Ce jeudi, le canton de Neuchâtel a lancé sa campagne de vaccination de rappel contre le Covid-19. Vaud et Genève ont fait de même deux jours plus tôt et invitent désormais les personnes vulnérables à se faire administrer une dose d'un nouveau vaccin bivalent, produit par Moderna. Parallèlement, les cas confirmés en laboratoire ont recommencé à augmenter.
La Suisse se trouve-t-elle une troisième fois aux portes d'un rude automne pandémique? Les indicateurs vont-ils bientôt exploser? Voici ce que les chiffres et un expert nous disent sur la question.
La semaine passée, l'Office fédéral de la santé publique (OFPS) signalait 16 826 infections confirmées en laboratoire. Ce mardi, elles étaient 25 134, soit une augmentation d'environ 50%. On est passé d'un peu moins de 2000 cas par jour début septembre à 4000 début octobre.
La hausse est donc là, mais, pour l'instant, les valeurs restent bien en dessous de celles mesurées pendant l'été (la fameuse «vague estivale»). Début juillet, la courbe atteignait un pic de 11 215 infections.
De plus, ces chiffres doivent être considérés avec précaution: «Les données illustrent une sous-évaluation importante de la situation épidémiologique», explique Didier Trono, virologue à l'EPFL. Et la raison est très simple:
Les chiffres ne disent donc pas tout. «Il faut tempérer l'état d'alerte que cette constatation peut provoquer», nuance l'expert, qui rappelle que les hospitalisations constituent un paramètre plus important et proche de la réalité que le nombre de nouvelles infections.
Depuis fin septembre, leur nombre est en train de diminuer, tout en restant loin des valeurs estivales. «Pour l'instant, cette courbe est plutôt rassurante», confirme Didier Trono.
Détail important, pas toutes hospitalisations impliquent une évolution grave de la maladie. «Ces chiffres comprennent les personnes hospitalisées à cause du Covid et celles hospitalisées avec le Covid, c'est-à-dire des patients qui sont admis à l'hôpital pour une autre raison et qui sont ensuite testés positifs», explique le virologue.
Ce n'est quand même pas anodin, rappelle-t-il: «Dans le cas d'une maladie grave par exemple, le Covid peut aggraver les choses».
La situation ne serait en somme pas (encore) préoccupante, mais Didier Trono appelle à la prudence: «Il est important de garder à l'esprit que ce tableau est très mouvant et est appelé à évoluer.» L'expert développe:
On a mentionné la vague estivale. En effet, contrairement aux deux précédents étés pandémiques, la belle saison a été marquée cette année par un pic des infections.
Alors qu'en 2020 et 2021 la courbe s'est aplatie entre juin et août, bien que de manière différente, en 2022 on a assisté au contraire: une explosion relative des cas, qui ont probablement été encore plus nombreux dans les faits. L'ex-présidente de la task force scientifique de la Confédération, Tanja Stadler, tablait sur un million d'infections au cours de la vague estivale.
Les hospitalisations ont suivi la même trajectoire et, tout comme les cas, ont commencé à baisser au cours de la deuxième moitié du mois de juillet. En 2020 et 2021, c'est l'inverse qui s'est produit: à partir de la mi-été, elles ont commencé à grimper.
Ce qui nous amène au dernier point: que va-t-il se passer maintenant? Les chiffres des deux années précédentes ne laissent pas beaucoup de place au doute:
«La saison froide devrait être accompagnée d’une augmentation des cas d’infection, car les gens vont passer plus de temps réunis en espaces clos», confirme Didier Trono. Difficile d'en savoir plus, car la suite dépend de plusieurs éléments.
Premièrement, explique l'expert, «de la propension du variant qui sera alors en circulation de provoquer ou non une maladie grave. Deuxièmement, de sa capacité à échapper à l’immunité présente dans la population à ce moment, qui elle-même reflètera l’originalité de ce variant par rapport à ses prédécesseurs ou aux souches virales ayant servi à la manufacture de vaccins».
Autre variable: «Le vaccin bivalent de Moderna proposé maintenant en Suisse est basé sur une combinaison de la souche originale de Wuhan et du variant omicron BA.1, qui a circulé chez nous au début du printemps. Ce variant a depuis été remplacé par le BA.5 et quelques autres cousins moins fréquents, mais tous comme lui dotés de la capacité d’échapper en partie à la réponse immune induite par leurs prédécesseurs», poursuit Didier Trono.
Les deux années passées, les hospitalisations recommençaient à grimper plus ou moins à ce moment de l'année. Cela va-t-il se reproduire cette année, ou la suivante? «A terme, à coup de rappels et d’infections, il est vraisemblable que l’immunité contre le SARS-CoV-2 dans la population deviendra telle que le virus épuisera ses possibilités d’y échapper tout en conservant sa capacité à infecter efficacement et qui plus est à provoquer des symptômes graves», explique le virologue.
On n'en est pas encore là. «On n’est pas à l’abri de l’émergence soudaine d’un variant complètement différent, voire plus nocif pour la santé. Et même sans cela, le Covid continuera à représenter un problème important pour les personnes à risque», conclut-il.