on en Suisse, les Français manquent de matériels roulants et pourraient difficilement accroître leur offre d'équipements sur la ligne en question. Pas un problème, répond Michel Neugnot:

«Quand l’appel d’offre est gagné, l’équipement nécessaire est livré»
Michel Neugnot

Le Français l'assure: la Région Bourgogne-France-Comté et la SNCF vont travailler à une solution satisfaisante pour toutes les parties. De façon à ce que les passagers en provenance de Suisse et qui souhaitent prendre le TGV à Belfort ne restent pas en rade en gare de Delle à compter de décembre 2025. Et de façon, comprend-on, à augmenter le nombre de Français, en particulier frontaliers, empruntant cette ligne. Comme s'il était temps de mettre fin à la malédiction qui la frappe.

Voici comment les voleurs des bornes CFF opèrent
Video: watson
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