Un club prestigieux s'est réuni sous l'égide de la Swiss Better Gold Association. On y retrouve non seulement les trois grandes raffineries suisses Argor-Heraeus, MKS Pamp et Metalor, mais aussi le joaillier Cartier, l'un de ses membres fondateurs. Ce puissant label bénéficie en outre d'un appui officiel: le Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO) l'a soutenu à hauteur de six millions de francs au cours des cinq dernières années.
Jusqu'à récemment, la plus grande raffinerie de Suisse, Valcambi, pouvait elle aussi se targuer de faire partie de l'association. Mais depuis janvier, ce n'est plus le cas: l'organisation a suspendu la raffinerie basée à Balerna (TI), comme l'a confirmé la directrice Diana Culillas sur demande. En cause: Valcambi a traité trop peu d'or provenant de mines accréditées, contrevenant ainsi aux directives de l'association. Celles-ci exigent de chaque membre qu'il s'engage à traiter ou acheter une quantité déterminée d'or certifié.
Pour rester au sein de l'organisation, Valcambi devra désormais présenter d'ici juin un plan expliquant comment l'entreprise entend établir à l'avenir une chaîne d’approvisionnement issue de mines reconnues.
Comme l'a confirmé la directrice des opérations Simone Knobloch sur demande, l'entreprise se retire de la Swiss Better Gold Association. Une lettre en ce sens a été envoyée par Valcambi mercredi.
Du point de vue de la raffinerie, c'est la position stricte du label équitable qui a poussé Valcambi à se retirer.
Chopard est lui aussi membre de la Swiss Better Gold Association.
En 2023, Chopard n'a plus voulu acheter cet or auprès de Valcambi. Faute d'acheteur, Valcambi a donc perdu sa chaîne d'approvisionnement. Entre-temps, une autre raffinerie suisse s'est mise à traiter l'or de la mine colombienne pour Chopard.
«D'une part, nous avons suggéré d'intégrer nos propres mines reconnues dans les chaînes d'approvisionnement. D'autre part, nous étions prêts non seulement à raffiner cet or, mais aussi à l'acheter sous forme de lingots et à le commercialiser», ajoute Knobloch.
Mais les deux propositions ont été rejetées.
Knobloch souligne que l'entreprise continue de traiter d'importants volumes d'or provenant de l'exploitation artisanale afin de soutenir ce secteur. Elle cite à cet égard d'autres produits équitables que Valcambi fabrique pour différentes banques cantonales.
La Swiss Better Gold Association a été fondée en 2013 avec l'objectif de promouvoir un or plus équitable provenant du petit secteur minier. Actuellement, l'organisation soutient 23 mines en Colombie et au Pérou. Elle leur fournit un savoir-faire technique et aide les mineurs à rendre l'extraction de l'or socialement plus durable et respectueuse de l'environnement. Pour ce faire, Swiss Better Gold a établi des critères que les producteurs doivent mettre en œuvre progressivement.
Si les mineurs respectent ces critères, ils obtiennent l'accès à des acheteurs suisses. Les raffineries partenaires s'engagent à fondre l'or. De leur côté, les autres membres de l'association; des banques, des commerçants, des horlogers, jusqu'aux fabricants de bijoux, s'engagent à acheter une quantité déterminée d'or provenant de sources accréditées.
Pour chaque gramme d'or, ils versent une prime de 1,35 dollar. Cette somme est ensuite redistribuée via un fonds destiné à financer des projets de développement dans les mines. L'année dernière, plus de trois tonnes d'or portant le label Swiss Better Gold ont été traitées en Suisse.
Valcambi avait déjà fait les gros titres avec un autre départ. Il y a deux ans, la raffinerie a quitté l'Association Suisse des Fabricants et Commerçants de Métaux Précieux (ASFCMP), le principal groupement de la branche.
Le conflit, qui a éclaté après quarante ans d'adhésion, a été justifié par les deux parties par des «divergences irréconciliables». Ces divergences provenaient du fait que l'association déconseillait officiellement l'acceptation de livraisons d'or en provenance des Emirats arabes unis. Dubaï, en particulier, est considéré comme un point de transit pour de l'or provenant de sources douteuses.
Valcambi voit les choses autrement. L'entreprise estime qu'il ne faut pas exclure des pays spécifiques de la chaîne d'approvisionnement. Elle reconnaît qu'en tant que raffinerie, elle ne peut pas toujours évaluer correctement les risques. Dans un documentaire récent diffusé par SRF, Valcambi a expliqué avoir traité l'année dernière 300 tonnes d'or en provenance de Dubaï, dont la matière provenait de deux sources fiables sur place.
Traduit et adapté par Noëline Flippe