Tous les plus grands chefs d'Etats étaient réunis, samedi, au Bürgenstock, dans le canton de Nidwald, pour la Conférence sur la paix en Ukraine. Tous? Non. Un petit groupe d'irréductibles leaders a décidé qu'il ne viendrait pas. Et parmi eux, pas des moindres: Vladimir Poutine, premier concerné dans la guerre, mais aussi la Chine, un des partenaires les plus importants de Moscou. Les autres pays des BRICS comme l'Inde, le Brésil ou l'Afrique du Sud ont fait un discret acte de présence.
Pour Nils Fiechter, coprésident des Jeunes UDC suisses, c'en est trop. Contacté par la chaîne Russia Today (RT), qui diffuse la propagande de Poutine — et bannie de la plupart des pays européens depuis l'invasion russe de l'Ukraine — il ne s'est pas ménagé, quelques heures à peine avant le début du sommet:
L'échange a eu lieu avec un journaliste anglophone, pour la version internationale de la chaîne pro-Poutine. Dans cette interview d'une dizaine de minutes, le jeune politicien dénonce pêle-même l'influence de Kiev auprès de Berne, qui expliquerait l'absence de la Russie, la soumission de la Suisse à l'UE ou encore la volonté de Zelensky de se rendre à Nidwald que pour recevoir des armes, ce qui «transforme cette soi-disant conférence pour la paix en une conférence pour la guerre».
Car oui, pour Nils Fiechter, le Bürgenstock présentait le risque de «se rapprocher d'une guerre mondiale».
Le jeune politicien ne s'est pas embarrassé de cette présence auprès de Russia Today et a partagé l'échange complet sur ses réseaux sociaux.
Les réactions n'ont pas tardé. Le président des Jeunes UDC a été critiqué par une partie du personnel politique suisse, à l'image du président du Centre, Gerhard Pfister. Le conseiller national Roger Nordmann, ancien chef de groupe socialiste aux Chambres, estime, quant à lui, qu'il s'agit d'une «vraie honte». Il réitère son soutient à Ignazio Cassis et Viola Amherd dans l'effort de paix fourni.
Contacté, le Vaudois estime que le président des Jeunes UDC a «clairement fait le jeu de la Russie». Le socialiste estime que la conférence a «plutôt été un succès», même s'il se veut lucide sur le fait que la paix n'arrivera pas du jour au lendemain.
Pour le conseiller national, le timing de l'entretien de RT avec Nils Fiechter n'a rien d'anodin, tout comme les incidents au Palais fédéral entre la sécurité du Parlement et les députés UDC Thomas Aeschi (ZG) et Michael Graber (VS), également repris par certains médias russes.
Mais Nils Fiechter est aussi critiqué dans son propre camp. Ruben Ramchurn, le trublion de la politique vaudoise bien connu dans le nord du canton, a réagi sur les réseaux sociaux en se demandant «comment une faute pareille a pu être commise au plus haut niveau de l'UDC», traitant au passage Nils Fiechter d'«idiot utile de la propagande russe».
Comment une faute pareil a-t-elle pû être commise au plus haut niveau de @UDCch ?
— Ruben Ramchurn (@RubenRamchurn) June 15, 2024
On peut pas défendre la neutralité et apparaître sur Russia Today et devenir ainsi l'idiot utile de la propagande russe...
Avant la guerre en Ukraine, la chaîne était peut-être encore un peu… https://t.co/PMvVBkvBUm
Contacté, l'Yverdonnois commence par préciser — étant sur la même longueur d'onde que Nils Fiechter sur ce sujet — que le «Bürgenstock n'est pas très très utile comme sommet». Il le surnomme d'ailleurs le «Bürgenflop».
Toutefois, cela ne permet pas de se mettre dans les petits papiers de Poutine, estime-t-il. «Donner la parole à RT, qui est le bras armé médiatique de l'Etat russe, c'est un problème. Il s'agit de l'arme propagandiste d'un pays en guerre.»
L'UDC vaudois sait qu'en politique, il ne s'agit pas uniquement de ce qu'on dit, mais aussi à qui on parle. «Moi-même on m'a déjà déjà proposé de parler pour RT, mais j'ai décliné», explique-t-il.