C'était attendu, c'est désormais confirmé: le Conseil national a voté en faveur de la primauté des conventions collectives de travail (CCT) sur les lois cantonales. En bref: si des salaires minimaux fixés dans ces accords de branche sont inférieurs à ceux décidés par les cantons qui appliquent le salaire minimum (Genève, Neuchâtel, Jura), c'est la somme la plus basse qui sera appliquée.
Le projet doit encore passer devant le Conseil des Etats, où il est quasi sûr de passer la rampe, étant «tenu» par le Centre et le PLR, qui ont tous deux voté en sa faveur au National. Le Conseil fédéral et les cantons étaient contre.
Sans surprise, les syndicats sont indignés. L'Union syndicale suisse (USS) dénonce une «attaque frontale» contre les bas revenus et la démocratie directe. «La Constitution et le fédéralisme sont bafoués», peut-on lire.
Il estime, à titre d'exemple, qu'à Genève, «une coiffeuse qualifiée et possédant de l’expérience professionnelle perdrait jusqu’à 250 francs par mois». L'USS ajoute par ailleurs que, à l'approche des «scrutins imminents sur l'Europe» et la question sensible de la protection des salaires, que le Parlement joue avec le feu.
La méthode est elle aussi décriée. Le syndicat Unia note ainsi que «les employeurs étaient toujours opposés à des salaires minimums plus élevés lors des négociations de CCT en arguant que cela pouvait être réglé au niveau cantonal. Ce sont maintenant les mêmes qui attaquent les salaires minimums cantonaux.» Et de conclure:
Du côté des patrons, le son de cloche est tout autre. La section genevoise de la Fédération des entreprises romandes (FER), par exemple, salue une «décision valorisant le partenariat social, qui est un élément clé du modèle économique et social suisse».
L'Union suisse des arts et métiers (Usam) assure de son côté que «la primauté des salaires fixés par les CCT renforce la formation professionnelle et empêche le dumping salarial pratiqué avec les travailleurs détachés».
«Une votation populaire aura sans doute lieu», note toutefois la FER Genève, qui précise: «Cela permettra à la population, notamment dans les cantons qui ont adopté un salaire minimum sans soumettre la proposition au vote, de se prononcer sur le modèle qu’elle privilégie: l’autorégulation par les acteurs du terrain ou un contrôle uniforme et étatique des salaires.»