Ces dix dernières années, l'énergie photovoltaïque s'est considérablement développée en Suisse: les panneaux solaires ont baissé de prix et sont plus efficients. Couplés à d'autres systèmes qui ne consomment pas d'énergie fossile, comme les pompes à chaleur et les voitures électriques, ils représentent une alternative décarbonnée — notamment pour les maisons individuelles.
Pour le vérifier, rendez-vous dans la commune fribourgeoise de Cottens, dans la Sarine. Situé en face de la colline du Gibloux et des Préalpes du canton, le village est à mi-chemin entre Fribourg et Romont. Un paysage verdoyant et lumineux où s'étalent de grands prés et au milieu duquel l'InterCity 1 s'élance à grande vitesse, en pleine course de Lausanne à Fribourg.
En amont de cette vue de carte postale se trouve une maison à la toiture bien particulière: 32 panneaux solaires rectangulaires y sont posés, pour une surface de près de 53m2. Difficile presque de deviner qu'ils sont là, tant le toit se substitue à leur présence. Un soleil brillant de fin de journée d'été se reflète sur eux. Dans la région, ces installations ont fleuri sur les habitations individuelles. Aussi depuis que la pose de panneaux solaires est en partie subventionnée par le canton.
«La maison est orientée de manière quasi-optimale pour prendre la lumière. Elle n'est pas plein sud, mais sud-sud-ouest», explique Alexandre Baudois, qui vit là avec sa femme et ses enfants. Selon le site de la Confédération toitsolaire.ch, qui calcule le potentiel solaire d'un toit, il s'agit d'une configuration «excellente».
L'installation de production d'électricité renouvelable du Fribourgeois est d'autant plus profitable qu'elle est directement reliée au système de chauffage de la maison: une pompe à chaleur. C'est d'ailleurs une des raisons qui l'a poussé vers le photovoltaïque, il y a deux ans. Avant cela, il se chauffait au mazout, dont la chaudière avait été posée lors de la construction de la maison, 25 ans auparavant. En passant à ce système qui ne consomme pas d'énergies fossiles, il a réfléchi à opter pour la pose de panneaux solaires, avant de sauter le pas. Le père de famille explique le fonctionnement du système:
Il s'agit d'un «ballon tampon» de 900 litres, qui alimente ensuite le chauffage au sol. Après cela, l'électricité produite par les panneaux solaires est destinée à la consommation du foyer. Lorsque l'ensoleillement est bon et que les panneaux produisent davantage que les besoins de la maison, l'excédent est réinjecté sur le réseau et racheté par son distributeur — le Groupe E.
L'installation d'Alexandre Baudois ne produit de l'électricité que durant la journée. La nuit, le foyer tire son énergie du réseau. Son degré d'autosuffisance (la proportion d'électricité utilisée par le foyer qui provient directement des panneaux) est de 48%.
L'heure de la journée à laquelle les panneaux solaires fonctionnent de manière optimale dépend aussi de la position du soleil dans le ciel. Dans les premiers temps après l'installation des panneaux, Alexandre Baudois scrutait le moment optimal pour lancer les appareils électroménagers et ne pas dépendre de l'électricité du réseau. «Si le lave-vaisselle était plein à 8h le matin, j'attendais 10h30 pour le lancer. Je disais que je faisais une vaisselle solaire», explique-t-il, taquin. Puis, les habitudes ont repris le dessus.
Il existe aussi des jours où les panneaux solaires ne produisent rien. Mais ils sont plutôt rares: «Treize jours seulement en 2022», explique le Sarinois. La plupart du temps lorsque le toit est recouvert d'un grand manteau blanc:
Ce n'est qu'en novembre, décembre et janvier, lorsque l'ensoleillement est au plus bas, que la famille paie — en théorie — sa facture sur le réseau. Un déficit largement compensé par l'électricité produite durant les autres mois de l'année.
C'est ici que les choses deviennent intéressantes financièrement. Car avec son installation, Alexandre Baudois produit à l'année plus d'électricité qu'il n'en consomme. Et même beaucoup plus: près de 80% de l'énergie produite par ses panneaux est réinjectée sur le réseau.
La facture étant annualisée, le Fribourgeois gagne même de l'argent chaque année! Pour autant, son bénéfice n'est pas massif: quelques centaines de francs, tout au plus.
Comment l'expliquer? Le surplus est racheté moins cher que l'électricité achetée. Le Groupe E indique reprendre l'électricité à 14,5 centimes, alors qu'il la vend entre 24 et 29 centimes le jour et entre 14 et 18 centimes la nuit. L'entreprise explique la différence de prix par les coûts de transport de l'électricité sur l'infrastructure et autres taxes et émoluments.
Selon les chiffres de l'association des producteurs d'énergie indépendants Vese, le prix de 14,5 centimes est légèrement en dessous de la moyenne nationale (voir la carte interactive pour la Suisse).
Alors, disposer d'une pompe à chaleur et de panneaux solaires, est-ce économiquement une bonne affaire? Les coûts et les retours sur investissement doivent être croisés. Auparavant, le Fribourgeois payait environ 1800 francs pour se chauffer au mazout et 1400 francs pour l'électricité, par année.
Tout cela, c'est de l'histoire ancienne. Mais si le budget chauffage et électricité «en négatif» lui permet désormais de se dégager une courte marge, les investissements nécessaires sont conséquents: près de 45 000 francs pour la pompe à chaleur, et 25 000 francs pour les panneaux solaires — une somme qui ne comprend pas les subventions cantonales pour le tout, d'environ 10 000 francs.
👆 Malgré une grande quantité de pompes à chaleurs et de nombreux panneaux solaires, le canton de Fribourg n'est pourtant pas un des endroits en Suisse où cette méthode est la plus rentable.
Un bon deal, toutefois, pour le Fribourgeois, qui a fait ses calculs et estime que le tout sera rentabilisé en vingt ans. Car ce ne sont pas tant les quelques centaines de francs annuels de bénéfice qui importent dans le calcul, mais le fait de ne pas avoir à payer plusieurs milliers de francs de facture chaque année.
Dans un monde de plus en plus numérisé, ce système ne pouvait pas débarquer sans son application. Celle qu'a installée Alexandre Baudois, sur son ordinateur et son téléphone, lui permet d'observer en temps et en heure ce que son foyer consomme.
Quantité d'électricité produite, ensoleillement moyen, efficacité des panneaux... tout est concentré dans moult graphiques, chiffres et autres indications précises. Le Fribourgeois a d'ailleurs récupéré les données pour faire ses propres calculs. Mais la maîtrise des coûts, cela passe aussi par le contrôle manuel du chauffage. «Les réglages de base ont été effectués par un employé. Mais ils ne nous allaient pas, il faisait trop chaud», explique-t-il. En tâtonnant dans les différents paramètres, il a fini par trouver la configuration qui convenait vraiment à la famille. «J'ai mis un moment à maîtriser la courbe de chauffe.»
L'hiver dernier, il a d'ailleurs répondu à l'appel de Guy Parmelin en faisant baisser le chauffage de 20,5°C à 19,5°C. Un petit degré de moins qui n'a dérangé personne. En appoint, la famille faisait un feu, à l'occasion, une habitude hivernale et qui met de bonne humeur.
Le futur va-t-il être de plus en plus vert? Le Fribourgeois n'est pas dupe: «Ces panneaux ont une durée de vie de quelques dizaines d'années et il faudra bien les recycler. Comme c'est le cas avec les éoliennes. Cela pose d'autres questions». Avec son installation, il aurait aussi la possibilité d'acheter une voiture électrique. Mais sa philosophie reste très pragmatique:
Une preuve qu'il faut aussi parfois être patient, quand il s'agit de gestes écologiques cohérents et pragmatiques. D'autant que l'homme se pose des questions sur les conditions dans lesquelles les métaux de ces batteries sont extraits, et le fait qu'elles vont faire augmenter la demande en électricité, déjà élevée. Quid de l'éolien? Il sourit et dit garder sa préférence pour le solaire: