Malfrats venus de France: une situation «hors de contrôle» qui inquiète
A une semaine d'intervalle, deux armureries de la région lausannoise se sont retrouvées dans le viseur de braqueurs français. Un des cambriolages a réussi, l'autre a été empêché de justesse, grâce à une patrouille de police passant par hasard dans le coin. L'Office fédéral de la police, Fedpol, nous confirme ainsi, sans ambages:
Fedpol, d'habitude plutôt discret sur ces affaires sensibles, n'hésite cette fois pas à préciser le lieu d'origine des braqueurs: les banlieues de villes françaises situées à un jet de pierre de la Suisse: Annemasse, Lyon, Grenoble, mais aussi Montbéliard et Saint-Etienne.
Une pression «insupportable»
Si les armes vendues en Suisse sont dans le viseur des braqueurs, il ne s'agit pas des seuls bien convoités. Contacté en sa fonction de président de l'association de tireurs ProTell, le conseiller national Jean-Luc Addor (UDC/VS), écarte d'un revers de la main la seule question des armureries: «Il y a aussi les joailliers, les PME, les distributeurs de billets. La pression devient insupportable.» Et d'ajouter:
Il appelle à en tirer «les conséquences qui s'imposent», soit de «restaurer des contrôles plus sérieux à nos frontières». «Mais on ne pourra pas le faire avec nos effectifs actuels», tonne l'élu du Valais, où de nombreux cambriolages ont aussi eu lieu. Il annonce qu'il va déposer une motion, lors de la prochaine session d'hiver au Parlement, en faveur de l'augmentation des effectifs de personnel au sein de l'Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières (OFDF).
Elle demandera que le budget de l'OFDF soit revu à la hausse et épargné par les coupes budgétaires de la Confédération. Il veut aussi que le salaire des douaniers soit augmenté, notamment pour éviter un «taux de démission important».
Il se prononce aussi pour une augmentation des effectifs de la police cantonale. Les difficultés de recrutement au sein des polices cantonales sont présentes, dans tous les cantons.
Prévoir les crimes à la frontière, est-ce possible?
Thanh-My Tran-Nhu, avocate et vice-présidente du Parti socialiste (PS) vaudois, pose un autre constat sur la situation. En février, elle a déposé une motion au Grand conseil vaudois sur une «stratégie cantonale de politique criminelle» destinée à cibler précisément là où la sécurité doit être augmentée. Mais la douane n'en fait pas forcément partie, car elle doute d'un effet sur une baisse des braquages en Romandie.
«Il est difficile de savoir si une personne de nationalité française qui passe la douane va venir commettre un crime en Suisse», détaille la socialiste. Cela d'autant plus que les voitures utilisées comme bélier ou pour prendre la fuite sont d'habitude volées, en Suisse même, les jours précédant le casse. Dès lors, pourquoi entraver la libre circulation des personnes sans outil adapté?
Par ailleurs, le système judiciaire vaudois est déjà saturé, qu'il s'agisse du Ministère public ou de la police. Les criminels interpellés, comme le groupe d'individus domiciliés en France attrapés par la police au Mont-sur-Lausanne, avaient tous entre 19 et 22 ans. Nombre d'entre eux ont été recrutés sur les réseaux sociaux, «une plaie!», lâche Thanh-My Tran-Nhu, mais sur laquelle il est encore plus difficile d'agir.
Difficile d'agir au niveau cantonal pour frapper ces commanditaires, loin d'ici dans les banlieues françaises.
L'avocate se dit plutôt pour continuer à renforcer la sécurité des armureries, tel que préconisé par une ordonnance du Département fédéral de justice et police (DFJP). A l'image de certains armuriers, comme le Saviésan Robin Udry, qui s'est exprimé dans l'émission Forum (RTS) et dit préférer s'abstenir de tenir une vitrine et choisir ses clients sur commande.
Armer les armuriers? Pas au goût de tous
Enfin, Jean-Luc Addor remet sur la table une idée pourtant déjà refusée à Berne: permettre aux armuriers qui le souhaitent de pouvoir s'armer, eux-mêmes. «J'aimerais faciliter le permis de port d'armes pour ce corps de métier.» Il précise: «Pour ceux qui le voudraient, bien entendu.»
Le Conseil fédéral avait alors répondu que les armuriers pouvaient en faire la demande individuellement et qu'il serait jugé au cas par cas si le risque était accru ou non, et que le «danger tangible» d'un armurier n'était pas comparable à celui, par exemple, d'un convoyeur de fonds. Sur ce point, Thanh-My Tran-Nhu se montre également très peu convaincue: «Armer les commerçants? Quelle horreur.» L'avocate lâche:
Ce à quoi Jean-Luc Addor répond: