Suisse
Drogue

Une mère raconte comment la cocaïne lui a volé son fils

Benedict a décrit la cocaïne comme un diable qui ne révèle son vrai visage que lorsqu'on veut s'en séparer.
Benedict a décrit la cocaïne comme un diable qui ne révèle son vrai visage que lorsqu'on veut s'en séparer.image: David Wall/Moment RF

Une Suissesse raconte comment le «diable blanc» lui a volé son fils

Benedict avait 26 ans lorsqu'il est décédé, après quatre ans de forte addiction à la cocaïne. Sa mère a écrit un livre poignant dans lequel elle donne également la parole à son fils.
01.06.2025, 07:0301.06.2025, 07:03
Annika Bangerter / ch media
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«C'est la peur de la solitude qui se réfugie dans la consommation. C'est la peur d'errer seul et perdu quelque part dans la nuit noire. C'est la peur de ne pas savoir où aller»
Benedict

Ces tourments, Benedict les avait confiés à sa mère après plusieurs semaines d'abstinence. Il redoutait une rechute. Le jeune homme de 26 ans restait éveillé dans son lit. Son désir de consommer était plus fort que le sommeil. Jour après jour, il devait déployer de plus en plus d'efforts pour résister à cette forte envie intérieure. Mais les forces sont limitées, elles s'épuisent.

Benedict en était conscient lui aussi. A de nombreuses reprises, la dépendance avait déjà pris le dessus. Sa mère l'écoutait. Elle lui avait demandé ce qu'elle pouvait faire pour lui. «Tu pourras venir me rendre visite à la clinique», lui répondit une dernière fois Benedict, au téléphone. Quelques jours plus tard, Benedict est mort des suites de sa consommation de cocaïne.

En seulement quatre ans, la drogue a détruit sa vie. Sa mère, Marina Jung, a écrit un livre sur cette descente aux enfers. Dans Kokainjahre (non traduit), elle raconte la grave dépendance de son fils, mais aussi sa propre quête de réponses – des réponses qu'elle n'a parfois trouvées qu'après sa mort. Elle a écouté d'autres personnes touchées par la dépendance, elle s'est plongée dans la littérature spécialisée. Le livre qui en résulte est exceptionnellement courageux. Il résonne longtemps après sa lecture.

La catastrophe est arrivée insidieusement. Benedict avait 22 ans, était bien intégré socialement et suivait une formation pour devenir enseignant, lorsque ses parents remarquèrent des changements chez lui.

«Il était moins accessible et moins empathique que d'habitude. Nous l'avons interrogé, demandé ce qui se passait. Mais il s'est complètement fermé»
Marina Jung

Marina Jung et son mari se rassuraient mutuellement: peut-être du stress lié aux études ou des problèmes avec sa petite amie – ça passera.

Avant cela, Benedict n'avait jamais eu de problèmes majeurs. «C'était le genre de personne que tout le monde aimait», raconte sa mère. Généreux, charmant, éloquent et sensible. En même temps, il avait un côté aventurier et intrépide. Lorsqu'il faisait du vélo tout-terrain ou de l’escalade, il repoussait sans cesse ses limites à la recherche de sensations fortes. Genoux écorchés, coudes ensanglantés ou entorses étaient les conséquences de ces aventures.

Le côté diabolique de la cocaïne

Les cigarettes, l'alcool ou le cannabis n'étaient pas un sujet pour Benedict. Jamais il n'était rentré à la maison ivre, raconte sa mère, qui ajoute:

«Nous avons traversé l'adolescence sans difficulté»
Marina Jung, la mère

Dans la famille, on parlait ouvertement des drogues. Ensemble, ils avaient lu le livre Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée… et discuté des risques liés à ces substances.

Pour préserver Benedict de la drogue, ils lui avaient promis une récompense financière, qu'il recevrait s'il ne consommait aucune drogue et ne fumait pas jusqu'à l'âge de 25 ans.

«Avec le recul, c'était une erreur. Nous avons affiché une tolérance zéro et placé la barre très haut»
Marina Jung

Marina Jung soupçonne que c'est ce qui a poussé son fils à cacher ses premières consommations. Par peur de perdre l'argent. Par peur de les décevoir.

Peu avant sa mort, Benedict est revenu dans ses carnets sur ces débuts dans la drogue:

«Je vivais dans un monde parallèle — non, c'était bien plus que ça. (…) En réalité, je ne pensais qu'à une seule chose: quand pourrais-je consommer de la cocaïne à nouveau? C'était ma première pensée le matin, et la dernière le soir. En plus de ça, je devais cacher le stress, l'agitation et la dépendance à mes parents et à ma copine de l'époque.»
Benedict

La cocaïne s'est démocratisée

La cocaïne est largement répandue en Suisse. Entre 2012 et 2022, sa consommation a plus que doublé dans le pays. Depuis longtemps, la poudre blanche ne se renifle plus uniquement dans les toilettes des banquiers, sur les plateaux de tournage ou lors des défilés de mode, mais aussi dans les fêtes de village ou même pendant les heures de travail sur les chantiers. On peut se faire livrer la drogue chez soi via des services de messagerie, et ses prix bas la rendent accessible même aux jeunes. La cocaïne est devenue une drogue du quotidien.

La cocaïne, c'est le «diable»

Cela peut avoir des conséquences fatales. Benedict qualifiait la cocaïne de «diable». Ce dernier s'immisce lentement dans la vie, sans se dévoiler d'emblée pour ce qu'il est, ce qui permet de s'en accommoder au début. Mais son vrai visage n'apparaît que lorsqu'on tente de s'en détacher. Et cela, le diable ne le permet pas. C'est ce que Benedict a noté dans son carnet:

«Je suis poussé par l'addiction. Les pensées tournées vers la consommation. Les images dans ma tête. Le désir est si intense que tout se contracte en moi. Mon estomac me fait mal, j'ai la nausée. Je transpire. Mais le pire, c'est ce désir, ce désir dans la tête, dans le cerveau. Une seule pensée. Encore et encore. Et pourtant, je ne veux pas ça. Je ne veux plus consommer. Mais malgré tout, j'en ai terriblement envie. A tout prix.»
Benedict

Lire l'histoire de Benedict permet de comprendre non seulement à quel point la dépendance à la cocaïne peut dominer une vie, mais aussi que les effets de la poudre sniffée ne durent que 30 à 90 minutes. Ensuite, un profond malaise s'installe – une sensation désagréable qui pousse à en reprendre. Cela peut conduire à une consommation sur plusieurs jours.

«Beaucoup ignorent à quel point la cocaïne engendre une avidité insatiable. Une envie toujours plus grande de cette substance dangereuse. Avec la cocaïne, il n'y a pas de sensation de satiété»
Marina Jung, la mère de Benedict

Une fois la dépendance là, faire appel à la raison ne suffit plus. Marina Jung et son mari l'ont pourtant fait: à maintes reprises, ils ont discuté avec Benedict de tout ce que sa consommation mettait en péril – sa santé, ses études, sa relation, son avenir. A chaque fois, leur fils montrait qu'il en avait conscience, leur assurait qu'il allait arrêter la cocaïne. Il le faisait même par messages WhatsApp:

«Et oui, je veux me libérer à 100%, et oui, j'ai un problème. Et oui, j'ai besoin d'aide»
Benedict

«Avec le recul, nous aurions été épargnés de bien des choses si quelqu'un nous avait dit que notre fils était gravement malade et que nous devions nous préparer à un long chemin vers la guérison, ponctué de rechutes», confie Marina Jung. A l'époque, elle ignorait que la cocaïne modifie les structures neuronales du cerveau et reprogramme le système de récompense.

«Une addiction est une maladie»

Avec l'expérience acquise, Marina Jung agirait différemment aujourd'hui. Elle accorderait plus de valeur aux périodes d'abstinence de son fils et ne désespérerait pas à chaque rechute. Parfois, elle a perdu son sang-froid, a déversé sa détresse sur lui. Elle le regrette profondément.

«Une addiction est une maladie. Cela n'a rien à voir avec un manque de volonté ou une faiblesse de caractère. Mes émotions négatives n'ont fait que renforcer sa culpabilité et donc favoriser sa consommation»

Pour autant, Marina Jung et son mari n'ont jamais abandonné Benedict. Chaque fois qu'il appelait à l'aide, ils allaient le chercher, qu'il soit sous l'emprise de la cocaïne ou non. Lorsqu'il était chez eux, un certain soulagement les traversait toujours: au moins, ils savaient que Benedict était temporairement en sécurité.

Montagnes russes

Benedict recherchait également une protection contre la drogue. Thérapies ambulatoires, cures de longue durée, séjours en clinique, changement de logement et d'emploi pour aller vivre dans une ferme: il n'a rien laissé au hasard. Mais, comme dans des montagnes russes, optimisme et impuissance se succédaient, tant pour Benedict que pour ses parents. Il consignait ses impressions dans son carnet de notes:

«Au début, c'est la drogue, mais pendant l'addiction, quand la spirale continue de tourner vers le bas, ce n'est que misère. Traqué par le diable blanc, mais l'âme en moi peut et va gagner la bataille»
Benedict

Marina Jung a eu à plusieurs reprise la sensation d'être «au bout du rouleau». Longtemps, sinon avec son mari, elle n'a parlé à personne de la dépendance de son fils. Elle avait honte qu'il consomme de la drogue. En même temps, elle voulait le protéger des stigmates. Aujourd'hui, elle affirme: «C'était totalement faux. Si Benedict avait eu une maladie physique, nous en aurions parlé.» Ce silence a pesé sur elle, son mariage et sa famille.

Qu'est-ce qui pourrait aider les proches de personnes dépendantes? Marina Jung:

«Une société qui reconnaît la dépendance comme une maladie. Et un entourage qui prend part, qui porte l'espoir que la personne dépendante peut vaincre sa maladie. Il existe de tels exemples, même pour la cocaïne.»
Marina Jung

Sa plus grande angoisse est devenue réalité: elle a perdu son fils.

«Est-il mort?»

Après l'appel où Benedict avait confié à sa mère sa peur panique d'une rechute, il avait souhaité une bonne semaine à ses parents. C'était un lundi. Puis, plus de contact. Appels et messages sont restés sans réponse. Marina Jung et son mari ont alors contacté toutes les cliniques à proximité et ont fait un signalement de disparition. Le vendredi matin, quelqu'un a sonné à leur porte. Par l'interphone, Marina Jung a vu deux policiers. Elle a ouvert la porte et demandé:

«Il est mort?»

Traduit et adapté par Noëline Flippe

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