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Le Conseil fédéral menacerait «la prospérité de la Suisse»

Bundesraetin Karin Keller-Sutter spricht waehrend einer Medienkonferenz des Bundesrates zu den Resultaten der eidgenoessischen Abstimmungen, am Sonntag, 18. Juni 2023 in Bern. (KEYSTONE/Peter Klaunzer ...
Karin Keller-Sutter. Berne, 18 juin 2023Image: KEYSTONE

Le Conseil fédéral menacerait «la prospérité de la Suisse»

Championne du monde de l'innovation: c'est ainsi que la Suisse aime à se présenter. Mais les organisations scientifiques tirent aujourd'hui la sonnette d'alarme: le budget de la Confédération pour les années 2025 à 2028 est loin de suffire pour maintenir cette position de leader. Quels sont leurs arguments?
03.09.2023, 16:27
Stefan Bühler / ch media
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Mardi prochain, la ministre des Finances Karin Keller-Sutter fêtera le 20ᵉ anniversaire du frein à l'endettement. Un petit événement est prévu pour l'occasion. Le frein à l'endettement signifie que les dépenses et les recettes de la Confédération doivent s'équilibrer sur une longue période. La mesure est efficace: les dettes de la Confédération sont très basses en comparaison internationale.

Mais satisfaire à cette obligation n'est «pas une promenade de santé», comme l'a rappelé la conseillère fédérale en présentant fin juin le budget pour l'année 2024 ainsi que le plan financier pour les années ultérieures. En effet, sombres sont les perspectives. Aussi, celle qui se veut la gardienne scrupuleuse de notre épargne entend-elle serrer les cordons de la bourse, et cela est diversement accueilli.

C'est ce qui ressort ces jours-ci du message suite à la consultation portant sur la formation, la recherche et l'innovation (FRI). Les organisations issues du monde scientifique sont unanimes à démolir les propositions budgétaires du Conseil fédéral pour les années 2025 à 2028: les dépenses prévues, d'un montant maximal de 29,7 milliards de francs, sont loin d'être suffisantes pour pouvoir maintenir le niveau de la place scientifique suisse, arguent-elles en substance.

Il faut plus d'argent, beaucoup plus. Vraiment?

Le Conseil fédéral avait pourtant fixé un objectif qui lui semblait ambitieux: «La Suisse reste à la pointe de la formation, de la recherche et de l'innovation», assurait-il dans un communiqué début juin. Le «Réseau Future», qui réunit Swiss Universities, le Fonds national suisse, le Conseil des Ecoles polytechniques fédérales (EPF), Innosuisse et les Académies des sciences, y répond aujourd'hui:

«Si le Conseil fédéral veut atteindre l'objectif fixé d'un pôle de savoir de premier plan pour le bien de toute la Suisse (...), des corrections sont nécessaires afin de relever le cadre financier.»

Bref: il faut plus d'argent, beaucoup plus.

Et l'augmentation du nombre des étudiants?

La feuille de route budgétaire du Conseil fédéral mène «à une réduction douloureuse des prestations fournies par les hautes écoles suisses», écrit Swiss Universities. Le Conseil des EPF constate qu'avec les moyens prévus, celles-ci ne pourront «remplir que de manière limitée leur rôle de moteur de l'innovation et de formateur de spécialistes dont la Suisse a un besoin urgent».

Innosuisse, l'agence de promotion des start-ups et des PME, demande «un engagement politique clair en faveur d'une Suisse forte en matière de formation, de recherche et d'innovation». Elle ne voit rien de cela dans le message du Conseil fédéral. Le Fonds national suisse (FNS) constate pour sa part:

«Le budget prévisionnel de la Confédération conduit à une réduction des prestations du FNS. La prospérité de la Suisse risque d'en être affectée»

Les calculs ne sont pas bons, Karin

Ce ton alarmiste peut surprendre. En effet, dans son message, le Conseil fédéral parle d'une hausse des dépenses de 2% en termes nominaux et de 1% en termes réels. Il est donc prévu de dépenser plus d'argent que jusqu'à présent. Le secteur scientifique pleure-t-il avant d'avoir eu mal?

Dans un entretien avec CH Media, la directrice du FNS Angelika Kalt nie en faire trop. Elle cite plusieurs facteurs qui font que l'augmentation apparente des moyens alloués par la Confédération équivaut en réalité à une diminution.

«Le Conseil fédéral n'a pas prévu de compensation suffisante au renchérissement attendu. L'énergie, les infrastructures, les instruments de recherche, tout augmente»
Angelika Kalt, directrice du FNS

Selon Angelika Kalt, ces augmentations ne sont pas prises en compte, tout comme le fait que les salaires des doctorants devraient également être adaptés au renchérissement. De plus, l'augmentation des moyens alloués à la science se base sur le budget 2024, déjà réduit de 2% par le Conseil fédéral.

On part donc d'un niveau plus bas. Et il n'est même pas sûr que le montant prévu soit atteint, comme le reconnaît lui-même le Conseil fédéral dans son communiqué du mois de juin:

«L'épuisement du plafond fixé dans le message FRI dépend de l'évolution de la situation financière de la Confédération»

On l'a vu: le nombre d'étudiants augmente, tout comme augmente le nombre des professeurs soumettant des projets de recherche. Les requêtes adressées au FNS croissent chaque année de 5%. Les fonds débloqués ne suivent pas. «Si bien que le nombre de requêtes auxquelles nous donnons suite diminue», explique Angelika Kalt.

«Nous sommes contraints de refuser de plus en plus de projets pourtant très bons et innovants»
Angelika Kalt, directrice du FNS

Résultat: les chercheurs se tournent vers d'autres sources de financement.

«Nous risquons de voir les talents partir à l'étranger», craint la directrice du FNS. Ce d'autant plus, qu'en raison de la politique européenne de la Suisse à l'arrêt depuis plusieurs années, les chercheurs n'ont pas accès au plus grand fonds d'encouragement du monde, le programme européen Horizon.

La Suisse au top, et pourtant...

Mais n'a-t-on pas affaire là a des plaintes injustifiées? La Suisse continue, en effet, d'occuper la première place dans différents classements internationaux. Elle est considérée comme la championne du monde de l'innovation.

La directrice du FNS ne le conteste pas. Mais elle met en garde contre une «lente érosion» dont les premiers signes sont visibles. Le nombre de publications sur lesquelles des chercheurs suisses ont travaillé avec des coauteurs internationaux stagne. Et la part des publications suisses qui se sont hissées dans le top 10 des travaux les plus cités a diminué.

«L'avance de la Suisse sur les autres pays recule»
Angelika Kalt, directrice du FNS

Du point de vue du lobby scientifique, que faudrait-il pour que la Suisse défende sa position? Il faudrait 2,5% à 3,5% d'augmentation des moyens, écrit le réseau Future. Le budget du Conseil fédéral en est loin.

La décision finale reviendra au Parlement. La ministre des Finances Keller-Sutter a décidément raison: faire respecter du frein à l'endettement, pierre angulaire de l'orthodoxie budgétaire, «ne sera pas une promenade de santé».

Traduit et adapté par Noëline Flippe

Guillaume Hoarau aux commentaires
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