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L'initiative sur l'imposition des successions pourrait faire très mal

Des touristes montent avec le telepherique Cabrio sur la montagne du Stanserhorn ce mardi 25 septembre 2018 dans le canton de Nidwald a Stans. (KEYSTONE/Jean-Christophe Bott)
A Nidwald, où vivent de nombreux multimillionnaires attirés par une fiscalité attrayante, plusieurs départs ont été enregistrés.Image: KEYSTONE

Les riches fuient déjà la Suisse à cause de cette initiative socialiste

L'initiative sur les successions lancée par la jeunesse socialiste fait déjà trembler les riches. A cause d'une clause rétroactive, les cantons enregistrent déjà des déménagements de contribuables inquiets. Comment donc retenir les ultrariches?
15.07.2024, 18:46
Francesco Benini et Anna Wanner / ch media
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L'initiative sur l'impôt sur les successions de la Jeunesse socialiste ne préoccupe pas seulement les milieux économiques suisses. Les directions cantonales des finances mettent, elles aussi, déjà en garde contre des répercussions négatives. Le texte prévoit le prélèvement d'un impôt de 50% pour les fortunes supérieures à 50 millions de francs.

L'inquiétude se répand

Les contribuables concernés ne veulent pas risquer d'être assujettis et prennent les devants. A Nidwald, où vivent de nombreux multimillionnaires attirés par une fiscalité attrayante, la conseillère d'Etat UDC Michèle Blöchliger observe dans la Sonntags Zeitung que «les premiers départs ont eu lieu». Elle relativise toutefois: on ne sait pas combien d'entre eux sont exclusivement dus à l'initiative. Son homologue zurichois Ernst Stocker a confirmé au journal avoir eu vent de personnes qui envisageaient de déménager.

Ces critiques précoces et publiques de l'initiative – déposée au printemps avec 140 000 signatures – montrent à quel point l'inquiétude se répand. Après Peter Spuhler (Stadler Rail), Willy et Simon Michel (Ypsomed) et Markus Blocher (Dottikon ES), c'est au tour de la conseillère nationale UDC Magdalena Martullo-Blocher de s'exprimer.

La patronne d'EMS-Chemie a souligné vendredi que le texte aurait également des conséquences drastiques pour sa famille. Et de préciser, comme rapporte la NZZ lors de la conférence semestrielle d'Ems:

«Mes enfants devraient payer d'un coup 2,5 milliards de francs»

La fratrie songerait également à déménager à l'étranger, faute de mieux.

La classe moyenne «en fait les frais»

Après de telles déclarations, les réactions malveillantes ne se font pas attendre. Magdalena Martullo-Blocher et les entrepreneurs en général devraient faire leurs valises, peut-on lire dans les commentaires d'articles sur les sites de plusieurs médias. On leur reproche aussi un alarmisme excessif.

Hors des rangs du PS, on prend cette initiative et ses risques très au sérieux. Elisabeth Schneider-Schneiter (Centre/BL) explique sur X que si les millionnaires s'en vont, c'est la classe moyenne qui trinquera:

«Ce bashing des riches est insupportable»
Elisabeth Schneider-Schneiter

Elle estime que la Suisse a clairement besoin des grosses fortunes, par exemple pour le financement des œuvres sociales, dont plus de 50% des recettes fiscales proviennent justement des super-riches. Et de poursuivre:

«Si nous chassons cette catégorie à forte capacité fiscale par le biais de lois radicales, c'est la classe moyenne qui devra finalement prendre le relais, alors qu'elle est déjà fortement sous pression aujourd'hui.»

Son collègue de parti et conseiller aux Etats Pirmin Bischof (SO), qui a étudié de près le contenu de l'initiative, se montre, lui, plutôt alarmiste:

«Selon le texte, c'est le domicile qui est déterminant pour l'imposition. Celui qui veut changer de domicile doit prouver que son centre de vie s'est également déplacé. L'achat d'un bien immobilier à l'étranger ou le déplacement de son lieu de travail ne suffisent pas.»

Pirmin Bischof parle donc d'un «cadeau empoisonné». Sans compter que le texte pourrait entrer en vigueur dès le soir de la votation, en raison d'une clause rétroactive. Selon Pirmin Bischof, les contribuables concernés doivent donc réfléchir dès à présent à un éventuel déménagement s'ils ne veulent pas prendre le risque d'un résultat défavorable dans les urnes.

Le PLR a déjà tenté d'intervenir. Sa conseillère nationale Daniela Schneeberger (BL) a déposé une intervention lors de la session d'été afin de demander au Conseil fédéral des détails sur une éventuelle mise en œuvre de l'initiative. Le sénateur Pirmin Bischof va même plus loin: il trouverait utile de publier à l'avance le projet d'ordonnance pour la mise en œuvre, afin de couper l'herbe sous le pied des initiants. Ce serait une première.

Trois options bancales pour éviter les dégâts

Mais il faut reconnaître que les moyens sont limités pour contrer un effet anticipé déjà redouté. C'est fatal, selon le président du PLR Thierry Burkart:

«Rien que ce effet-là peut causer des dommages considérables»

Dans le même temps, il doute fortement d'un succès dans les urnes. Mais le risque pour les entreprises est tout simplement trop élevé. «Elles ne peuvent pas compter sur le fait que l'initiative sera rejetée», dit-il. Il faut donc que le Conseil fédéral procède rapidement à des clarifications juridiques, par exemple pour savoir si l'initiative est valable au niveau de l'effet anticipé ou si elle viole l'unité de la matière.

Pirmin Bischof estime lui aussi qu'une déclaration de nullité est une deuxième option pour éviter le départ prématuré des entrepreneurs. Le Parlement y a toutefois renoncé lors de la dernière initiative sur la question.

La troisième option, le contre-projet, est également largement rejetée.

«En effet, à moins que les Jeunes Socialistes n'acceptent de retirer leur texte, le risque reste entier jusqu'au dimanche de la votation»
Pirmin Bischof

Le PS ne fait cependant pas la sourde oreille. Son co-président Cédric Wermuth a assuré sur X qu'il était ouvert au dialogue pour élaborer une solution commune. Sa réponse ne règle pas le problème de l'effet rétroactif pour autant.

Le calcul des Jeunes socialistes et de la direction du PS qui pourraient espérer obtenir un contre-projet efficace va-t-il fonctionner? Le président du PLR, Thierry Burkart, n'y croit pas: selon lui, la direction du Parti socialiste vient avec des exigences toujours plus extrêmes pour ensuite négocier un contre-projet.

«Je ne cautionne pas ce petit jeu»

Le vice-président du Centre, Pirmin Bischof fait en outre remarquer qu'il faudrait également impliquer les cantons pour obtenir un contre-projet valable. Il n'en demeure pas moins qu'un retrait de l'initiative semble irréaliste pour le moment.

(Adaptation française: Valentine Zenker)

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