Voici la question que la Suisse se pose sur le deal avec Trump
La satisfaction avait été grande dans les milieux économiques suisses lorsque Guy Parmelin a annoncé, le 14 novembre, une issue au conflit douanier avec Washington. Depuis, l’enthousiasme s’est nettement atténué. Car l’entrée en vigueur du nouveau régime à 15% reste inconnue. Une date précise? Il «ne peut pas encore» en donner, a admis Parmelin, jeudi soir, devant la Chambre économique de Bâle-Campagne. «Mais cela se dessine.»
Reste que les Etats-Unis ne semblent guère pressés. L’argument avancé par la Suisse, selon lequel la mise en œuvre «nécessite quelques jours pour des raisons techniques», apparaît pour le moins optimiste. Washington a déjà montré qu’il pouvait agir vite lorsque la volonté politique est là.
C'est allé si vite pour l'UE...
A peine quatre jours après que Trump et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen ont scellé leur accord fin juillet, les Etats-Unis abaissaient déjà, au 1er août, les droits de douane pour l’Europe à 15%. Cette décision figurait dans un «Executive Order», un décret présidentiel. Ironie du sort: ce même texte imposait à la Suisse un droit punitif de 39 %. Quatre jours pour l’Europe, donc – et pour la Suisse, une attente indéterminée?
Une chose ne fait aucun doute: tout dépend de Trump. Là aussi, la baisse promise nécessite un décret présidentiel. Douglas Irwin, professeur de droit spécialisé dans la politique commerciale américaine au Dartmouth College, en est certain, il nous l'assure:
Seul Trump peut signer ce document, généralement avec l’un de ses feutres de fétiches. Le décret doit être publié sur le site de la Maison-Blanche puis dans le Federal Register, le journal officiel du gouvernement fédéral. Ensuite seulement, l’International Trade Commission peut adapter les numéros tarifaires qui déterminent, concrètement, le niveau des droits à l’importation.
En théorie, la procédure est simple. Mais les conseillers du président doivent également tenir compte de la sensibilité de Trump, dont la politique douanière est de plus en plus critiquée à Washington. Ils n’ont donc probablement aucune envie de lui présenter des documents pouvant être interprétés comme des concessions américaines. Dans cette logique, il n’est pas surprenant que Trump n’ait, jusqu’à ce samedi, ni commenté en ligne ni mentionné de manière détaillée l’accord avec la Suisse.
Un précédent récent renforce cette hypothèse: début octobre, Trump avait déjà évoqué avec son homologue brésilien une réduction du droit punitif visant les exportations du Brésil. Mais le décret correspondant n’a été signé que jeudi, daté du 13 novembre. Il n’a toujours pas été publié dans le Federal Register.
Berne: «Une question technique»
Le shutdown de l'administration fédérale et l’approche de la grande fête de Thanksgiving peuvent expliquer pourquoi rien ne semble avancer à Washington dans le dossier suisse. Mais après le choc provoqué par les 39%, un certain scepticisme reste de mise. L’accord tient-il vraiment?
Il est frappant de constater que la déclaration d’intention commune entre la Suisse et les Etats-Unis ne contient aucun engagement clair des Américains. Le texte évoque seulement «les Etats-Unis ont l’intention» d’abaisser les droits à 15%, là où l’accord avec l’UE stipule clairement que «les Etats-Unis s’engagent» à le faire.
A Berne, aucune précision supplémentaire. « La manière dont les autorités américaines mettent en œuvre la déclaration d’intention relève de leur seule compétence », indique le Secrétariat d’Etat à l’économie, responsable du dossier. Les Etats-Unis ont assuré à la Suisse qu’ils abaisseraient leurs droits à 15%, répète-t-il, insistant sur le fait qu’il s’agit «d’une question technique».
Ce samedi matin, à l’heure de publier cet article, Trump n’avait toujours rien signé.
