Le «stalking», ou harcèlement, doit figurer dans le Code pénal en tant qu'infraction spécifique. Le Conseil national a adopté ce jeudi, par 151 voix contre 29, un projet en ce sens. Le Conseil fédéral le soutient, mais met en garde contre des attentes trop élevées.
Le harcèlement n'est pas un phénomène nouveau, mais le progrès technique lui confère une nouvelle dimension. Les cas prennent de l'ampleur avec les réseaux sociaux. Environ 19% des écoliers se disent victimes de harcèlement. Ces situations peuvent conduire au suicide, a rappelé Philippe Nantermod (PLR/VS) au nom de la commission.
Le harcèlement est un phénomène complexe. La répétition de comportements gênants envers une personne conduisent celle-ci à craindre pour sa sécurité. Ces actes ponctuels peuvent paraître socialement acceptables. Mais leur intensité ou la répétition ont des conséquences sur les victimes qui subissent des violences invisibles, a aussi rappelé Martine Docourt (PS/NE).
Une intervention politique est nécessaire. Pour Philippe Nantermod (PLR/VS):
Le harcèlement obsessionnel doit être puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. Il s'agit de renforcer la protection des victimes sur le plan pénal, en complément aux instruments de droit civil existants. Le ministre de la Justice Beat Jans a également rappelé que le harcèlement est souvent le premier pas avant des violences physiques. Et une condamnation pourrait stopper cette spirale avant les violences.
Le projet décrit l'infraction comme la traque (filature, espionnage, rencontres répétées inopportunes au travail ou au domicile), le harcèlement (cadeaux, contacts répétés par téléphone ou mail, réseaux sociaux) ou la menace (tentative d'intimidation, voies de fait, empiètement dans le logement ou la propriété). Peu importe que l'auteur agisse dans le monde réel ou passe par les technologies informatiques.
Les modifications proposées correspondent aux exigences de la Convention d’Istanbul, que la Suisse a ratifiée.
D'abord opposé à inscrire le stalking dans le Code pénal, le Conseil fédéral reconnaît le besoin. Il prévient toutefois qu'il ne faut pas nourrir des attentes trop élevées. Selon le ministre de la Justice Beat Jans:
Il restera difficile de déterminer à partir de quel stade une personne se trouve entravée dans la libre détermination de sa façon de vivre, d'autant que des actes pris isolément peuvent ne pas constituer un comportement répréhensible.
Le Conseil fédéral et l'UDC ont proposé que les éléments constitutifs du stalking ne soient réunis que si la victime se trouve entravée de «manière intolérable», afin que les atteintes relativement légères ne soient pas punissables. «Le terme intolérable est subjectif et complique la tâche de la police et des victimes», a contré Philippe Nantermod (PLR/VS).
La poursuite aura lieu sur plainte uniquement. Seule la victime peut déterminer si elle se sent atteinte dans sa sécurité ou sa liberté. En aucun cas une procédure pénale ne doit être engagée contre la volonté de la victime. En revanche, si l'infraction a lieu au sein d'un couple, elle sera poursuivie d'office.
Le Conseil fédéral souligne encore que l'application de la nouvelle norme pourra donner lieu à une charge de travail supplémentaire et à une augmentation des coûts de la poursuite pénale.
Le dossier passe désormais au Conseil des Etats. (ag/ats)