La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a condamné mardi la Suisse pour inaction climatique, constatant une violation de la Convention des droits de l'Homme. Ce jugement historique, qui fait jurisprudence, a suscité un flot de réactions, tantôt enthousiastes, tantôt courroucées.
Pour la première fois, un Etat se voit épinglé pour inaction climatique. La CEDH, basée à Strasbourg, avait été saisie d'une requête de l'association des Aînées pour le climat, qui considérait que la Confédération ne prenait pas de mesures suffisantes pour atténuer les effets du changement climatique.
Dans le détail, la CEDH a jugé que la Confédération s'était rendue coupable de «graves lacunes, faute d'avoir agi en temps utile et de manière appropriée et cohérente». Parmi ces lacunes, Berne n'a pas quantifié les limites nationales applicables aux gaz à effet de serre (GES), ce qui aurait pu être fait par exemple à l'aide d'un budget carbone.
Dans son arrêt, la CEDH explique que les autorités nationales disposent d'une «marge d'appréciation» et peuvent choisir les mesures à mettre en place pour atteindre leurs objectifs.
La Cour a toutefois précisé ce qui était nécessaire. Un Etat doit ainsi avoir des objectifs précis en matière de réduction des gaz à effet de serre, un budget carbone ou tout autre méthode équivalente de quantification des futures émissions de GES, ainsi qu'un mécanisme de suivi pour vérifier que ces objectifs sont atteints.
La Confédération a été condamnée verser 80 000 euros (environ 78 500 francs) à l'association pour frais de justice.
Dans le torrent des réactions, Greenpeace parle d'un «précédent pour les 46 Etats membres du Conseil de l'Europe, qui peuvent désormais être sollicités par leurs citoyens pour examiner leur politique climatique». L'organisation va désormais, de concert avec les Aînées, saisir de ces enjeux la Cour de justice internationale (CIJ), à La Haye, un organe de l'ONU.
Le Parti socialiste (PS) a évoqué «une claque pour le Conseil fédéral et son inaction climatique», selon les mots de sa co-présidente Mattea Mayer. L'UDC a dénoncé une «immixtion scandaleuse» dans les affaires intérieures du pays et réclame la sortie de la Suisse du Coneil de l'Europe. Le PLR et le Centre se montrent aussi très critiques, pointant notamment, en substance, des contradictions entre les juridictions internationales et le respect de la démocratie directe.
La présidente des Vert-e-s Lisa Mazzone a évoqué une «journée historique». Le verdict confirme le fait que le droit à un environnement sain est un droit fondamental, a-t-elle lancé, parlant de changement de paradigme.
Le mouvement Action pour le climat attend désormais du Conseil fédéral et du Parlement qu'ils mettent tout en oeuvre pour respecter l'objectif mondial de la limite de 1,5 degré d'augmentation de la température.
Lors d'une manifestation le 19 avril, l'organisation s'engagera dans toute la Suisse contre l'extension des infrastructures fossiles. (ats/jch)