Elon Musk est clivant, c'est le moins que l'on puisse dire. Depuis qu'il est devenu le bras droit de Donald Trump, le milliardaire divise plus que jamais. Il attise l'hostilité autour de lui, mais aussi contre sa société Tesla, qui produit des voitures électriques.
Alors que les ventes chutent, notamment en Europe, certains de ses centres de vente sont la cible directe de militants anti-Musk. Ces dernières semaines, la devanture d'un centre Tesla à Paris a été saccagée, tout comme un autre à La Haye, aux Pays-Bas. Des voitures de particulier ont en outre été vandalisées. En Suisse, un site militant a récemment appelé à mettre le feu aux concessionnaires Tesla, quitte à devoir «légitimement» s'en prendre à de possibles agents de sécurité présents.
Contactés, ni les militants ni Tesla n'ont répondu à nos questions. Quant à la police cantonale genevoise, où les activistes sont particulièrement actifs, elle se borne à nous dire qu'un «appel à la violence ou à des actes illégaux peut entraîner des poursuites judiciaires». Compte-t-elle envoyer des patrouilles en plus ou a-t-elle engagé une discussion avec Tesla? Nous n'en saurons pas plus, tout comme du côté du Département genevois de la sécurité, qui nous redirige vers les déclarations de la police.
Alors, la menace est-elle suffisamment prise au sérieux? «Les appels à la haine et à la violence ne peuvent rester impunis dans notre Etat de droit. D'autant plus que, dans ce cas, les précédents à l'étranger montrent que la menace est réelle», lâche Pierre Nicollier, président du PLR genevois.
Selon le site français spécialisé dans les véhicules électriques rouleur-électrique, Tesla France aurait investi près de cinq millions d'euros pour protéger ses installations. Parmi elles, le recrutement d'agents de sécurité, la pose de caméras intelligentes et une communication destinée à «apaiser les tensions avec les opposants».
La protection des concessions Tesla sur le terrain est une chose. La présence des appels au crime toujours présents en ligne, avec indications complètes pour confectionner un cocktail molotov, une autre. Sur Facebook, un de nos lecteurs se demande notamment:
«Ce site porte une responsabilité éditoriale dans ce qu'il publie», estime Frédéric Esposito, spécialisé dans l'analyse du terrorisme en Europe à l'Université de Genève. «En cas d'appel à l'action violente contre des propriétés, les responsables pourraient être amenés dans un poste de police pour s'expliquer», analyse-t-il, tout en nuançant:
Et c'est là que le bât blesse. Le Service de renseignement de la Confédération, qui s'occupe de la surveillance des groupes extrémistes en Suisse, indique «ne pas s'exprimer concrètement sur des groupes ou des phénomènes particuliers» non-présents dans son rapport annuel, qui ne cite pas le site concerné. Il explique:
L'Ordonnance sur les domaines internet permet de bloquer un site durant trente jours «s’il est urgent de prévenir la survenance d’un préjudice imminent et difficilement réparable». L'Office fédéral de la police (Fedpol) indique que s'il peut «bloquer des sites web diffusant des contenus illicites», il s'agit habituellement de contenus pédopornographiques et violents, par exemple des vidéos d'exactions commises par des groupes armés.
Mais Fedpol peut aussi, «après consultation du SRC, ordonner la suppression du site Internet concerné», si du «matériel de propagande» est présent. Comprendre: un contenu qui «incite, d’une manière concrète et sérieuse, à faire usage de la violence contre des personnes ou des objets». Le contenu doit être présent sur un ordinateur en Suisse. Ce qui n'est pas le cas du site en question, hébergé à l'étranger.
En cas de passage à l'acte, une enquête pourrait permettre de remonter aux auteurs, si un lien entre un crime réel et son incitation puissent être prouvés.