«Les achats militaires sont importants pour les relations avec les Etats-Unis», a déclaré dimanche dernier Martin Pfister en marge de la Fête fédérale de tir des jeunes à Saint-Triphon (VD). Pour tenter de réduire les droits de douane infligés à la Suisse, le conseiller fédéral Martin Pfister s'est en effet dit ouvert à acheter davantage d'armement américain.
Alors que le contrat autour des avions F-35 est toujours en cours et que le débat sur leur prix fait rage, un premier pas en ce sens pourrait intervenir dès décembre prochain. Selon la SonntagsZeitung, l'armée suisse a en effet besoin de nouvelles armes de poing et l’Office fédéral de l’armement (Armasuisse) scrute le marché pour trouver le pistolet adapté.
Un achat de 100 000 exemplaires est prévu dans un premier temps, pour un budget de 90 millions de francs accessoires compris. Parmi les fournisseurs candidats se trouvent les Européens Glock et Heckler & Koch, mais surtout SIG Sauer, une entreprise suisse dont le pistolet P320 est fabriqué aux Etats-Unis.
Problème: ce dernier est largement critiqué outre-Atlantique, où il est accusé de tirer tout seul. Le modèle serait ainsi à l'origine de plusieurs accidents aux Etats-Unis, mais aussi en Suisse où il est utilisé par certaines polices cantonales.
Relayé par la SonntagsZeitung, le Washington Post a ainsi recensé quelque 100 accidents impliquant le Sig Sauer P320. Dans chaque cas, un coup de feu serait parti sans que la détente n'ait été actionnée. Le journal américain fait état d'au moins 80 blessés.
En octobre 2024, un civil a même perdu la vie près de Philadelphie, suite à un tir accidentel de P320. Rebelote en juillet dernier, lorsqu'un «tir inexpliqué» de l'arme de SIG Sauer a entraîné la mort d'un soldat de 21 ans dans une base aérienne du Wyoming.
L'Air Force Global Strike Command, l'un des commandements majeurs de l'armée de l'air américaine, avait suspendu l'usage du pistolet dans ses unités à la suite du drame. Le P320 a également été écarté par les polices de Chicago, de Milwaukee et de Houston.
Selon la SonntagsZeitung, l'arme est utilisée en Suisse par plusieurs corps de police. En 2019, un coup de feu accidentel a notamment blessé un policier saint-gallois à la cuisse lors d'un entraînement, mais l'affaire a été classée depuis. Deux incidents impliquant le pistolet sont également survenus dans le canton d'Uri en 2019 et 2024.
Au total, Sig Sauer ferait face à plus de 100 plaintes liées au P320. Représentant de nombreuses victimes, l'avocat Robert Zimmerman dénonce auprès du Washington Post:
Des accusations que le fabricant suisse conteste depuis des années.
Il faut dire que l'origine technique des accidents n'a pour l'heure pas été démontrée. De récents tests menés par le FBI suite à un incident dans le Michigan n'ont ainsi révélé «aucune défaillance». Plusieurs expériences menées par le passé par des laboratoires indépendants ou par l'armée américaine sont parvenues à la même conclusion.
Armasuisse a également procédé à ses propres essais techniques. Lors de ceux-ci, aucun des pistolets n'a tiré accidentellement.
«Il n’est pas surprenant que, dans le contexte d’un appel d’offres militaire, des rumeurs et de fausses informations soient sciemment diffusées, notamment sur les réseaux sociaux, pour influencer les décisions» déclare à la SonntagsZeitung Pasquale Caputi, Patron de SIG Sauer Suisse. Dans un communiqué l'entreprise ajoute que «le P320 est l’un des pistolets les plus sûrs et les plus avancés au monde» et que 17 plaintes à son sujet ont déjà été rejetées aux Etats-Unis,
L'arme garde donc toutes ses chances d'être choisie par Armasuisse. Si elle venait à décrocher le contrat en décembre, SIG Sauer prévoit de rapatrier la production des nouveaux pistolets militaires sur son site de Neuhausen am Rheinfall, dans le canton de Schaffhouse (jzs).