«Nous devons sérieusement nous demander si nous avons encore besoin de nos propres forces aériennes». Alors que la polémique autour de l'acquisition du F-35 ne désenfle pas, les propos de Mauro Mantovani dans un entretien pour les journaux de Tamedia ne manqueront pas de faire réagir. Expert et historien passé par l'Académie militaire de l’EPFZ, il propose une solution pour le moins drastique afin de mettre fin au scandale: déléguer la protection de l'espace aérien suisse.
Depuis l'annonce de leur acquisition en 2022, la sphère politique se déchire en effet sur l'achat des avions de combats américains. Dernier épisode en date, des surcoûts estimés entre 650 millions et 1,3 milliard de francs, alors que la Confédération assurait pourtant avoir négocié un prix fixe avec les Etats-Unis.
Si le ministre de la Défense Martin Pfister a depuis maintenu que cet achat restait malgré tout «incontournable», Mauro Mantovani semble penser tout l'inverse. Il estime tout d'abord que l'avion est peu adapté au «service de police aérienne», la mission principale qui attend le F-35.
Auprès des journaux de Tamedia, l'historien ajoute que seule «une défense aérienne sol-air (DSA) efficace» serait à même de protéger la Suisse dans le cadre d'une attaque de missiles balistiques ou de missiles de croisière.
Dans l'interview, Mauro Mantovani estime que l'idée que la Suisse puisse se défendre seule en cas de guerre est une «illusion». Il prend pour exemple la Suède et la Finlande qui ont accepté cette réalité en décidant de rejoindre l'Otan pour assurer leur sécurité.
L'expert propose dès lors que la Suisse fasse une croix sur ses forces aériennes et confie la protection de son espace aérien à un allié.
Et pour assurer cette mission, Mauro Mantovani a déjà un candidat tout trouvé: la France, avec qui la Suisse a un accord de police aérienne depuis 2004. Dans l'entretien aux journaux de Tamedia, il dit être convaincu que «la réaction française serait positive».
Si cette solution peut étonner, l'expert y voit «la seule issue» au dilemme helvétique, alors que la menace, notamment liée à la guerre en Ukraine, devient «réelle». Selon lui, le fiasco du F-35 donne à la Suisse «l’occasion de changer de cap» en matière de défense aérienne.
Mauro Mantovani voit également dans un rapprochement avec la France l'opportunité de renforcer la position helvétique face aux États-Unis et de libérer du budget pour un renouvellement de la défense aérienne sol-air (DSA), largement prioritaire selon lui.
Dans ce scénario, l'aviation française pourrait prendre le relais dès 2032, date de fin de vie des FA/18, en déployant un «bouclier protecteur temporaire» dans le ciel suisse. En retour, la Suisse pourrait «soutenir la France dans la défense intégrée de l’espace aérien, notamment par des moyens financiers», suggère l'expert. Des pilotes suisses pourraient aussi être formés sur le Rafale français.
(jzs)