Depuis l'annonce du nouvel horaire CFF pour 2025, un point fait particulièrement grincer des dents en Suisse romande: la correspondance directe supprimée entre l'Arc jurassien et Genève.
Cette ligne, c'est celle de l'Intercity 5, qui traverse le pays d'est en ouest: depuis Zurich en passant par Bienne (BE), Neuchâtel et Yverdon (VD), avant de bifurquer sur Morges (VD) en direction de Genève. Dès 2025, les choses vont changer pour cette ligne: son terminus se trouvera désormais à Lausanne. Les voyageurs en route pour Genève ville ou Aéroport devront donc changer de train à Renens (VD).
Une perspective qui déplaît à certains Romands:
Mais pourquoi les CFF ont-ils pris une telle décision? L'une des raisons est sans doute à aller chercher du côté de la particularité de cette ligne 5. Dans le tronçon entre Neuchâtel et Yverdon-les-Bains, ses voies prennent des courbes sinueuses, sur lesquelles le train penche légèrement. C'est l'une des seules lignes de Suisse de ce genre avec celle du Gothard — mise en place en 2002, pile à l'heure pour l'Expo 02, qui se déroulait dans la région. Et les trains circulant dessus sont choisis en conséquence.
S'il est possible d'y faire circuler des trains à deux étages, qui peuvent embarquer 40% de passagers en plus, la vitesse doit toutefois être réduite. Les CFF expliquent:
Les CFF se trouvent face à un dilemme sur la ligne Intercity 5: y faire passer des trains à un étage circulant rapidement, ou des à deux étages, qui roulent plus lentement. Jusqu'à Yverdon-les-Bains, tout va bien: le nombre de voyageurs sur l'Arc jurassien est moins élevé que sur le reste du tronçon jusqu'à Genève.
Mais dès qu'une rame à un étage circule sur les voies reliant Lausanne à Genève, elle occupe une place dans l'horaire que des trains doubles pourraient utiliser pour transporter davantage de pendulaires. La présence d'un train à une heure donnée et prévue dans l'horaire, cela s'appelle, dans le jargon des CFF, un «sillon».
Frédéric Revaz concède toutefois que «la suppression de la liaison directe entre Genève et le Pied du Jura est clairement un inconvénient pour les clients».
Un autre élément vient complexifier le puzzle: le transport de marchandises. Comme les trains de passagers, ceux-ci occupent des «sillons» dans l'horaire. De nuit, mais pas seulement.
A choisir entre les trains de marchandises et de passagers, ce n'est pas toujours le dernier qui gagne. Genève, notamment, dépend du fret pour approvisionner son aéroport, son industrie et ses commerces. Et la stratégie de la Confédération dans ce domaine est claire: chaque container placé sur le rail, c'est ça de moins sur les routes.
Les CFF ont pourtant décidé de faire une concession: garder trois correspondances directes de l'IC 5 entre Yverdon-les-Bains et Genève. Cela veut dire: trois trains de marchandises en moins dans la journée.
Pour pouvoir assurer un transport minimal du fret et maximiser celui des transports de passagers entre Lausanne et Genève, les CFF privilégient donc les trains à deux étages. Toute l'organisation de l'horaire 2025 et des moutures futures ne tourne pas autour de cette ligne. Mais ses particularismes, qui imposent certaines limites et des critères supplémentaires, complexifient la gestion du trafic ferroviaire.
Les pendulaires de l'Arc jurassien sont donc victimes, malgré eux, de la masse de voyageurs présente dans toute la Suisse romande et en particulier de l'Arc lémanique, mais aussi d'une stratégie de transports de marchandises légitime, notamment à l'heure de la réduction de l'empreinte carbone.