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Le cancer chez les jeunes Suisses augmente: causes probables

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Les diagnostics de cancer chez les jeunes ne sont plus un phénomène isolé. (image d’illustration)Image: imago

«Toujours plus de cancers chez les jeunes»: la Suisse face à une énigme

Les dernières données de l'Office fédéral de la statistique montrent que les millennials développent nettement plus souvent un cancer que les personnes du même âge il y a trente ans. Les chercheurs peinent à expliquer ce phénomène.
07.12.2025, 06:5707.12.2025, 06:57
Stephanie Schnydrig / ch media

C'est l'une des grandes énigmes non résolues de la médecine: pourquoi de plus en plus de jeunes développent-ils un cancer? Ce qui avait été observé pour la première fois aux Etats-Unis dans les années 1980 se manifeste aujourd'hui dans le monde entier et, selon la nouvelle statistique nationale du cancer, également en Suisse. Depuis les années 1990, le nombre de cancers chez les jeunes adultes y augmente de manière continue.

Les plus touchés sont les millennials, c'est-à-dire les personnes âgées de 25 à 39 ans. Leur taux de cancer a augmenté d'un peu plus de 14% depuis le milieu des années 1990.

Le phénomène apparaît encore plus nettement lorsqu’on examine certains diagnostics: le cancer du sein, de loin le plus fréquent chez les femmes, a augmenté d'environ 60% dans cette tranche d'âge. La hausse est encore plus marquée pour le cancer du côlon (+137%) et celui de la thyroïde (+94%).

Chez les hommes, le cancer du testicule demeure le diagnostic le plus fréquent, avec une hausse de 14%. Mais l'augmentation est bien plus marquée pour le cancer du côlon (+142%) et celui de la thyroïde (+101%).

Sacha Rothschild, médecin-chef en oncologie à l'Hôpital cantonal de Baden et vice-président du Swiss Cancer Institute, le constate aussi:

«Alors qu'il y a dix ou vingt ans, les jeunes adultes atteints de cancer étaient encore considérés comme des cas tout à fait exceptionnels, nous les voyons malheureusement toujours plus aujourd'hui.»

Une partie de cette augmentation est certainement liée à l'amélioration du diagnostic, admet-il:

«Grâce à des techniques d'imagerie comme les scanners, des découvertes fortuites sont souvent faites aujourd'hui. La plupart sont bénignes et ne se développeraient jamais en tumeur maligne, mais dès qu'on voit quelque chose, on agit. Et c'est une bonne chose.»

Grâce à la détection précoce et à l'amélioration des traitements, avec de nouveaux médicaments et des thérapies optimisées par la recherche clinique sur le cancer, moins de jeunes meurent du cancer malgré l'augmentation du nombre de diagnostics. Aujourd'hui, en Suisse, on recense environ 7,5 décès pour 100 000 personnes âgées de 25 à 39 ans, soit environ 136 personnes par an. Au milieu des années 1990, ce chiffre était encore de 13,2 pour 100 000, soit environ 227 décès.

Bien que la baisse soit notable, elle serait probablement beaucoup plus marquée si le nombre de nouveaux cas n'augmentait pas en même temps, une hausse qui ne s'explique pas par des diagnostics antérieurs manqués, mais qui est réelle.

Un enchevêtrement de causes pour le cancer

Une équipe de recherche dirigée par le généticien Alberto Bardelli de l'Université de Turin s'est lancée sur la piste des causes. Dans la revue spécialisée Cell Reports Medicine, elle décrit ce qui a pu changer au cours des dernières décennies et quelles évolutions pourraient expliquer cette vague de cancers précoces.

«Occidentalisation» de l'alimentation

Les fast-foods, plats préparés et produits fortement transformés contiennent de nombreuses substances potentiellement cancérigènes — comme les nitrosamines, les hydrocarbures aromatiques polycycliques ou le composé chimique PhIP, qui se forme lors de la digestion de viandes fortement chauffées ou grillées. Parallèlement, l'alimentation occidentale manque de vitamines et d'autres micronutriments protecteurs, tels que les antioxydants, qui soutiennent la réparation de l'ADN. Les boissons sucrées favorisent les inflammations, qui peuvent stimuler le développement de tumeurs. Colorants, conservateurs et autres additifs sont également suspectés d'endommager le patrimoine génétique.

Manque de sport

Les jeunes générations passent beaucoup de temps assises: au bureau, devant les écrans, pendant leurs loisirs. Le manque d'activité favorise le surpoids et les inflammations chroniques, des facteurs de risque classiques pour le cancer. Une méta-analyse portant sur quatre millions de participants a montré que déjà deux heures supplémentaires passées assis chaque jour augmentent le risque de cancer du côlon de 8% et celui de cancer de l'utérus de 10%.

Les pesticides

De nombreuses substances actives autorisées n'ont pas été suffisamment testées sur le long terme. Les résidus présents dans les fruits, légumes ou céréales pourraient provoquer un stress oxydatif et des dommages à l'ADN. Les enfants et les femmes enceintes, ainsi que leurs fœtus, sont particulièrement sensibles, car leur système immunitaire et leurs mécanismes de détoxification sont encore en développement.

Les hormones

Par le biais de la viande, des produits laitiers ou des médicaments, des substances aux effets hormonaux pénètrent dans l'organisme. Elles peuvent perturber le système endocrinien et stimuler la croissance tumorale. Sont particulièrement suspectés les œstrogènes et certaines substances chimiques, comme le bisphénol A, présent dans les plastiques.

Les antibiotiques

Une utilisation fréquente modifie le microbiome, la communauté bactérienne de l'intestin, qui joue un rôle clé dans la défense immunitaire. Un déséquilibre de la flore intestinale peut favoriser les inflammations et affaiblir la protection contre le cancer. L'usage pendant l'enfance est particulièrement problématique, notamment en cas d'infections intestinales.

Colibactine

La molécule toxique colibactine est produite par certaines bactéries Escherichia coli dans l'intestin et est de plus en plus suspectée de contribuer au développement précoce du cancer du côlon. Environ un cinquième à un tiers des personnes héberge ces souches bactériennes, le plus souvent sans tomber malades.

Les chercheurs supposent que l'alimentation, les médicaments ou d'autres facteurs environnementaux stimulent la production de cette toxine, favorisant ainsi des mutations génétiques. Fait notable: les motifs de mutation typiques de la colibactine sont beaucoup plus fréquents dans les pays industrialisés que dans les zones rurales d'Afrique ou d'Asie.

Micro- et nanoplastique

De minuscules particules de plastique pénètrent dans l'organisme par l'eau, l'alimentation et l'air. Elles s'accumulent dans les tissus, peuvent provoquer des inflammations et servir de vecteurs à d'autres substances nocives. De nombreux plastiques contiennent des additifs aux effets hormonaux, susceptibles d'influencer le développement du cancer, mais l'on connaît encore peu les conséquences biologiques exactes.

Influences précoces pendant l'enfance

Les conditions de vie durant la petite enfance peuvent également jouer un rôle. Dans les années 1990, les naissances par césarienne ainsi que l'ablation de l’appendice et des amygdales ont augmenté. Ces interventions modifient le microbiome et pourraient influencer le développement du système immunitaire, avec éventuellement des conséquences à long terme.

Stress psychologique et dépression

La santé mentale attire également de plus en plus l'attention de la recherche sur le cancer. Des études montrent que la dépression, le stress chronique, le burn-out et les troubles du sommeil ont fortement augmenté chez les millennials et la génération Z. Ces facteurs pourraient affaiblir la défense immunitaire contre les cellules cancéreuses. Le stress prolongé modifie en outre l'équilibre hormonal et les processus inflammatoires, ce qui peut accroître le risque de cancer.

Les chercheurs dirigés par le généticien Alberto Bardelli soulignent que tous ces facteurs n'agissent pas isolément, mais font partie d'un réseau dense d'interactions. Alimentation, environnement, médicaments, interventions précoces, tout s'entrelace et de nombreux effets se renforcent mutuellement. Il est donc presque impossible d'identifier un «coupable principal».

L'oncologue Sacha Rothschild appelle également à la prudence:

«Beaucoup des causes supposées ne sont pas encore suffisamment étayées scientifiquement. Nous ignorons souvent s'il s’agit de véritables relations de cause à effet ou simplement de corrélations.»

Pour y voir plus clair, il faudrait mener des études démographiques à grande échelle et à long terme. Elle continue:

«Ce qui est clair, en revanche, c'est que nous pouvons agir sur nos habitudes de vie, comme l'alimentation, l'activité physique, les comportements de consommation et la prévention. Il est judicieux et durable, au niveau sociétal, de maintenir des standards élevés dans ces domaines.»

C'est pour cette raison que l'évolution du tabagisme l'inquiète particulièrement: «Pendant longtemps, le nombre de fumeurs a diminué, mais chez les plus jeunes, il augmente de nouveau légèrement à cause du vapotage. Il est urgent d'agir contre cette tendance.»

Traduit et adapté par Noëline Flippe

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