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Immigration: Macron perd le contrôle mais satisfait les Français

Loi immigration: Macron aura du mal à s'en relever
Emmanuel Macron et derrière lui l'Assemblée nationale.Image: montage saïnath bovay
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Loi immigration: Macron perd le contrôle mais satisfait les Français

En se faisant imposer une loi sur l'immigration d'inspiration droitière, Emmanuel Macron a atteint les limites du «en même temps». Quant à la loi elle-même, elle répond à une profonde angoisse d'une majorité de Français.
20.12.2023, 16:4021.12.2023, 10:22
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Les Français voulaient une loi sur l’immigration, ils l’ont. Il sautait aux yeux depuis les dernières élections législatives, celles de 2022, que le parti de droite Les Républicains (LR) était le partenaire tout désigné du président Macron et de sa majorité relative à l’Assemblée nationale. Désormais, la chose est claire à défaut d’aller de soi. Ceci étant dit, tentons de comprendre le sens de ce qui vient de se passer. Pourquoi une loi sur l’immigration? Quelles conséquences en termes politiques?

A quoi ça sert, une loi sur l'immigration?

Pourquoi une loi sur l’immigration? Tant qu’il y aura des peuples entourés de frontières, tant qu’il y aura des peuples tout court, il y aura des nationaux et des étrangers. A quoi sert une loi sur l’immigration? A calmer les angoisses du peuple, à ce qu’il puisse se dire qu’il maîtrise son destin, dans un cadre de valeurs, de coutumes et de croyances qui sont, estime-t-il, les siennes.

Le Brexit voté par les Britanniques en 2016, l’initiative populaire «contre l’immigration de masse» acceptée deux ans plus tôt en Suisse, participent de cette volonté d’affirmer sa souveraineté

La loi adoptée mardi tard dans la soirée obéit à ce registre existentiel. Le «vivre-ensemble» fonctionne mal en France. L’intégration a des ratés. Le communautarisme s’installe. Certains mots – par exemple celui de laïcité, pourtant essentiel – n’ont plus le même sens pour tous. Le sentiment domine qu’immigration et insécurité sont liées.

Les attentats islamistes, leur menace constante, creusent des fossés. L’impression de ne plus avoir prise sur ce qui devrait faire société gagne les esprits. Les attaques, parfois mortelles, visant des professeurs au nom d’une vision autant religieuse que civilisationnelle, violent ce sanctuaire républicain qu’est l’école, l'une des dernières citadelles de l'esprit libre.

Cet ensemble de ressentis et de réalités a motivé le vote de la présente loi sur l’immigration

D’où, dans ce texte controversé, l’introduction de quotas migratoires et de conditions plus restrictives pour l'attribution de certaines aides sociales; d’où un durcissement du droit du sol; d’où «la déchéance de nationalité pour les binationaux condamnés pour homicide volontaire contre toute personne dépositaire de l'autorité publique»; d’où l’allongement du délai de 18 à 24 mois autorisant le regroupement familial; d’où la caution demandée aux étudiants étrangers, etc.

Refonder les bases de l'intégration

Le sous-texte de cette loi est qu’il faut refonder les bases de l’intégration. Les personnes concernées sont non seulement les primo-arrivants, mais aussi leur descendance. La droite a ainsi obtenu que l’acquisition de la nationalité par des individus nés en France de parents étrangers ne soit plus automatique. Ils devront en faire la demande entre 16 et 18 ans, en montrant à cette occasion leur attachement aux «valeurs de la République».

Tout cela marchera-t-il? La délinquance diminuera-t-elle? Le processus d'intégration sera-t-il plus opérant? Rien ne le garantit. Un indicateur rend compte en tout cas d’un glissement progressif de l’opinion vers des préoccupations sécuritaires et identitaires: pour la première fois depuis sa création en 2017, la chaîne CNews, qui prétend dire ce que ses concurrentes n’osent pas dire, est devenue ce mois-ci leader en audience, passant devant l’inamovible BFMTV.

Le drame de Crépol, la guerre au Proche-Orient, les attentats islamistes, contre un professeur à Arras, contre un touriste allemand à Paris, peuvent expliquer le succès d'une chaîne qui se défend d'être d'extrême droite.

Demi-déchéance de présidentialité

Quelles seront les conséquences politiques du vote de la loi sur l'immigration? Renversons la perspective: qu’est-ce qui a permis son adoption, dans les termes droitiers voulus par LR, avec le Rassemblement national en passager clandestin? La réponse coule de source: les résultats des législatives de juin 2022. N’ayant plus de majorité absolue au Parlement depuis cette date, ne pouvant s'appuyer sur la gauche NUPES emmenée par l'illuminé Mélenchon, Emmanuel Macron n'a gouverné jusqu’ici qu’à coups de 49.3 (sous la menace d’un vote de censure) ou, comme cette fois-ci, au gré d’alliances de circonstance.

Mais le texte sur l’immigration est si différent, pense-t-on, de ce qu’il aurait été si le chef de l’Etat avait disposé d’une majorité absolue, qu’il acte la mort du macronisme, la fin du «en même temps», marque de fabrique de celui qui entendait dépasser le clivage droite-gauche.

C’est l’impression qui se dégage, à chaud, de ce tournant, de cette épreuve de vérité du second quinquennat d’Emmanuel Macron, qui vit là une demi-déchéance de présidentialité et qui ne peut à présent compter que sur le Conseil constitutionnel pour espérer voir retoquer tout ou partie des articles les plus droitiers du texte approuvé par le Sénat et l'Assemblée nationale.

Une victoire pour Les Républicains

En même temps, si l’on peut dire, la loi sur l’immigration telle que votée traduit la volonté populaire, dont l’Assemblée nationale est l’expression. Le pays est à droite, l’Assemblée aussi. En d’autres termes, la démocratie a parlé.

C’est donc une réalité devenue fiction qui aurait pris fin: Emmanuel Macron n’a plus les moyens de son récit, il n'est plus le maître absolu des horloges. Ce qu’on savait, une fois encore, depuis 2022. Face à l’évidente droitisation du Parlement, il aurait été préférable qu’il forme d’entrée un gouvernement de coalition entre son parti Renaissance et Les Républicains, mais ni le président ni les LR n’y avaient forcément intérêt. Le premier y perdait sa légende. Les seconds ne voulaient pas compromettre leur avenir électoral, les législatives de 2027, plus tôt en cas de dissolution d’ici là.

Au lieu de quoi, Les Républicains peuvent se targuer d’avoir, sur un texte de grande portée symbolique, où l’en-même-temps n’avait pas sa place au regard des rapports de force, fait la loi, dans tous les sens du terme. Cette grande clarification politique s'accompagne d'une grosse désillusion pour Emmanuel Macron.

Retour du clivage droite-gauche?

Assiste-t-on au rétablissement du clivage droite-gauche? Ce n’est pas exclu. Mais quelle droite et quelle gauche? Des recompositions sont peut-être déjà à l’œuvre. Le Rassemblement national n’a pas encore gagné, mais il n'a jamais paru si proche du pouvoir.

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