Un peu de politique-fiction: imaginons que, demain, un système de revenu de base inconditionnel (RBI) soit mis en place en Suisse, comme le proposent actuellement certaines personnalités alémaniques (voir encadré). A quoi ressembleraient nos journées? On se pose la question en quatre points.
«Tout travail mérite salaire», dit le dicton. Avec le RBI, voilà que le non-travail apporte aussi un revenu. Je n'ai rien besoin de faire pour toucher 2'500 francs à la fin du mois. Et ce montant, ce n'est pas rien. Si je vis seul, ça me paie une partie significative de mes frais fixes.
Du coup, si j'ai besoin gagner encore un peu d'argent en travaillant pour subvenir à mes besoins, ce job n'est sûrement pas un 100%. Mais alors, la bonne partie de ma semaine, je l'occupe comment? En m'amusant? Pas sûr. Peut-être que le frisson de l'effort et de la récompense m'est trop cher.
L'un des grands arguments des défenseurs du RBI est qu'il n'y a plus besoin de s'occuper soi-même de subvenir à ses besoins. Le temps laissé par la fin du «travail à contre-cœur» peut ainsi être utilisé pour s'adonner à des activités créatives. Un grand progrès pour l'humanité, selon les partisans.
En même temps, tout le monde est-il vraiment un créateur au fond de lui? Là encore, difficile de savoir dans la mesure où beaucoup de personnes n'ont jamais eu l'occasion de tenter d'écrire ou de peindre. Imaginons que ça ennuie beaucoup de gens. Ne se sentiront-ils pas «inutiles» par rapport aux autres?
Le Covid-19 nous a placé dans des situations plus ou moins anormales et plus ou moins difficiles. Selon la réalisatrice Rebecca Panian, l'une des porteuses du nouveau projet de RBI en Suisse, cette période nous rend plus ouverts à des changements fondamentaux. Mais, plus prosaïquement, rappelons qu'elle a aussi placé le salon au centre de nos vies.
Avec un RBI, sans doute que certaines personnes partiront à l'aventure (en Appenzell Rhodes intérieures, par exemple) et d'autres laisseront cours à leurs envies de nature casanière. Genre, acheter de beaux rideaux, tester toutes les options de son nouveau home cinéma, faire le ménage plus souvent que dans le «monde d'avant»... Tout un programme.
Moins de labeur, moins de stress. La diminution des devoirs envers autrui, à commencer par son employeur, est certainement synonyme de plus de champ libre. Mais qui dit liberté dit aussi responsabilité. Pas sûr qu'il soit toujours facile de faire face à soi-même. D'être satisfait de ses journées.
Ce que montrent toutes ces expériences de pensée, c'est qu'il est difficile de se projeter dans un monde que l'on ne connaît pas (vraiment). Le RBI n'est pas seulement une question de système social ou un débat politique et économique. Il représente un changement complet de paradigme au niveau de l'activité humaine. Affaire à suivre.