Pour éviter les problèmes avec Trump, la Suisse doit apprendre ces 5 leçons
Le soulagement s'était fait sentir lorsque la cheffe de l’Union européenne, Ursula von der Leyen, et le président américain Donald Trump s’étaient serré la main fin juillet au complexe golfique de Turnberry, en Ecosse, mettant fin au conflit douanier.
Quatre mois plus tard, la Suisse dispose elle aussi de son propre accord avec Trump, qui ressemble largement à celui de l’UE. Voici les cinq leçons que la Suisse peut tirer de l’expérience européenne:
Rien n'est acquis
Le premier conseil du député européen Bernd Lange à la Suisse: «Restez sur vos gardes». Le président de la commission du commerce du Parlement européen est une figure clé dans la mise en œuvre de l’accord UE–Etats-Unis. Celui-ci aurait dû apporter de la sécurité aux entreprises européennes, mais ce n’est pas le cas, comme nous l'affirme Lange.
Les représentants américains ont toujours refusé d’introduire une «clause de statu quo» dans les négociations. Celle-ci aurait garanti une paix douanière définitive et qu'aucuns nouveaux droits de douane punitifs ne soient introduits.
Pour l’administration Trump, c’était impossible, car elle considère la politique douanière comme un instrument de politique sécuritaire et refuse de se laisser contraindre par des accords. En outre, Trump a déjà menacé d’imposer de nouvelles taxes à l’importation si l’UE appliquait ses lois numériques contre les géants technologiques américains. On n'a donc aucune garantie de stabilité.
Les droits de douane sont toujours là
L’UE et les Etats-Unis avaient convenu, comme dans l’accord avec la Suisse, d’une réduction générale des droits de douane à 15%. Pour certains produits importants pour l’UE, comme les voitures, les Etats-Unis avaient baissé les tarifs de 25% à 15%. En revanche, pour l’acier et l’aluminium, ils maintiennent des droits de 50%, malgré leurs promesses.
Selon Lange, les Etats-Unis ajouteraient désormais une surtaxe de 50% sur plus de 400 produits contenant de l’acier ou de l’aluminium, notamment des machines agricoles. Pour Lange, il s’agit d’une violation de l’accord. S’y ajoutent des droits sur l’acier, mais aussi sur les exportations européennes de vin et d’alcool, nettement plus élevés qu’avant le «Liberation Day» de Trump en avril, et les Etats-Unis ne montrent aucune volonté de négocier à ce sujet.
Il ne faut rien précipiter
Dans ce contexte, le Parlement européen ne se sent pas obligé d’avancer de son côté. Les modifications législatives permettant la baisse des droits de douane industriels et sur les produits agricoles américains, comme le soja et le saumon sont pour l’instant à l’arrêt. Lange a également proposé une clause selon laquelle l’UE maintiendrait ses propres droits sur l’acier et l’aluminium tant que les Etats-Unis ne bougent pas. Il souhaite en outre réévaluer toutes les baisses tarifaires européennes après 18 mois.
Lange ne voit pas non plus de raison de précipiter les choses, car il s’attend à ce que la Cour suprême des Etats-Unis annule bientôt les droits de douane. Cela ne changera pas fondamentalement la situation, car Trump trouverait certainement d’autres moyens. Mais malgré tout, il affirme:
Un deal après l'autre
Face aux accusations mutuelles, les tensions grandissent des deux côtés. Jamieson Greer, le représentant américain au commerce, avertit que le commerce reste «un foyer de crise» dans la relation transatlantique. Il considère les réglementations européennes et les obstacles non tarifaires au commerce, visant principalement les lois sur le climat, l’alimentation et le numérique, comme une épine dans le pied.
La semaine prochaine, Greer rencontrera le commissaire européen au commerce, Maros Sefcovic, à Bruxelles. Le ministre américain du Commerce, Howard Lutnick, participera le lendemain à une réunion des ministres européens du Commerce. Les observateurs s’attendent à des discussions houleuses.
Une promesse difficile à tenir
Comme la Suisse, l’UE a elle aussi pris des engagements importants concernant les investissements. Les entreprises européennes ont promis d’investir 600 milliards d’euros aux Etats-Unis au cours des trois prochaines années. Mais ces quatre derniers mois, rien d’essentiel ne s’est concrétisé.
Les entreprises européennes investissent environ 100 milliards d’euros par an aux Etats-Unis, et Lange ne voit aucun signe qui indique que ce montant augmentera bientôt comme promis. L’incertitude politique outre-Atlantique retient de nombreuses entreprises.
Et on est également loin des 750 milliards d'euros d'achats d'énergie promis. Actuellement, l’Europe achète pour environ 68 milliards d’euros d’énergie américaine. Même si l'on remplaçait toute l'énergie russe par de l'énergie américaine, on n'atteindrait pas les 250 milliards d'euros par an. Pour Lange, ce chiffre est «absurde».
Traduit de l'allemand par Anne Castella
