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Tirer sur l'Occident, c'est nourrir l'extrême droite

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Tirer sur l'Occident, c'est nourrir l'extrême droite

Dans le dernier «Infrarouge», l'émission de débat de la RTS, on a eu droit à un réquisitoire contre l'Occident. Mauvais procès qui fait le beurre de l'extrême droite.
22.01.2024, 18:4923.01.2024, 13:33
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Quel rapport entre la critique de l’Occident et la montée de l’extrême droite? L’une nourrit l’autre. Il faut être déconnecté de la production idéologique en cours pour ne pas constater que l’extrême droite progresse en réaction à un discours qui fait de l’Occident le coupable absolu, le méchant indépassable, celui dont le comportement présent ou passé empêcherait l’émancipation du reste du monde. La crainte grandissante face à l'AfD, le parti identitaire qui veut restaurer la «grandeur perdue de l'Allemagne», contre lequel des centaines de milliers d'Allemands ont manifesté ce week-end, devrait nous faire réfléchir sur les priorités en politique.

Les personnes qui ont regardé le dernier Infrarouge, mercredi 17 janvier sur la RTS, ont assisté à la mise en accusation de l'Occident. Intitulée «2024, année de tous les dangers?», l’émission réunissait cinq invités, dont le journaliste et essayiste français Brice Couturier fut le seul à prendre à bras-le-corps la défense de l’Occident, les Etats-Unis et l’Europe, pour aller vite.

Tout le monde s’est cependant accordé sur un point: trente-cinq ans après la chute du mur de Berlin qui témoignait de la victoire de la démocratie libérale, celle-ci grince comme un vieux berceau rouillé. On pense ici beaucoup à l’Europe, dite en déclin, qui se voit comme telle.

Quand l'Occident bashing a des airs de sadisme

Or, c’est au moment où l’Europe se sent tout raplapla, s’imagine vulnérable par rapport à la Russie et à la Chine, à la merci d’une immigration de masse en provenance du continent africain, qu’on s'avise de lui dire qu’elle n’en a pas fait assez dans la repentance, qu’elle est hypocrite avec ses valeurs, qu’elle pratique le double standard et qu’elle doit se décentrer de la Shoah pour faire de la place aux crimes de la colonisation.

C’est, en résumé, ce qu’on a entendu dans le dernier Infrarouge de la part de l'«accusation». «Vous dormez dans vos rêves et vos mythes, vous êtes bercés de propagande et de marketing», a ainsi répondu la journaliste Myret Zaki, procureure de cet Occident à ses yeux faux derche, à Brice Couturier qui lui demandait si la démocratie n’était pas préférable, tout compte fait, à la dictature. L’étonnement du second n’avait d’égal que le relativisme de la première. Cet Occident bashing avait des airs de sadisme.

Chaud débat dans «Infrarouge»

«Basculement»

La cheffe de la rubrique internationale du Temps, Aline Jacottet, s’est arrêtée, elle, sur l’Afrique du Sud. Elle a rappelé que ce pays avait récemment saisi la Cour de justice internationale de l’ONU, souhaitant y faire condamner Israël pour «génocide» dans la bande de Gaza, en relation avec la guerre meurtrière qu’y mène Tsahal suite à l’attaque terroriste du Hamas, le 7 octobre.

«En reprenant la main (réd: à partir de la guerre en cours entre Israël et le Hamas), l’Afrique du Sud fait un acte fort vis-à-vis de ces pays-là (non-alignés, africains, arabes) et puis réaffirme l’importance d’un autre discours, aussi, sur les crimes commis par l’humanité, c’est-à-dire toute la question de l’esclavage, du colonialisme. C’est très intéressant, parce qu’en Europe, on est très centré sur l’enjeu mémoriel de la Shoah. Et là, on est dans une sorte de basculement.»
Aline Jacottet

Dans le contexte du drame en cours à Gaza, on pourrait croire que ce discours est neuf. Il n’en est rien. C’est un discours tiers-mondiste classique, maintes fois entendu depuis les années 60. Il aurait peut-être été utile de rappeler que c’est en Afrique du Sud déjà, pays marqué par l’apartheid, qu’Israël avait été mis en accusation, en 2001, à Durban, lors de la conférence de l’ONU sur le racisme. Israël faisait figure de parfait coupable.

L'Occident attaqué parce qu'affaibli?

Chacun voit clair dans le jeu des apparences: pour le «Sud global», le tiers-monde d’autrefois, en plein essor, attaquer l'Etat hébreu, c’est mettre en cause l’Occident, singulièrement les Etats-Unis. On rejoint notre consœur du Temps lorsqu’elle affirme que beaucoup, dans les relations internationales, dépend de la résolution du conflit israélo-palestinien. Mais pourquoi le «Sud global», indépendamment de ses récriminations envers Israël, donne-t-il l’impression de n’en avoir qu’après l’Occident? Parce qu’il est fort? Parce qu’il lui paraît affaibli? Parce que cela fait partie des figures imposées de la relation Nord-Sud?

Pour le reste, on ne peut qu’être étonné par la somme d’arguments contracycliques proférés sur le plateau d'Infrarouge. Contracycliques? A rebours de la dynamique en cours, qui donne partout ou presque l’avantage à l’extrême droite. Justement, c’est parce qu’une partie grandissante des gens ne supporte plus qu’on lui dise d'expier pour les crimes des Blancs, c’est parce qu’elle se voit décliner avec le sentiment de n’avoir plus prise sur son destin, qu’elle se tourne vers l’extrême droite.

A côté de la plaque

Continuer d’affirmer que l’Occident, l’Europe en particulier, est hypocrite, après que celle-ci a accueilli des millions d’individus venus trouver une vie meilleure, considérer que la Shoah fait de l'ombre aux crimes de la colonisation et à l'esclavage, alors que l’antisémitisme croît à nouveau et alors que les actions en faveur de la diversité ne manquent pas, c’est être en dehors des réalités et de l’urgence politique du moment. Ce moment, c’est celui de l’espace de tolérance et de liberté qu’il reste entre les extrêmes, politiques et religieux. Taper sur l'Occident tout en sollicitant sa générosité ne fera que réduire cet espace.

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