Suisse
Drogue

Mères toxicomanes: les lacunes du système suisse

La Suisse a un problème avec les mères toxicomanes

Drug addicts mother Kit (who does not want to show her real name and her face) express her experience on taking drug and methdone during pregnancy at HK Drug Rehab Centre, Sham Shui Po. 22 OCTOBER 200 ...
Une mère toxicomane (archives, 2007).Image: South China Morning Post
En Suisse, les mères de famille dépendantes doivent faire face à de nombreux obstacles lorsqu'elles souhaitent sortir de la dépendance. Manque de place en foyer ou encore stigmatisation, voici leurs témoignages.
15.10.2023, 08:0115.10.2023, 10:58
Annika Bangerter / ch media
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On estime qu'en Suisse, une mère d'enfant mineur sur 30 boit de manière excessive, fume du cannabis ou prend d'autres drogues. Jusqu'à l'âge de 25 ans, Clara* n'avait jamais franchi le pas. Cependant, sa vie a pris un tournant après son divorce, lorsque, pour la première fois, elle a goûté au cannabis en fumant son premier joint. Puis la cocaïne a suivi. Elle l'a d'abord sniffée, puis elle a commencé à se l'injecter.

L'abus d'alcool est dangereux pour la santé
Il doit être consommé avec modération. Si l'un de vos proches ou vous-même êtes touchés par une problématique d'alcool, la Croix-Bleue peut vous venir en aide.

Une consommation de drogue dont elle se servait pour rester éveillée le matin et accomplir ses nombreuses responsabilités: aller au travail, s'occuper de ses enfants, fréquenter l'école du soir et étudier tard dans la nuit. Mais malheureusement, ce choix a eu des conséquences graves: Clara est rapidement devenue dépendante.

Clara est l'une des 21 femmes qui, dans le cadre d'une enquête menée par la Fondation Addiction Suisse, ont donné des informations sur leurs expériences et leurs difficultés en tant que mère toxicomane. Le rapport comprend le volet suisse du projet «Enfants dont les parents consomment des drogues» du Groupe Pompidou du Conseil de l'Europe.

Le grand-père de Clara consommait déjà de la morphine et de l'héroïne. Le père était lui aussi dépendant. Il était anesthésiste, dépendant aux médicaments, violent et abusait de Clara. Son cas est typique des femmes souffrant d'addiction. Comparées aux hommes dépendants, elles ont plus souvent été victimes de violence, d'abus ou de négligence dans leur enfance et ont plus souvent grandi dans une famille ayant des problèmes de dépendance. C'est ce que les spécialistes appellent la transmission transgénérationnelle.

La maternité est une chance, mais aussi un risque

Après son divorce, Clara a eu trois autres enfants avec deux partenaires différents. Malheureusement, durant ses grossesses, l'alcool et les drogues ont eu un impact sur les fœtus, entraînant souvent des conséquences graves. La plupart des personnes interrogées ont déclaré avoir considérablement réduit leur consommation ou l'avoir totalement arrêtée pendant cette période. Les personnes dépendantes de l'héroïne ont évoqué avoir suivi un traitement de substitution.

Celles qui n'ont pas réussi à s'abstenir de boire pendant leur grossesse sont rongées par un fort sentiment de culpabilité. Comme Carmen*, 31 ans, dont le fils a dû subir un sevrage après sa naissance: «Je pense que je m'en voudrai toute ma vie», confie-t-elle. Ce que confirme également Amélie*, 54 ans:

«Tu payes toute ta vie très cher ce que tu as fait»
Amélie

Lara*, 32 ans, dit en revanche avoir arrêté la cocaïne lorsqu'elle a appris sa grossesse. Aujourd'hui, elle ne fume plus qu'un joint de temps en temps.

«C'est mon fils qui m'a sortie de tout ça. Il m'a sauvée»
Lara

L'histoire de Lara est le scénario idéal. Les auteurs de l'étude soulignent cependant que les mères interrogées ont régulièrement désigné leurs enfants comme une force motrice pour faire face à leurs problèmes de dépendance et s'en sortir. Des études montreraient en outre que les femmes souffrant d'addiction subissent des processus neuronaux et physiques positifs pendant et après la grossesse. Il est donc important de les accompagner le plus tôt possible.

Cependant, ce nouveau rôle de mère comporte également d'importants risques. Concilier la responsabilité de prendre soin de jeunes enfants tout en luttant contre sa propre dépendance peut être épuisant. Une telle surcharge, ainsi que les sentiments de culpabilité ou la stigmatisation, peut entraîner des rechutes, voire une augmentation de la consommation.

Pour les enfants, cette situation est désastreuse. Ils s'en veulent et n'ont souvent personne à qui se confier. La honte et l'isolement social les marquent également. Ce qui se voit même dans la cour de récréation, lorsque d'autres parents ne veulent pas que leur enfant joue avec celui de la mère dépendante.

«Ma fille en a particulièrement souffert. Le fait que j'avais ce problème et qu'elle ne pouvait pas se faire d'amis comme les autres enfants à cause de cela»
Clara

Dans l'esprit des autres, la fillette était avant tout une chose: la fille d'une toxicomane.

Les enfants de parents dépendants doivent en outre assumer des responsabilités très tôt. Lia*, 14 ans, compare ses parents à des enfants. «Il faut tout leur dire, tout ranger. Il faut faire attention à ce qu'ils ne laissent pas la cuisinière allumée ou autre chose.» Et bien souvent, des inquiétudes s'ajoutent pour ces enfants de parents dépendants. «J'avais toujours peur qu'il arrive quelque chose à ma mère, alors j'étais tout le temps avec elle, je n'osais pas la laisser seule plusieurs heures», raconte Marie*, 22 ans, à propos de son adolescence.

Il est donc essentiel que les familles ayant des parents dépendants reçoivent une aide professionnelle. Cependant, l'enquête d'Addiction Suisse révèle qu'il existe une crainte importante à demander de l'aide, y compris en ce qui concerne les services de conseil en addiction. Beaucoup des personnes interrogées redoutent qu'en cherchant de l'aide, elles puissent perdre la garde de leurs enfants à l'instar de Clara.

«Si ma fille ne m'avait pas attrapée et traînée là-bas, je ne sais pas si j'y serais allée»
Clara

Trop de spécialistes

Une famille avec des parents dépendants est souvent confrontée à des problèmes complexes. En raison de cette complexité, de nombreux professionnels interviennent. Pour certaines personnes interrogées, leur nombre est excessif. Tous les professionnels ne partagent pas nécessairement le même point de vue, et les auteures de l'étude notent un manque de coordination. Cela crée de la confusion, du stress et de l'incertitude chez les femmes. Amélie, âgée de 54 ans, exprime son opinion à ce sujet:

«Si en tant que parent, vous avez un problème de drogue, vous avez 15 000 rendez-vous dans différents endroits. Je rêve du jour où il y aura un endroit où tout sera regroupé.»
Amélie

Par ailleurs, les femmes interrogées ont souligné l'importance pour elles de pouvoir emmener leurs enfants en cas d'hospitalisation. Selon les auteures de l'étude, de telles institutions n'existent que dans certaines régions, dans d'autres elles font complètement défaut. Cela peut avoir de graves conséquences:

«Les mères qui ne peuvent pas emmener leur enfant renoncent au traitement ou le retardent»

Non seulement l'offre de prise en charge stationnaire et ambulatoire pour les mères dépendantes est lacunaire en Suisse, mais il n'y a pas non plus de possibilités de prise en charge de l'enfant. De plus, il n'existe que très peu de possibilités de faire prendre en charge un enfant de manière temporaire sans mettre en danger le droit de garde, écrivent les auteures.

Elles recommandent des structures d'accueil dans lesquelles les enfants sont pris en charge pendant quelques jours ou semaines. Selon les auteurs de l'étude, l'objectif devrait être de soutenir les mères dépendantes de manière à briser le cercle vicieux des problèmes de dépendance héréditaires.

*tous les noms ont été modifiés par les auteurs de l'étude.

(Traduit et adapté par Chiara Lecca)

Chasse à l'homme sur une plage à Majorque
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