Le projet pilote mené par le canton de Genève et l'Office fédéral de l'environnement l'a démontré: les radars anti-bruit sont techniquement au point. Pourtant, il y a un mois, le Conseil fédéral a décidé de repousser aux calendes grecques la création des bases légales pour ces engins. La faisabilité doit être analysée plus en profondeur, a-t-il argumenté. La Confédération va d'abord évaluer un radar anti-bruit en Suisse alémanique. Le test aura eu lieu l'été prochain à Röschenz (BL).
Pour l'instant, les automobilistes bruyants ne peuvent être amendés que si la police les prend en flagrant délit. Le Conseil fédéral a néanmoins légèrement augmenté le montant des amendes.
De petits pas donc, pas de révolution. Cela choque le canton qui a œuvré pour introduire les radars anti-bruit en Suisse: Genève. En premier lieu, le conseiller d'Etat en charge du projet depuis plusieurs années, Antonio Hodgers (Verts). Interview.
Comment réagissez-vous à la décision du Conseil fédéral?
Antonio Hodgers: Je suis très déçu. La technologie a montré sa fiabilité à Genève, et la Confédération le reconnaît également. Les tests montrent que seule une petite minorité d'usagers de la route provoque un bruit excessif, mais gêne par contre une grande partie de la population. Vu ces résultats, il est incompréhensible que le Conseil fédéral bloque le nouveau radar.
Cette décision vous a-t-elle surpris?
Oui, c'est une douche froide. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec la Confédération pendant plus de deux ans pour aider cette technologie à percer en Suisse. Les échanges avec l'Office fédéral de l'environnement ont été très positifs, tous les feux semblaient être verts. Il doit donc s'agir d'une décision politiquement motivée du Conseil fédéral et du ministre de l'environnement de ne pas vouloir aller de l'avant dans la lutte contre le bruit routier.
Qu'est-ce qui vous fait dire cela?
A Genève, le bruit dépasse quotidiennement les valeurs limites légales sur plusieurs axes de la circulation. Ces limites ont été fixées par la Confédération, qui refuse désormais de donner aux cantons les moyens de lutter contre le bruit. C'est une attaque contre le fédéralisme. Le radar anti-bruit n'est pas une folie ni une «Genferei». D'autres pays, comme la France, ont également recours à ce moyen. Dans un pays fédéraliste comme la Suisse, c'est pourtant le rôle des cantons d'être innovants.
Le Conseil fédéral argumente qu'il n'y a pas d'indicateur de bruit dans les voitures. Comment savoir si l'on roule trop bruyamment?
Ceux qui ont un comportement normal au volant ne doivent pas recevoir d'amende. Pour cela, il suffirait de fixer la valeur limite des radars anti-bruit à un niveau suffisamment élevé. L'étude du projet pilote genevois recommande un seuil de 82 décibels. Nous ne ciblons ainsi que les pics de bruit: moins de 1% des usagers de la route seraient flashés.
C'est pourquoi les 99% de la population n'ont pas besoin d'un indicateur de bruit dans leur véhicule. Une telle exigence est absurde. A cela s'ajoute un autre point.
Lequel?
On peut facilement combiner l'utilisation de radars anti-bruit avec des affichages indiquant le niveau de bruit sur le bord de la route. Ainsi, de nombreuses personnes pourraient prendre conscience que leur comportement est inapproprié.
Le Conseil fédéral voit un autre obstacle dans le fait que les valeurs limites pour les véhicules différèrent selon leur âge et leur catégorie.
Oui, les nouveaux véhicules ont le droit de faire moins de bruit que les anciens – la loi pourrait donc prévoir des exceptions. Si une personne se fait flasher avec une vieille voiture, la police pourrait annuler l'amende.
Lorsque le gouvernement français a créé les bases légales pour les radars de bruit, il a explicitement exclu les motos immatriculées avant 1990 et tous les véhicules agricoles. La Suisse doit-elle s'inspirer de la France?
Il est toujours utile de profiter des expériences d'autres pays. Mais la Suisse peut aussi s'inspirer d'elle-même: les véhicules plus anciens ne sont pas seulement autorisés à faire plus de bruit, ils peuvent aussi émettre plus de polluants. Nous pouvons déjà prévoir des exceptions légales à cet égard.
Le canton de Genève va-t-il installer des radars antibruit malgré l'opposition de Berne? Au lieu de distribuer des amendes, les personnes flashées pour excès de bruit pourraient être réprimandées par une lettre.
J'ai parlé de cette option avec mes collègues du gouvernement, mais nous avons des doutes. Envoyer une lettre sans qu'il y ait des conséquences par la suite déstabilise l'autorité de l'Etat.
Que voulez-vous donc faire?
Nous interviendrons certainement auprès de la Confédération et chercherons à discuter avec Albert Rösti. Le débat politique sur les radars anti-bruit n'est pas encore terminé. Trop de personnes souffrent du bruit routier.
Une chose est sûre: le radar antibruit continuera d'occuper non seulement le Conseil fédéral, mais aussi le Parlement. Une motion demandant l'introduction de bases légales est en suspens.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci