Le fiasco du F-35, c'est (aussi) la faute des Romands
Voici une info qui devrait donner quelques boutons à nos parlementaires fédéraux qui s'accrochent à tout prix à l'avion de combat F-35: l'Ukraine leur préfère les Gripen suédois. Il s'agit d'un «excellent avion», parfaitement adapté aux besoins de Kiev, explique Volodymyr Zelensky.
Plus d'une centaine d'appareils vont être commandés. Zelensky a loué l'agilité, la polyvalence, la facilité d'utilisation et le bon prix des appareils suédois. A la trappe le F-35 et même le F-16, pourtant peu cher. C'est simple: le Gripen, c'est son chouchou.
Une occasion manquée
Un avion bon marché et efficace qui plaît au leader d'un pays d'Europe engagé dans une guerre intense? C'est pourtant celui que le peuple suisse a refusé d'acquérir. Rappelez-vous: en mai 2014, 53,8% du peuple s'est opposé à cette acquisition.
Une votation populaire en faveur des avions de combat et une procédure d'acquisition opaque plus tard, c'est décidé: nous aurons le F-35 américain. Un avion qui accumule les déboires et les problèmes techniques, nous sera livré avec des pièces qu'il faudra changer dans les années qui suivent — et pas des moindres: le réacteur— et risque de se transformer en vrai gouffre financier. Super.
D'autres argument en faveur du Gripen: l'achat de 22 appareils devait coûter 3,1 milliards — un chiffre qui fait saliver alors que la Confédération va devoir débourser plus de 7 milliards pour les avions américains. De plus, nous les aurions achetés à la Suède, un pays alors neutre et membre et l'Union européenne — une décision politique qui aurait ravi tant l'UDC que les partis pro-européens.
Les Romands contre le Gripen
Onze ans plus tard, on se dit qu'on est passé à côté d'une belle occasion d'éviter cette infâme débâcle en réglant le problème à la source. Et c'est peut-être notre faute à nous, Romands, qui avons refusé le Gripen à 64,8%. Si les Suisses alémaniques seuls avaient voté, le projet aurait passé la barre, à un score de 50,5%.
Le même scénario se rejouera en 2020, lors de l'initiative pour l'acquisition de nouveaux avions de combat. Elle sera acceptée à 50,1%, les Romands faisant bloc contre. Seul le Valais, emmené par sa partie alémanique, avait dit «oui».
Peut-on vraiment en vouloir aux Romands — et même aux Suisses — d'avoir refusé le Gripen? En 2014, la sécurité n'est pas une priorité. La France de François Hollande n'a pas encore été touchée par les attentats islamistes. Et l'annexion de la Crimée par Poutine, quelques mois plus tôt, n'a pas fait office de détonateur. Avec le recul, on peut dire qu’il régnait un certain parfum d’innocence.
Face au Gripen, la gauche a fait bloc. Invoquant des coûts élevés, une acquisition non prioritaire et la non-nécessité d'investir davantage dans l'armée et la sécurité. Le conseiller national Luc Recordon (Verts/VD) évoquait alors les avions et les chars comme «une armée de grand-papa». Une armée de grand-papa qui a repris du service en Ukraine.
Pour ou contre Maurer
En face, les partisans de l'avion ont avancé en ordre détaché. Parmi eux, 13% auront voté «non» spécifiquement à cause du modèle d'avion. Et puis Ueli Maurer, en charge du Département de la Défense (DDPS), a tellement bassiné tout le monde durant des mois avec «ses Gripen» que les détracteurs du conseiller fédéral UDC auront mécaniquement glissé un «non» dans l'urne.
A l'époque, comme d'autres, le Zurichois m'avait cassé les oreilles. Mais onze ans plus tard, peut-on considérer qu'il avait raison? Nul ne dispose d'une boule de cristal. Une chose est sûre: voter «oui» aux Gripen nous aurait évité tout le bazar que nous subissons depuis des mois à cause de l'affaire F-35.
