Encore elle, toujours elle. Le 13 avril, la gauche, soit le PS et les Verts, a obtenu quatre des cinq sièges à l’exécutif de la ville de Genève. On entend dire que c’est grâce ou à cause de la stratégie éclatée, dans tous les sens du terme, de la droite et du centre. Sans doute, mais pas que.
A la différence des cantons et de presque tout le reste, les grandes villes suisses et des agglomérations moyennes comme Yverdon et Bienne échappent à la droite. Le top 5 des métropoles – Zurich, Genève, Bâle, Berne et Lausanne – paraît solidement arrimé à gauche. Vrai qu’«à la ville», on n’est pas surveillé comme «au village». C’est ce qu’on disait au temps de la libération sexuelle, il y a 50 ans.
L’ancrage de ces bastions citadins dans le camp progressiste tient probablement moins aujourd’hui aux mœurs, passées d’émancipatrices à suspectes, qu’à des considérations «socio-démographiques relativement favorables à la gauche», note Pascal Sciarini, professeur de science politique à l’Université de Genève.
Les grandes villes sont le lieu d’une «nouvelle classe moyenne formant un important réservoir de voix pour la gauche», constate le politologue. Ses principales préoccupations sont «l’éducation, la santé, le social, la culture, la mobilité, le climat». En somme, tout ce qui fait un programme de gauche destiné à des urbains. Cette année, observe Pascal Sciarini, la gauche n'a pas fait campagne sur des thèmes sociétaux comme le genre. La droite non plus dans une vision inversée.
La sécurité, l'un des arguments de la droite, ne permet pas à cette dernière de s'imposer dans les grandes villes.
La voix des partis populistes de droite porte plus dans les «quartiers suburbains que dans les centres urbains», relève encore Pascal Sciarini.
Le politologue prend l’exemple de la commune genevoise de Plan-les-Ouates, passée en quelques années de 3500 à plus de 10 000 habitants. Ce saut démographique a nourri des «préoccupations d’ordre sécuritaire».
La voiture ne sera pas non plus une roue de secours pour la droite. «On peut se passer d’un véhicule motorisé dans les grandes villes», juge Pascal Sciarini. Un argument de moins pour la droite, un de plus pour la gauche. Sans doute ne convaincra-t-il pas l'ensemble des familles nombreuses pour qui la voiture reste un moyen de transport appréciable comparé à la cherté du train, par exemple.
Autrefois prolétaire, la gauche, dominante dans les grandes villes, a pris un visage «académique», relevait Le Temps en 2024. Les ouvriers sont devenus des fonctionnaires, pour schématiser. Aux yeux de l’UDC, qui joue du clivage villes-campagnes, la gauche s’est «boboïsée», un synonyme de «déconnectée».
D’où cette motion signée par 23 députés UDC, PLR et Vert'libéraux du Grand Conseil vaudois demandant une rotation du titre de capitale tous les dix ans entre les chefs-lieux des dix districts du canton. Au détriment de Lausanne, qui chuterait de son piédestal et devrait attendre son tour, tous les 90 ans, comme les autres.
Cette motion rédigée par l’UDC Fabrice Moscheni est certes une curiosité dans le paysage politique vaudois, mais Pascal Sciarini lui accorde un certain crédit.