Ce secteur du rail est «au bord du gouffre» et ça menace les routes
Le 12 décembre marquera un tournant: à Freiburg, en Allemagne, et à Novara, en Italie, on chargera pour la dernière fois des camions entiers sur un train de marchandises bien particulier. Le convoi traversera la Suisse de nuit. Puis la «Rola» (réd: «autoroute roulante» de l'allemand Rollende Autobahn) entrera dans l'histoire.
L'avenir de ce modèle de train de marchandises semble en effet compromis. A l'origine, son exploitation devait se poursuivre jusqu'en 2028. Le Parlement lui avait même accordé des subventions.
De multiples problèmes réguliers
L'exploitant Ralpin, basé à Olten (SO), a justifié l'arrêt prématuré de ce service en arguant qu'il n'était plus rentable, malgré les aides de la Confédération et malgré une demande bien présente et un taux d'utilisation satisfaisant de 80%. Mais les nombreuses restrictions sur le réseau, en particulier en Allemagne, ont eu raison du projet.
Les chantiers, les déviations et les interruptions de lignes compromettaient la qualité de l'offre. En conséquence, l'horaire et donc les délais de livraison ne pouvaient être respectés. Selon Ralpin, les retards de plusieurs heures étaient également inacceptables pour les camionneurs embarqués sur les trains.
La part des poids lourds déplacés par ce biais restait plutôt faible dans le trafic marchandises transalpin, mais de nombreux transporteurs vont désormais emprunter un axe déjà très fréquenté. Selon le dernier rapport sur le transfert modal, le nombre de trajets de camions à travers les Alpes via la Suisse a déjà atteint 960 000 unités en 2024, frôlant ainsi le million.
Une lettre ouverte d'un secteur en crise
Depuis quelques années, la tendance repart à la hausse sur la route. Pour mémoire, la loi sur le transfert du trafic fixe un maximum de 650 000 trajets de camions à travers les Alpes. Cet objectif aurait dû être atteint deux ans après l’ouverture du tunnel de base du Gothard en 2016.
Le département des Transports d'Albert Rösti et l'Office fédéral du même nom misent sur une conversion rapide des transports routiers actuels vers le transport combiné non accompagné (TCNA). Or, elle ne sera pas possible.
Dans le TCNA, les conteneurs ou les semi-remorques sont acheminés par camion à un terminal et récupérés à un autre terminal. C'est ainsi que cheminent de nombreuses marchandises depuis les ports de la mer du Nord (Rotterdam, Anvers) via la Suisse jusqu'en Italie (Busto-Arsizio près de Milan ou Gênes) et dans le sens inverse.
Mais le concept souffre des mêmes problèmes que la Rola. Récemment, le secteur a tiré la sonnette d'alarme. De nombreuses associations européennes et des entreprises ont adressé une lettre ouverte au ministre allemand des Transports, Patrick Schnieder, et à la nouvelle directrice de la Deutsche Bahn, Evelyn Palla.
Elles y dénoncent les performances médiocres du transport de marchandises et l'explosion des coûts. Pour beaucoup, «la survie économique» est en jeu, et avec elle l'avenir du transport combiné respectueux de l'environnement.
La missive porte aussi la signature de Michail Stahlhut, directeur de Hupac, et de Dirk Stahl, directeur de BLS Cargo et président de l'Association européenne du fret ferroviaire (ERFA). Selon lui:
Encore de fortes perturbations prévues
A la tête du conseil d'administration de la société Kombiverkehr, basée à Francfort, et également directeur de la société de transport Hoyer, Ulrich Maixner s'est récemment exprimé sans détours lors d'une conférence organisée par la Deutsche Verkehrs-Zeitung:
Les contraintes qui pèsent sur les acteurs (rénovations jusqu'en 2036 et de nombreux autres chantiers) sont énormes. Entre 2026 et 2028, des fermetures partielles, voire totales, de plusieurs semaines sont prévues sur la ligne de la vallée du Rhin (Bâle-Karlsruhe), principal accès nord à la NLFA (réd: Nouvelle ligne ferroviaire à travers les Alpes).
Les autorités indiquent des contacts avec l'opérateur allemand DB Infrago et garantissent une amélioration considérable à partir de 2029. La Deutsche Bahn a quant à elle annoncé des mesures pour limiter les effets de la rénovation générale du réseau sur le secteur des marchandises.
Mais a-t-elle réagi à temps? Comme l'explique Irmtraut Tonndorf, porte-parole de Hupac, qui coordonne également la campagne européenne «Sauver le transport combiné»:
Des idées pour améliorer la situation
Les entreprises ferroviaires demandent notamment un gel des prix des sillons pour 2026, une garantie de capacité d'au moins 90% des prestations de transport actuelles pour toutes les rénovations de corridors et les chantiers de longue durée, ainsi que la mise en place d'itinéraires de déviation adaptés.
En Suisse, certains politiciens veulent rendre le rail plus attractif en pénalisant le transport routier. Ils proposent, par exemple, d'augmenter et réformer le système de redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations (RPLP).
Au vu des derniers développements, le conseiller national Bruno Storni, membre de la Commission des transports, souhaite retenter sa chance. Et ce, après l'échec des initiatives précédentes.
(Traduit de l'allemand par Valentine Zenker)
