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Suisse: pourquoi cette prof veut arrêter d'enseigner

Die Kinder der 7. Klasse nehmen am Unterricht ueber Astronomie/Sternstunde teil, fotografiert im Rudolf Steiner Schule Sankt Gallen, am Dienstag, 12. September 2023 in St. Gallen. (KEYSTONE/Gaetan Bal ...
La prochaine rentrée scolaire aura lieu dans six mois. Les élèves seront nombreux – contrairement aux enseignants, toujours plus difficiles à recruter.photo prétexte: KEYSTONE

Cette jeune enseignante veut changer de métier: elle se confie

Mark est un enseignant à la retraite qui n'a jamais cessé d'aimer son métier. Joëlle travaille depuis cinq ans comme institutrice, mais elle envisage de tout arrêter. watson les a rassemblés pour parler de l'école inclusive et du manque de relève parmi les enseignants. Réunion de crise.
21.04.2024, 22:0321.04.2024, 22:03
Juliette Baur
Juliette Baur
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«Je n'aurais jamais imaginé que nous ayons un jour une telle pénurie d'enseignants en Suisse», confie Mark. À l'époque, il y avait un surplus dans le primaire et il n'était pas facile de trouver un emploi:

«Certaines femmes s'entendaient dire qu'elles ne devaient pas travailler comme enseignantes, mais s'occuper de leurs enfants à la maison et que, de toute façon, il n'y avait pas assez de postes»
Mark

Aujourd'hui, Marc, 64 ans, a pris sa retraite. Même s'il y a beaucoup plus d'enseignantes que d'enseignants qu'avant, c'est globalement encore trop peu. Les cantons cherchent tous à susciter des vocations dans ce domaine.

De sa propre initiative, Mark a choisi de continuer à accompagner un élève aux besoins particuliers. Le retraité lui dispense trois heures de cours individuel par jour et il affirme clairement que la situation n'est pas une solution durable pour le garçon. Il faudrait l'intégrer progressivement et de manière cadrée dans une autre classe.

Mark Plüss a été enseignant pendant 40 ans.
Mark Plüss a été enseignant pendant 40 ans. Image: watson

Joëlle* travaille comme enseignante depuis cinq ans. Mais probablement plus pour longtemps. A 31 ans, elle ne se sent professionnellement pas épanouie – malgré un choix guidé par la conviction et la passion. Lors d'un volontariat en Asie, elle avait été attirée par l'enseignement, y trouvant beaucoup de sens.

Définitions
Autrefois, il y avait des classes spécialisées dans presque toutes les communes. On y plaçait les enfants dont les performances ou le comportement s'écartaient de la «norme». Ces classes ont été supprimées depuis.

Les écoles spécialisées existent encore aujourd'hui pour les enfants qui, pour une raison ou une autre, ne peuvent pas fréquenter l'école primaire. Elles accueillent les «élèves spéciaux», ayant été préalablement évalués par un psychologue scolaire.

L'«enseignement spécialisé intégré dans la classe ordinaire» (ISR) est une forme mixte. Il réunit des enfants à statut spécial et ceux qui fréquentent une classe ordinaire. Celle-ci reçoit en contrepartie davantage de ressources – c'est du moins ce qui est prévu.

Quand l'enseignante devient thérapeute

Comme beaucoup d'autres jeunes professeurs, elle va souvent au bout de ses propres limites, épuisée par le travail. A ses yeux, elle n'est pas «seulement» enseignante, mais aussi thérapeute, psychologue, assistante médicale, employée de bureau et cheffe de projets. Et traductrice: le pourcentage d'étrangers dans la commune où Joelle travaille atteint près de 50%.

«Les élèves de première année ne comprennent même pas les mots les plus simples. J'allège les cours au maximum, mais cela ne suffit toujours pas».

Les enfants de la classe de Joëlle sont issus de couches sociales peu instruites, ce qui lui complique encore la tâche. «Mais si je travaillais dans un quartier chic, je devrais faire face à d'autres problèmes. Une mère compliquée, c'est aussi grave qu'un enfant pénible».

Mark voit exactement de quoi elle parle, lui aussi a souvent trouvé les personnes issues de l'immigration très coopératives et reconnaissantes. Mais il affirme avoir bénéficié d'un système à plusieurs niveaux. Cela signifie qu'il a enseigné à des élèves de la première à la sixième dans une seule et même classe. Les enfants ont alors été poussés à prendre des responsabilités les uns envers les autres, soutenant de cette manière le travail des enseignants.

Joëlle, elle, trouve que les enfants turbulents, qui doivent être accompagnés au nom du système inclusif, sont particulièrement exigeants. Elle poursuit:

«En théorie, l'école inclusive, c'est super. Mais pour nous, les enseignants, c'est une charge énorme»

L'écart au sein d'une classe de 20 enfants qui n'ont pas de besoins particuliers est déjà abyssal. «Si l'on doit en plus accompagner quelqu'un qui a des problèmes de comportement, on atteint vite ses limites».

Une fois, elle devait gérer un élève qui ne contrôlait pas ses pulsions. «Il était quasiment impossible d'expliquer quelque chose, ne serait-ce qu'une minute, sans qu'il ne perturbe le cours». L'élève a alors été transféré dans une école spécialisée. Mais ce n'est pas toujours le cas:

«Tout dépend de ce que disent les parents. Si les parents refusent que leur enfant aille dans une école spécialisée, l'enfant n'ira pas».

Quand Renato n'a plus eu besoin d'aller à l'école spécialisée

Une problématique que Mark connaît bien, là encore. «Nous avons souvent accueilli des enfants qui ne pouvaient plus être pris en charge ailleurs. Et chez nous, cela fonctionnait – presque toujours», raconte-t-il. Et de réaffirmer qu'une classe avec des âges différents peut constituer une grande ressource:

«Il faudrait se demander si les classes par tranches d'âge sont la bonne solution pour tous les enfants».

Pour expliquer pourquoi il défend le système inclusif, il raconte une anecdote:

«Nous habitions dans un petit village, tout le monde allait dans la même école. Seul un garçon, appelons-le Renato, passait toujours devant nous et prenait ensuite le bus pour rejoindre sa classe spécialisée. J'avais à chaque fois de la peine pour lui parce qu'il n'était pas à sa place. Alors nous avons dit: 'Renato vient avec nous'. Et ça a marché. A partir de ce moment-là, nous avons décidé que, du moment qu'un enfant habitait là, il irait à l'école avec nous.»
Dans la rédaction de watson, Mark explique pourquoi il est favorable à l'école inclusive.
Dans la rédaction de watson, Mark explique pourquoi il est favorable à l'école inclusive.Image: Watson

Et d'ajouter: «Si tout le monde tire à la même corde, l'intégration peut réussir. Et chaque victoire renforce le système». Mais il y aurait aussi des établissements qui ne partagent pas ce point de vue. En leur sein, la tendance est de protéger les enseignants des enfants qui représentent une charge supplémentaire. Le retraité peut l'entendre, mais il pose une question de principe:

«Pour qui faut-il penser l'école? Pour les enseignants ou pour les enfants?»

Il salue l'organisation actuelle, qui prévoit souvent deux enseignants par classe et le soutien de pédagogues ou d'assistants. Joëlle ne fait cours que deux jours avec un autre enseignant. Et lorsqu'elle a affaire à un écolier difficile, il ne lui reste qu'à supplier pour obtenir plus de renfort. Les pédagogues spécialisés ne peuvent intervenir que ponctuellement. Le reste du temps, il faut gérer les enfants seul, malgré ceux qui perturbent l'enseignement et empêchent les autres d'apprendre:

«C'est donc utopique de penser que tous devraient fréquenter une classe ordinaire. On ne peut pas délaisser tout le reste seulement par souci d'inclusion».

Plus de pratique, moins de théorie

Nos deux invités voient d'un bon œil que des personnes non qualifiées enseignent désormais. Ils partagent également le même point de vue sur les solutions possibles: rendre la HEP plus attrayante et plus flexible – par exemple pour les personnes en reconversion avec une famille à charge. Il faudrait repenser le nombre d'heures de présences obligatoires à la haute école.

De plus, les étudiants devraient entrer plus tôt dans la pratique. Tous les deux sont unanimes: c'est dans la salle de classe avec les enfants qu'on apprend le plus. Cela permettrait aussi d'éliminer d'emblée celles et ceux qui se rendent compte que le métier ne leur plaît pas – le taux d'abandon est en effet prononcé chez les enseignants.

«La découverte d'inégalités entre les élèves est relativement récente – et nous ne faisons aujourd'hui que commencer à répondre à leurs besoins»
Mark

Mais les enseignants sont, eux aussi, hétérogènes. Nos deux interlocuteurs estiment qu'on pourrait les stimuler différemment, par exemple avec des classes de tailles variées, des systèmes particuliers comme celui du mélange des âges ou des rémunérations différenciées.

Si c'était à refaire, Mark ne changerait rien à son parcours. Il regarde l'avenir avec optimisme:

«Ce sera un défi, il faudra des ressources et cela ne fonctionnera pas partout de la même manière, mais de nombreuses écoles y arriveront».

Joëlle, elle, n'a pour l'instant pas la moindre idée d'où tout cela la mènera. Elle dit moins souffrir de la pression qu'avant, mais sûrement parce qu'elle est devenue moins exigeante envers elle-même. Elle affiche donc moins de sérénité que son interlocuteur:

«Tout dépendra des décisions politiques des cinq à dix prochaines années. Le corps enseignant doit enfin être entendu».

*Prénom d'emprunt

(Traduit de l'allemand par Valentine Zenker)

Les enfants sont formidables
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