A la fin de l'école obligatoire, seule une bonne moitié des jeunes Suisses alémaniques comprennent des textes faciles avec des mots familiers en français – et inversement. Il s'agit d'exigences minimales, telles qu'elles sont testées lors de l’évaluation des compétences de base.
Cette distance de plus en plus palpable avec la langue de la minorité nationale que représentent les Romands est un véritable problème qui alarme des deux côtés du Röstigraben.
Pour le président de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de l'instruction publique (CDIP), le Valaisan Christophe Darbellay, ce n'est rien de moins que la cohésion nationale qui est en jeu si des cantons devaient être tentés de supprimer le français à l’école primaire.
Dailleurs, le canton d'Appenzell Rhodes-Extérieures l'a déjà fait, et des efforts politiques similaires sont en cours dans d'autres cantons. La ville de Berne a, par exemple, décidé de supprimer les classes bilingues. Christophe Darbellay, cité par Le Temps, est interpellé:
Notons qu'en anglais, les résultats des petits alémaniques sont meilleurs. En 2004, la CDIP a adopté la stratégie des langues: selon la devise «le plus tôt est le mieux», les cantons ont introduit deux langues étrangères au niveau primaire.
Ce concept a-t-il échoué? Armin Hartmann (UDC), conseiller d'Etat lucernois et vice-président de la CDIP, affirme que l'examen des compétences de base doit être strictement séparé de cette stratégie linguistique. Pour la CDIP, il est clair que les connaissances d'une deuxième langue nationale sont importantes. Il s'agit maintenant d'élaborer des mesures pour améliorer le niveau.
Mais Res Schmid s'engage sur une autre voie. Le directeur de l'éducation du canton de Nidwald propose de supprimer l'anglais à l'école primaire et de commencer le français dès la 5e année HarmoS. Après 20 ans de stratégie linguistique avec le français et l’anglais, il n'y a selon lui pas besoin de nouvelles études pour constater que:
Christophe Darbellay soutient, quant à lui, la thèse inverse, notamment pour les classes bilingues:
Concernant l'enseignement des langues en primaire, l'élu valaisan le rejoint:
Res Schmid, de son côté, souhaite utiliser les leçons récupérées suite à la suppression de l’anglais pour des compétences de base comme les mathématiques et l'allemand. Il fait remarquer que, selon les études Pisa, la compréhension de l'écrit, par exemple, ne cesse de se dégrader. Et il reçoit des retours inquiétants de l'économie en raison de la baisse des connaissances en allemand.
Schmid demande un changement de cap:
Il a, d’ailleurs, remporté une petite victoire lors de la séance plénière de la CDIP de fin mars.
En effet, une nette majorité des cantons a approuvé sa proposition de mettre au moins la stratégie des langues au banc d'essai au sein de la CDIP. Schmid n'a toutefois pas demandé la suppression de l'anglais au niveau primaire dans sa proposition, puisqu'il n'aurait sans doute pas obtenu gain de cause. Chirstophe Darbellay parle d'un compromis en discusion au sein de de la CDIP:
Il s'y oppose néanmoins et préfère un «statu-quo».
Alain Pichard, politicien Vert’libéral de Bienne, est l'un des enseignants les plus connus de Suisse selon le Sonntags-Zeitung. A 69 ans, il continuer d'enseigner dans une classe de 3e Harmos à Pieterlen, dans la banlieue de Bienne. Tout comme Schmid, il n'introduirait la première langue étrangère qu'à partir de la 5e HarmoS, car il serait bien connu que l'enseignement précoce des langues étrangères est inutile. La question de savoir si les enfants doivent d'abord apprendre l'anglais ou le français doit quant à elle faire l'objet de négociations politiques.
Traduit de l'allemand par Anne Castella