«Si Israël cessait ses bombardements sur Gaza, tout irait tout de suite beaucoup mieux, pour vous, les juifs…» Voici ce qu'ils entendent de plus en plus souvent. Comprendre: les menaces dont vous faites l’objet, que ce soit à Genève ou à Paris, disparaîtraient.
C’est bien possible, mais la guerre s’installe, l'armée israélienne poursuit le combat, l’intensifie sûrement, en tout cas au sol, bien décidée qu'elle est à éradiquer le Hamas, l’auteur du pogrom qui a déclenché sa riposte à Gaza, meurtrière pour de nombreux civils palestiniens.
Les hostilités continuent donc, et avec elles les intimidations à l’endroit des juifs dans le monde. Ce qui s’est passé dimanche dans le Caucase russe est alarmant, au sens premier du terme: la prochaine fois pourrait être la bonne. Un centre culturel juif a été incendié; des juifs en transit dans un aéroport au Daghestan ont peut-être échappé à un lynchage en règle. Au passage, comment mieux justifier que par ces actes antisémites l’existence d’un foyer protecteur pour les juifs persécutés dans le monde, Israël en l’occurrence?
Plus près de nous: la France. Depuis l’attaque du Hamas le 7 octobre, 817 actes antisémites y ont été enregistrés, selon le Ministère de l’intérieur. Des propos, des tags, des menaces toujours plus insistantes. Intolérable en démocratie. Les moyens de l'Etat sont mobilisés pour faire face.
Et à Genève? A Genève l'internationale, la liberté de manifester pour la Palestine et contre Israël tient peut-être moins au droit de chacun d’exprimer son opinion qu’à la crainte de faire des vagues si d’aventure on s’avisait de poser des limites.
Est-il normal, comme la CICAD (Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation) l’a relevé dans la manifestation propalestinienne du 12 octobre à Genève, d’entendre des «Khaybar Khaybar ya Yahud», un appel à tuer les juifs dans un épisode de la tradition prophétique? Est-il normal que des juifs retirent leur mezouza, ce gris-gris protecteur placé à l’entrée de leur appartement, de peur d'être repérés? Est-il normal que des écoliers juifs soient pris verbalement à parti? Est-il normal que des écoles juives ferment sous la menace d'alertes à la bombe? Est-il normal qu'elles doivent faire appel à des sociétés de sécurité privées pour garantir leur protection, quand l'Etat est tout désigné pour cette tâche? A chacune de ces questions, la réponse est non. Toute personne de bonne foi en convient.
Il serait temps que les autorités cantonales disent publiquement ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas. Il serait bon qu'elles disent haut et fort que les juifs, comme toute autre minorité qui se trouverait en danger, peuvent compter sur elles. Il serait appréciable qu'elles poursuivent a posteriori des cas d’appels à la haine plutôt que de faire la sourde oreille. Le «pas de vagues» ne protège pas du pire.