L'un des critiques occidentaux les plus connus du Kremlin durcit le ton à l'égard de la Suisse. L'homme d'affaires et activiste Bill Browder a exigé mardi, lors de l'audition d'une commission à Washington, que le gouvernement américain sanctionne cinq employés du gouvernement suisse. Et pas des moindres.
Parmi eux, le procureur général de la Confédération, Stefan Blättler, et son prédécesseur Michael Lauber. Bill Browder a justifié sa demande radicale en déclarant que:
L'homme d'affaires a exprimé ces vives critiques lors d'une audition de Commission d'Helsinki, un organe chargé de surveiller le respect des principes de l'Etat de droit en Europe. Bill Browder tente depuis des années d'empêcher la Suisse de débloquer des fonds russes gelés. Mais jusqu'à présent, ses demandes ont été rejetées par la justice suisse.
Depuis le début de la guerre en Ukraine, Browder accuse les hauts fonctionnaires suisses d'être d'importants auxiliaires du pouvoir russe. Pour lui, le comportement «révoltant» des autorités suisses ne s'explique pas autrement.
Il estime que Berne a renoncé à prendre des sanctions contre les principaux protagonistes de l'affaire Sergueï Magnitski — du nom de cet avocat russe assassiné en 2009 dans des circonstances accablantes pour Moscou — bien que les noms des auteurs se trouvent sur les listes de sanctions des Etats-Unis ou du Royaume-Uni.
Les demandes de Browder ont été entendues à Washington. Trois républicains et un démocrate ont participé à l'audition. Le sénateur Ben Cardin a qualifié la Suisse d'amie des Etats-Unis. Il a toutefois également porté un regard critique sur le passé. Il a jugé profondément «inacceptable» que la Suisse aide le régime russe à contourner les sanctions occidentales. Il a ainsi estimé qu'il était légitime de viser aussi ceux qu'il estime être des auxiliaires des oligarques.
Le député républicain Joe Wilson, qui préside actuellement la Commission d'Helsinki, a quant à lui qualifié la Suisse de «maillon faible» des démocraties occidentales. «Il est triste et déchirant» qu'un pays comme la Suisse n'applique pas les sanctions contre le régime russe, a-t-il déclaré.
Bill Browder on Switzerland enabling Russia's invasion of Ukraine: "The Swiss government wants to be seen to be doing something, but when it comes to reality, the Swiss government doesn't want to anything because there's such a lot of money to be made off of dirty Russia money." pic.twitter.com/OJdIqONAFS
— CSPAN (@cspan) July 18, 2023
Contactés, les deux députés ont toutefois quelque peu tempéré leurs propos. Joe Wilson explique ainsi ne s'être au final pas rallié à la demande de Bill Browder de placer cinq officiels suisses sur la liste des sanctions américaines. Le républicain a réassuré sa confiance aux autorités suisses, «pour résoudre ce problème de leur propre chef».
Ben Cardin a, quant à lui, indiqué qu'il ne pouvait pas juger si le nom du procureur général de la Confédération devait figurer sur la liste des sanctions liées à l'affaire Magnitski.
A Washington, c'est le pouvoir exécutif qui décide des sanctions contre des individus ou des entreprises, le secrétariat d'Etat (équivalent du ministère des Affaires étrangères) et le ministère des Finances travaillant ensemble. Le Congrès peut certes faire pression sur le gouvernement du président Joe Biden, mais le Sénat et la Chambre des représentants laissent ce travail aux ministères.
La Commission d'Helsinki voulait inviter l'ambassadeur américain en Suisse, Scott Miller, pour être entendu. Dans une interview accordée à la NZZ au printemps, celui-ci avait émis des critiques peu diplomatiques sur la politique suisse de sanctions envers la Russie. Sa venue a toutefois été annulée, car il existe une règle interne selon laquelle il est interdit aux ambassadeurs de donner des informations sur le pays dans lequel ils représentent les Etats-Unis devant le Congrès.
Bill Browder a affirmé mardi qu'il n'exigeait pas que Washington rompe ses relations diplomatiques avec la Suisse. «Ce serait de la folie», a-t-il lancé, en réponse à une question du sénateur républicain Roger Wicker.
L'investisseur a fait remarquer que ses exigences se reflétaient dans la population américaine et que la pression sur la Suisse était en train d'augmenter. Des déclarations qui n'ont pourtant pas valeur de preuves. De plus, l'audition n'a suscité qu'un faible intérêt. La grande salle de réunion située dans un bâtiment annexe du Capitole était à moitié vide. Interrogé mardi, le porte-parole de l'ambassade de Suisse à Washington a déclaré:
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)