«Croquez la tête»: j'ai testé la relève de la gastronomie romande
Il faut descendre les marches au numéro 1 du Boulevard de Pérolles à Fribourg pour entrer dans le restaurant étoilé du même nom. L'architecture du lieu, imaginée par le Tessinois Mario Botta, est à la fois sculpturale et chaleureuse.
On vous montre:
La cave à vin de taille raisonnable:
Depuis près de 10 ans, le chef d'origine gruérienne Pierrot Ayer est aux fourneaux de l'établissement de renom. En février 2026, après 40 ans de métier, il laissera les rênes du restaurant gastronomique à son fils Julien et au chef Victor Moriez, qui a notamment travaillé au Valrose à Rougemont et à l'Hôtel de Ville de Crissier.
Vous restez manger?
«Nous avons fait un gros travail pour assurer la relève», confie Pierrot Ayer. Trente candidats ont été sélectionnés, puis éliminés petit à petit jusqu'à ce qu'il n'en reste plus que quatre. Chacun a dû présenter un plat. Une étape qui fait indéniablement penser à une épreuve de Top Chef. L'image fait sourire Pierrot Ayer et Victor Moriez:
On veut tout de même connaître la proposition de Victor Moriez! Ce dernier explique qu'à l'époque, c'était la période de la cueillette en montagne. Il a donc réalisé un plat autour du veau du Saanenland, son lieu d'origine, et des herbes alliacées (ail, oignon, échalote) qu'il a lui-même cueillies. Une recette gagnante.
Début octobre, il a fait son entrée dans les cuisines de son prédécesseur pour lequel il a «beaucoup d'admiration». Leurs points communs? La passion pour les produits de la région et le fait de se laisser inspirer par ce qui les entoure:
De son côté, Victor Moriez révèle qu'il pense constamment à la création de ses plats:
Ressent-il une pression à l'idée de devoir conserver l'étoile Michelin que Pierrot Ayer a depuis 26 ans?
Actuellement, Victor Moriez s'imprègne de la culture du Pérolles, aiguille la brigade et échange énormément avec ses collègues. De quelle manière cette fusion se manifeste-t-elle dans l'assiette?
Ça tombe bien: il est bientôt midi et Julien Ayer me demande si je reste pour manger. D'accord!
«Vous attrapez le bec et vous croquez»
Pour être dans le feu de l'action, je suis installée à la table du chef. Comprenez: en cuisine! Pierrot Ayer laisse faire la relève, une équipe d'une dizaine de personnes qui oscille entre la vingtaine et la trentaine. C'est donc aux côtés de Frédéric Martot, le chef exécutif, qu'œuvre Victor Moriez. Elément surprenant: l'ambiance est calme, détendue, joviale.

Au milieu des odeurs alléchantes et de la chaleur, amuse-bouche, entrées et plat se suivent: champignons enveloppés dans une feuille de chou, râble de lièvre ou encore selle de chevreuil. Un menu chasse auquel Victor Moriez apporte sa touche. Le bouillon de carottes rôties lentement, par exemple, est l'une de ses spécialités. Le bricelet qui l'accompagne est une recette de la grand-mère de Julien Ayer.
Moi, qui crie au chef:
La bécasse est également un plat imaginé par Victor Moriez. Elle est servie en entier – je le comprends quand Frédéric Martot l'attrape par les pattes pour la préparer.
Je mange ça comment?
La bécasse:
L'incroyable râble de lièvre:
Alors, c'est bon?
Il s'agit de mon premier restaurant étoilé. Verdict? Les plats sont riches, généreux, familiaux. Ils confèrent le sentiment d'être comme à la maison qui se retrouve d'ailleurs en salle. Si je n'avais aucun doute sur l'excellence des mets, je découvre ce que signifie une cuisine simplement parfaite: il n'y a rien à ajouter ni à enlever. On ne se pose pas de question et on se laisse porter.
J'arrive gentiment en bout de course – j'ai tout de même craqué pour le plateau de fromages – lorsqu'on m'amène le pré-dessert (oui, ça existe). Une douceur au citron qui rafraichit quand on vient de s'envoyer la quasi-totalité des animaux de la forêt. Je termine officiellement mon repas avec une gourmandise au chocolat et des mignardises (quand il n'y en a plus, il y en a encore).
Il est bientôt 15 heures quand je quitte les contrées fribourgeoises. «Vous reviendrez en mars pour découvrir mon menu?» me lance Victor Moriez en guise d'au revoir. Si vous insistez!
