Bianca Knecht est profileuse. La plupart des gens associent ce terme à l'élucidation des crimes. Pour rappel, ces spécialistes formés à la psychologie analysent la personnalité des criminels, comme le profiler vedette viennois Thomas Müller.
Bianca Knecht, quadragénaire originaire de Mellikon dans le canton d'Argovie, associe d'autres intentions à sa spécialisation: elle veut optimiser la recherche de personnel des entreprises. Elle explique:
Bianca Knecht travaille depuis longtemps dans le domaine des ressources humaines (RH). Elle voit partout «des opportunités, des potentiels, du positif». Après un apprentissage en employé de commerce, elle a suivi une formation de spécialiste RH et a travaillé en tant que responsable RH, notamment pour l'entreprise internationale Axon Lab à Baden. Depuis une dizaine d'années, elle travaille à son compte.
Elle raconte qu'au cours de sa carrière, elle a souvent entendu dire qu'elle avait choisi les bonnes personnes. «Je voulais développer cette capacité et avoir la confirmation sur papier que je pouvais le faire», déclare-t-elle. L'année dernière, elle a donc terminé la formation de profileuse à Vienne, en Autriche. En Suisse, en effet, il n'existe pas de formation comparable. «La seule formation continue envisagée dans ce domaine n'a pas eu lieu à cause du Covid-19, puis n'a pas été reprise».
C'est pourquoi cette mère de deux enfants s'est envolée une fois par mois pour la capitale autrichienne afin d'aiguiser ses sens. 22 jours de cours en un an, un travail intitulé «Profiling in the personnel recruitment», puis un diplôme. Pendant la formation, elle a par exemple appris à élargir l'angle sous lequel elle perçoit quelque chose en faisant travailler les muscles de ses yeux. Et d'expliquer:
L'experte observe les mimiques, les gestes, le langage corporel. Lors de sa formation, elle a notamment analysé la prestation de Meghan Markle dans le talk-show de l'Américaine Oprah Winfrey. Sa conclusion?
Bianca Knecht a appris à percevoir de petits tics faciaux qui indiquent dans quelle émotion se trouve l'interlocuteur. Elle distingue sept émotions: joie, tristesse, colère, peur, dégoût, surprise et mépris. Lorsque Christa Rigozzi a récemment raconté une expérience marquante sur les réseaux sociaux, sans préciser ce qui s'était passé, la profileuse n'a vu que de la colère sur son visage, pas de tristesse. On a appris plus tard que la présentatrice avait été cambriolée.
Revenons maintenant au monde professionnel. Nombreux sont ceux qui disent qu'en entreprise, il est bon de ne pas laisser voir ses sentiments. «C'est devenu encore pire avec les réseaux sociaux, dit Bianca Knech. Beaucoup y affichent un sourire, mais si on regarde ce qui se cache derrière, on voit de la tristesse et de l'insécurité.»
L'experte plaide également pour plus d'authenticité dans les relations. Au cours de ses dix années d'expérience en tant qu'experte indépendante en ressources humaines, elle a constaté à maintes reprises que les cadres trouvent des solutions entre eux lorsqu'ils sont honnêtes. Elle explique:
Bianca Knech raconte qu'une fois, elle s'est assise à une table avec trois hommes qui étaient totalement en désaccord. Elle leur a dit quels étaient les besoins non exprimés qu'elle percevait. Soudain, ils se sont mis à parler normalement. «A la fin, ils se sont pris dans les bras», se souvient-elle. Un résultat positif obtenu, car elle avait poussé ces hommes à exprimer honnêtement leurs préoccupations et leurs doutes.
Mais n'y a-t-il pas le risque, en tant que profileuse, d'être perçue comme une menace et que les gens fassent d'autant plus semblant? «Je suis une personne ouverte, qui va toujours vers l'autre avec gentillesse et une attitude positive», assure-t-elle. Elle est convaincue que les gens s'ouvrent également si on les aborde avec cette attitude.
Dernièrement, elle a eu une discussion avec un ami qui n'était plus heureux dans son travail. Elle lui a donc conseillé de consulter un site d'emploi. «Je voyais du dégoût dans les petits tics du visage. Il n'était pas encore prêt à faire ce pas et nous avons discuté des raisons de ce choix.»
Est-ce qu'elle trépasse certaines limites avec ses amis à cause de ses observations? «Non», répond la profileuse. Et d'ajouter:
L'autre jour, cependant, elle a regardé le visage d'une actrice en pleurs au théâtre et s'est dit: «Il manque quelque chose!» Elle a vu dans le regard de cette femme qu'elle n'était pas dans l'émotion du deuil. «J'ai dû me rappeler que c'était du temps libre», dit-elle en riant.
Bianca Knech est souvent sollicitée en tant que personne RH externe pour le recrutement de cadres. La plupart des clients informeraient les candidats de son rôle et la présenteraient comme profileuse. Cela conduit parfois à une situation tendue. Elle se réjouit néanmoins de son travail, qui consiste à faire en sorte que la situation se détende et que l'on puisse mener un entretien normal.
Les entreprises font payer le conseil des profileurs, comme pour d'autres mandats de consulting. Et ce, bien que le titre professionnel ne soit pas protégé en Suisse et qu'il n'existe pas d'association garantissant un standard.
Le service de Bianca Knech s'inscrit dans une tendance générale des procédures de recrutement. Des tests d'évaluation, en ligne ou dans des centres, existent déjà pour déterminer les traits de personnalité des candidats. Ce que les critiques qualifient de «pseudo-objectivation» et de «pure réassurance» est en plein essor depuis des années.
S'est-elle déjà trompée? «Jamais», répond-elle. Serait-elle donc un détecteur de mensonges humain?
Traduit et adapté par Noëline Flippe