Suisse
Donald Trump

«Avec les Bilatérales III, la Suisse perd son indépendance»

Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne.
Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne.image: watson

«L'UDC joue à un jeu particulièrement pernicieux»

Après le coup des droits de douane américains à 39%, l'Europe, Bilatérales III obligent, est plus que jamais un point de fixation pour la Suisse. Un désastre pour les uns. Une chance pour les autres. watson a fait le tour des partis.
19.08.2025, 18:5020.08.2025, 10:42

La bombe des droits de douane américains, une diablerie de Bruxelles? Les propos tenus à watson par le conseiller national UDC fribourgeois Pierre-André Page vont en ce sens:

«C’est peut-être von der Leyen qui a dit à Trump de mettre 39% à la Suisse pour nous obliger à aller dans l’Union européenne»
Pierre-André Page, conseiller national UDC/FR

Un «tout sauf l’Europe» est en train de prendre la forme d’un sauve-qui-peut à l’UDC. Le désarroi est tel dans les rangs nationalistes suisses qu’il faut chercher une main coupable de la gifle donnée par l’«ami Trump» à la Suisse. Alors, pourquoi pas celle de la présidente de la Commission européenne.

«Ne pas se mettre à genoux»

Pierre-André Page tempère son propos avant de recharger aussitôt: «Je n’affirme pas que c’est l’Union européenne qui a décidé de taxer la Suisse à 39%, mais ce n’est pas parce que les Etats-Unis nous imposent de cette façon qu’il faut nous mettre à genou face à elle et accepter ses conditions.»

Les «conditions» en question, ce sont les 1800 pages de l’Accord global, appelé aussi Bilatérales III, conclu à la fin de l’année dernière par la Suisse et l’UE au terme de trois ans de négociations. En consultation auprès des partis politiques, cet accord, en passe d'acquérir le statut d'horizon indépassable, fera l’objet d’un message du Conseil fédéral au Parlement l’an prochain.

«Je devrais abattre toutes mes bêtes»

Pierre-André Page semble déjà savoir à quoi s’en tenir au sujet de ce paquet d'accords. Agriculteur de profession, l’élu fribourgeois craint de devoir appliquer les règlements européens dans toute leur étendue en cas d’acceptation définitive des Bilatérales III. Il affirme, prenant appui sur un cas concret:

«En ce moment, une épidémie de dermatose touche des élevages bovins. La réglementation européenne oblige les éleveurs à abattre le troupeau en entier pour une seule bête atteinte. Alors qu’aujourd’hui, en Suisse, si l’un de mes bovins est touché, je ne suis pas obligé d’abattre tout le troupeau, mais seulement l’animal malade.»

Depuis le coup de bambou des droits de douane américains, comme s’ils sentaient la situation leur échapper, les opposants à toute forme d’intégration supplémentaire avec l'UE rivalisent d’arguments pour descendre l’Europe politique en flammes. Les réseaux sociaux sont pleins de propos horrifiés ou haineux à l’idée que la Suisse «se soumette au colon bruxellois».

Pour le conseiller national Vincent Maitre (Centre/GE):

«L’UDC joue en ce moment à un jeu particulièrement pernicieux en tentant de faire passer les Bilatérales III pour une adhésion à l’EU, ce qu’elles ne sont pas»
Vincent Maitre, cons. nat. (Centre/GE)

«L’Accord global n’a d’autre but que de permettre à des échanges commerciaux de perdurer, en les inscrivant dans une sécurité juridique et en conférant de la prévisibilité à nos relations avec l’UE, nos entreprises en ont besoin», assure le centriste genevois.

«Un cadeau fait à la Suisse et à aucun autre pays»

Vincent Maitre se félicite de la création d’un tribunal arbitral à la faveur des Bilatérales III, «un cadeau fait à la Suisse et à aucun autre pays». «Ce tribunal, composé également de juges suisses, permettra d’arbitrer les éventuels litiges entre la Suisse et l’UE en cas de désaccord», souligne le conseiller national, qui tient à «démonter la légende des juges étrangers».

Le Neuchâtelois Damien Cottier, président du groupe PLR aux Chambres fédérales, abonde dans le sens du Genevois.

«Contrairement à ce que prétend l’UDC, la Suisse aura beaucoup plus de sécurité qu’elle n’en a aujourd’hui sans l’Accord global»
Damien Cottier, cons. nat. (PLR/NE)

C’est-à-dire? «A l’heure actuelle, en cas de différends, poursuit le Neuchâtelois, l’UE peut prendre des contre-mesures à sa guise, par exemple nous sortir de programmes communautaires comme elle l’a fait avec le programme de recherche Horizon suite à la rupture par la Suisse des négociations sur l’accord-cadre en 2021.»

«La Suisse est un partenaire fiable aux yeux de l'UE»

Il n’empêche, les Bilatérales III font prendre à la Suisse une dimension plus européenne que les actuels accords bilatéraux dont l’UDC dit se satisfaire. «Il ne faut pas se leurrer, réagit Damien Cottier. Les bilatérales actuelles ne pourront pas perdurer telles quelles. Soit on les modernise, soit on se dirige vers une impasse. Il n’y a pas de statu quo.»

Le conseiller national PLR ajoute:

«Certes, en termes de reprise du droit communautaire, le processus enclenché par les Bilatérales III est plus dynamique. Mais encore une fois, le dispositif prévu en cas de désaccord nous protège aussi. La Suisse est un partenaire fiable, qui applique bien les accords. Le droit protège surtout les petits, comme on s'en aperçoit face aux Etats-Unis, qui, eux, hélas, utilisent la force. Si une fois le mécanisme d’arbitrage – qui peut aller jusqu’à consulter la Cour de Justice de l'Union européenne – décide contre nos intérêts, la Suisse aura toujours la possibilité de ne pas appliquer la décision, moyennant des contre-mesures proportionnées.»
Damien Cottier, cons. nat. (PLR/NE)

De manière pragmatique, le président du groupe PLR au Parlement fédéral plaide pour une diversification des marchés d’exportation. Et de citer les accords signés récemment avec l’Inde et l’Indonésie, espérant qu’il y en aura d’autres.

«Une ligne rouge à ne pas piétiner»

Au Parti socialiste, du moins chez les Romands, on cacherait plutôt sa joie. Après tout, dans l'Accord global, il n’est jamais question que d’économie de marché. Joint par watson, le conseiller national Christian Dandrès (PS/GE) rappelle que «la protection des salaires suisses est une ligne rouge à ne pas piétiner».

Comme le président de l’Union syndicale suisse (USS) Pierre-Yves Maillard, il est opposé à la libéralisation du marché de l’électricité voulue par Bruxelles – sur ce point, les consommateurs en Suisse qui le souhaitent pourront rester raccordés à l’approvisionnement de base, qui comprend des prix régulés.

Les plus euro-enthousiastes sont assurément les Verts. «Après le coup que Donald Trump vient de nous mettre, j’espère qu’on va accélérer notre rapprochement avec l’UE», confie le conseiller aux Etats Fabien Fivaz. Selon lui, «la rupture en 2021 des négociations sur l’accord-cadre n’était pas forcément la meilleure stratégie». Pour le Neuchâtelois, il n’y a pas photo: «Environ 60% de nos échanges commerciaux se font avec l'Union européenne.»

Ce farouche opposant à l’achat des F-35 américains l’affirme:

«Au-delà de la peur que nous avons ressentie avec la décision américaine des 39%, l’Europe est pour la Suisse une bouée de sauvetage»
Fabien Fivaz, cons. aux Etats (Verts/NE)

L’UDC Pierre-André Page en reste, lui, convaincu:

«Avec les Bilatérales III, on perd notre indépendance»
Pierre-André Page, cons. nat. (UDC/FR)
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