Nous sommes un vendredi midi, fin mai, à Lausanne. Une scène pour le moins insolite attise la curiosité des passants pressés. Au milieu de la place Saint-Laurent, une table est dressée. Une bouteille de sirop d'érable flanque un pot de Nutella, des framboises fraîches, du jus d'orange et un réchaud à gaz. Un jeune homme s'affaire à la cuisson de pancakes, pendant que son acolyte brandit une pancarte, un large sourire aux lèvres.
Cette femme, c'est Alexandra Hirsch. Avec cette démarche originale, la Nyonnaise ne cherche pas tant à rejoindre une colocation qu'à faire connaître son site internet. Car les galères et les cheveux arrachés pour trouver une chambre, ça, elle connait.
C'est pour répondre au manque flagrant en Suisse de plateforme dédiée à la coloc qu'elle a fondé myhomies.ch. Un site internet destiné à trouver facilement sa prochain colocation, sans toutes les prises de tête - et parfois de bec - qui accompagnent généralement la quête du Graal.
Une recherche qui s'achevait la plupart du temps par la pose de son dossier sur une longue pile candidatures pour une seule et même chambre. «Ça pouvait aller jusqu'à 25 candidats... Et ensuite, c'était pire qu'un entretien d'embauche!», rit-elle.
En 2019, alors qu'elle est sur le marché du travail depuis peu, une idée germe dans l'esprit d'Alexandra: un site internet qui permettrait de mettre en contact les futurs colocataires, notamment autour d'évènements organisés dans des bars ou des cafés. «Une sorte de Airbnb de la coloc», résume-t-elle. Avec la dimension humaine en plus.
L'idée continue de lui trotter dans la tête durant plusieurs années. Une pandémie mondiale et quelques mois d'économies plus tard, My Homies est en ligne. Si la CEO en herbe gère la quasi-totalité du projet toute seule, elle est soutenue par deux collaborateurs: sa soeur, Victoria, qui s'occupe notamment d'une partie de l'organisation des évènements, et Sebastian, développeur web.
La plateforme, qui se veut aussi simple d'utilisation que Booking.com, propose de nombreux filtres personnalisés, qui permettent à la fois aux annonceurs de fournir des informations détaillées sur leur logement - et aux personnes à la recherche d'un logement de trier rapidement les options.
Les filtres, très variés, vont de l'âge des colocataires à leur genre, en passant par la présence de la clim dans l'appartement. «Mais on m'a déjà demander d'introduire des listes de critères encore plus précises», concède la CEO de la start-up. Les colocataires peuvent en effet s'avérer pointilleux à l'égard de la personne qui viendra vivre sous leur toit.
D'où l'idée des «events». Organisées encore principalement à Lausanne et Genève avant de s'étendre au reste de la Suisse romande, ces soirées permettent à des inconnus de se rencontrer autour d'un verre, de discussions et de jeux divers et variés - cartes, quizz, ping-pong... Un peu comme un premier date Tinder, il s'agit donc de laisser place aux affinités. Voir si le match opère dans la vie réelle.
Il s'agit aussi de déterminer si les attentes respectives correspondent à la future «vibe» de leur coloc. Quand certains veulent conserver une certaine indépendance vis-à-vis de leur voisin de chambre, d'autres rêvent d'une vie communautaire active, rythmée par les repas et les activités communes.
Etonnamment, ce ne sont pas tant des étudiants que de jeunes actifs, entre 25 et 35 ans, qui représentent la plupart des postulations sur son site. Et, étonnamment, leur principale motivation n'est pas financière. «Une coloc bien située coûte presque aussi cher qu'un studio», rappelle Alexandra.
Pour elle, il s'agit d'abord d'une volonté de vivre avec d'autres personnes. «Après le Covid, beaucoup en ont eu marre d'être seuls. La pandémie a créé un besoin de renouer des liens, de vivre avec les autres.»
La colocation est aussi un moyen redoutablement efficace de s'immerger dans une nouvelle ville. «On compte beaucoup d'expats. Pas seulement de l'étranger, mais aussi des personnes qui déménagent de Zurich à Lausanne, de Fribourg à Genève, etc.»
Elle-même, Alexandra, vit-elle toujours en coloc? Elle rigole. «Non non, j'ai désormais mon propre appart'!»
Mais ses années de colocation lui ont laissé des souvenirs impérissables. Souvent super... parfois, un peu moins. Son pire souvenir? «Il y en a bien quelques-uns... Par exemple, j'avais un coloc un peu étrange qui vivait dans le noir total.»
Prochaine étape pour My Homies? L'introduction d'une option premium, payante, pour permettre aux utilisateurs de bénéficier de services complémentaires utiles. Avec, pour objectif final, de devenir la plateforme de référence pour trouver une colocation en Suisse.